CHAPITRE XVIII - JULIAN

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Voilà bien des années que je n'avais plus été à ce point tracassé. Je m'inquiète pour des pressentiments qui ne veulent peut-être rien dire, mais ce que je retiens est que je m'inquiète, et vraiment.

Wyatt Moore.

Son nom tourne en boucle dans mes pensées, quelque chose cloche depuis qu'il a passé cette porte il y a déjà deux jours. Aucune nouvelle de sa part, pas même un coup de fil. Il est vrai que je ne devrais pas m'en plaindre, parce qu'une ou deux semaines plus tôt, j'aurais donné tout et n'importe quoi pour qu'il me fiche la paix, mais pas cette fois. Pas aujourd'hui, alors que je suis censé sortir de l'hôpital. Si je m'écoutais, je l'appellerais ! Mais qui suis-je pour perturber son quotidien ? Peut-être est-il occupé, ou en avait-il par-dessus la tête de courir après quelqu'un comme moi, quelqu'un qu'il n'aura jamais. Qui sait, peut-être même qu'il a trouvé l'amour de sa vie au coin de la rue. Philadelphie possède un lot de jolies histoires d'amour, après tout.

Non.

Non... au plus profond de mes envies, je voudrais qu'il ne trouve personne d'assez bien à son goût. Pas pour le punir d'avoir été ignoble avec moi au début, mais plutôt d'un point de vue égoïste. Bien évidemment que Wyatt ne me laisse pas indifférent, quel humain serait capable de passer à ses côtés sans se retourner ?

Personne.

La porte de la chambre s'ouvre sur le médecin qui s'est occupé de moi durant le séjour. Il m'offre un sourire que je lui rends immédiatement.

- Vous allez mieux, mon Père ? Comment vous sentez-vous ce matin ?

- Bien mieux, merci, répliqué-je. Quand pourrais-je sortir ?

- Vous pourrez sortir après avoir signé la convention de sortie qui se trouve à l'accueil. Mais avant toute chose, je voudrais vous parler de quelque chose, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Intrigué par son discours, je m'installe sur le lit, les mains prises par mon chapelet que je triture depuis des jours maintenant.

- Dites-moi, docteur.

Le docteur Jamison imite mon geste et s'installe à mes côtés. Dans la pile de paperasse qu'il trimballe, il sort une feuille à laquelle est agrafée une carte de visite. Je ne réussis à lire qu'un seul mot, et je sens déjà une réticence de mon côté, alors avant qu'il ne prenne la parole, je le devance.

- Je n'en ai pas besoin, docteur, dis-je sèchement.

- Mon père, après avoir pris connaissance de votre état physique, je me dois de faire mon nécessaire pour tenter de vous apporter mon aide.

- Je n'ai pas besoin de psychiatre.

- Il s'agit d'un soutien psychologique. Les plaies qui couvrent votre dos ont été portées volontairement, et il n'y a rien que nous puissions faire si ce n'est de vous proposez une aide à la psychologie.

Puisque le respect et l'écoute sont deux atouts que je ne peux m'enlever, je le laisse parler même si ce n'est rien d'autre, à mes yeux, qu'un charabia inutile.

- S'il vous plaît, Père Mediaz, faites-vous aider, souffle-t-il. Il n'y a aucune honte à tenter de résoudre ses problèmes, vous devez bien le savoir.

- Je n'ai aucun problème, je vous assure. Il ne s'agit là que d'une folie passagère. Jamais je ne recommencerai, je me sens bien mieux maintenant.

Seigneur, pardonnez-moi pour ce mensonge.

- Dormez sur vos deux oreilles, docteur Jamison. Je vais mieux.

Dans ses yeux, je peux voir la crainte qui s'installe, mais il capitule et hoche la tête. De toute façon, j'ai beau avoir un caractère pacifiste, je sais très bien qu'il est difficile de me faire changer d'avis. Et concernant un sujet comme celui-ci, je pourrais même employer le terme impossible. Jamais je n'avouerai. Jamais je ne parlerai de mon père à un psychiatre, parce que je refuse de voir les souvenirs refaire surface, ou d'entendre un lot de bobards qui ne m'aideront en rien à vaincre les démons qui se cachent sous ma soutane.

GOOD BOYS GO TO HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant