L'atmosphère de la maison devenait de plus en plus lourde. Des phénomènes étranges s'y produisirent. Disparition d'un meuble du salon ; apparition de ce même meuble dans une chambre comme si quelqu'un emménageait ; apparition de tache suspecte au plafond pour que le lendemain tout soit nickel. Autant de chose que j'évitais bien sûr de parler à mes frères. Ils voyaient bien que quelque chose n'y allait pas lorsque je les parlais mais ils attendaient tous que j'en parle de moi-même faisant tout au moins de temps à autre une petite allusion.
Je voulais bien rentrer en ville, mais les rues étaient impraticables. Manque de carburant, problèmes politiques, insécurité, peyi lock, kidnapping... en gros j'étais plus en sécurité ici qu'un tout autre ailleurs. Et aussi se serait été lâche de ma part ! lafimen pa konn fe met kay kite kay. Sous la demande pressante de mes frères j'ai dû engager une servante à domicile. C'était selon leur dire pour m'aider mais autant eux que moi savaient que c'était pour me tenir compagnie, et ce n'était pas plus mal. Discrète, elle savait bien mettre l'ambiance quand il fallait. C'était une femme entre deux âges et dès le premier regard on a su s'entendre.
J'évitais le chat autant que j'ai pu, en veillant toutefois à ce qu'il ait toujours de quoi se nourrir. Peu importe mes griefs contre lui, c'était un être vivant et il fallait le nourrir correctement. Mais toujours il me suivait, quoique à distance. C'était comme s'il était l'exprès pour me surveiller. Il me donnait des frissons glacials dans le dos, et son regard figé n'arrangeait en rien ma répulsion. J'aurais dû le faire partir comme me l'avait conseillé Diane la servante toujours étais-je une grande sensible je ne pouvais pas m'y résoudre. Ainsi il restait dans les parages.
Avec la compagnie de Diane qui était devenue beaucoup plus une amie qu'une servante, je passais le plus clair de mon temps. Elle aussi, elle voyait ce qui se passais mais soucieuse de son rôle de bonne servante elle ne disait rien. Me faisant découvrir les nouveautés du terroir, elle était intarissable d'anecdote. Chaque jour c'était une nouvelle découverte, un nouvel horizon, un nouveau paysage, les unes plus impressionnantes que les autres. Aussi agile qu'une libellule Diane ne se fatiguait jamais. Si je croyais en la réincarnation j'aurais dit que c'était mon grand-père dans un corps de femme.
Elle m'appelait ma petite fille, me prenait souvent dans ses bras comme le faisait grand-père du temps de son vivant. Tout en elle me le rappelait. Son rire candide, sa vivacité d'esprit, son agilité, son courage... enfin tout et tout. Souvent je devenais nostalgique et lui parlait de mon grand-père et de leur ressemblance. Elle en riait et disait qui sait je suis peut-être la réincarnation de ton vieux grand père. Et à mon tour je riais. C'était tellement drôle, et surtout dénué de toute rationalité que je lui prenais la main et continuais sans équivoque nos aventures. Et tard le soir nous rentions enfin au bercail. Un repas léger, une bouteille de grog et c'était parti pour une nuit de travail car la journée c'était au plaisir.
Alors que Diane était occupée à la cuisine, je profitai de ce petit moment pour faire un brin de lecture. Cet après-midi la canicule était à son plus haut point, elle était torride pas un seul souffle de vent. Assise sur la galata un livre entre une main et une timbale de jus du fruit de la passion (grenadia) dans l'autre, j'étais absorbée par ma lecture c'était un livre d'Alain Samson, le 8e péché capital, Pourquoi vous contenter d'être heureux ? Un très bon livre d'après un ami dans lequel je pourrais me retrouver. Pff ce n'était pas vraiment mon style mais je voulais quand même le lire histoire de lui faire plaisir c'était pour ainsi dire un de mes bons amis pour ne pas dire le meilleur et je l'adorais bien qu'il était un séducteur invétéré et se disait sombre histoire que je ne tombe pas amoureuse de lui. Bah il n'avait pas en s'en faire, l'amour et moi on ne faisait pas vraiment copain copine.
Faute de mieux, ce jour-là j'avais décidée de m'adonner à cette lecture. Dès la première page pourtant, je fus capté. Même une séance de promenade avec Diane n'aurait pu me détourner de livre. J'avais enlevé mon éternel foulard et ne gardait qu'un petit bout de top. La chaleur ne me dérangeait plus, sirotant mon jus j'intériorisais les leçons tirées du bouquin étonnant comme un livre peut raconter des faits propres à soi sans même sembler y toucher, il avait bien raison mon amie. Alors que je faisais chair avec le livre, mon téléphone sonna, me sortant de torpeur. C'était l'un de mes frères qui prenait de mes nouvelles. Sitôt la conversation finie, je déposai le téléphone, attirée comme un aimant je le repris et sans même m'en rendre compte je zappais déjà sur les réseaux sociaux.
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Quand un démon s'y joint
ParanormalJe n'ai pas voulu ça. J'en ai désiré des choses pourtant. Mais tout, sauf ça.