CHAPITRE X - WYATT

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Je referme la porte des toilettes dans mon dos, le souffle court.

Merde, je n'arrive plus à respirer. Je déteste ressentir ça, je déteste être ici et plonger dans les ténèbres de ma vie.

Je déteste... Je déteste cet endroit.

Il faut que je prenne l'air, que je me calme. Que je remonte la pente.

Je n'y arrive pas. Je suis incapable de faire quoi que ce soit, si ce n'est sortir ce sachet plastique de ma poche, tracer une ligne de poudre blanche et m'en fourrer plein les narines dans un gémissement étouffé. La sensation est comme un orgasme inattendu. Ce n'est que ça. Le médoc magique qui me bousille de l'intérieur, mais duquel je ne peux me passer.

Illusion de libération.

Amorphe pendant un instant, je me laisse glisser contre la paroi carrelée, les yeux hagards. Mon corps se réchauffe petit à petit... mais je sais que ce n'est qu'éphémère. Tout ça ne durera qu'un bref instant. Rien ne s'arrangera si rapidement. La vérité, c'est que la nostalgie est la pire chose dans ce monde. Elle regorge de souvenirs qui vous pourrissent la vie. Vous pensez être heureux en vous rappelant de certaines choses ? Du bon vieux temps ? Détrompez-vous, ça finit toujours par vous rendre triste. Parce que, plus jamais, vous n'aurez droit à vivre ces souvenirs heureux. Et la nostalgie, c'est aussi se rappeler du pire. Les coups, tout autant que les paroles, ne disparaîtront jamais. Personne n'a la potion magique pour ça. On ne peut pas oublier les souvenirs, surtout les pires, sinon ce serait trop facile.

Saloperie.

- Putain, grogné-je en me relevant.

J'ai envie de cogner partout autour de moi, mais je gère. Ouais, je n'en ai pas l'air, mais je suis capable de me contrôler. Je ne suis pas de ces connards sans cervelle qui démolissent pour le plaisir. Qui distribuent des gifles uniquement parce qu'ils se sentent mal. Non, moi, je suis du genre à sourire et attendre que le karma s'en occupe. Sauf que le karma, il ne peut plus rien faire. Alors oui, je suis énervé, mais je ne dois plus y penser. Et je sais que la poudre y est pour quelque chose dans ce soudain revirement d'humeur. Je me sens plus frais que jamais, les narines déconfites, mais frais quand même.

Illusion.

En sortant des toilettes, je tire la chasse pour donner l'impression que j'y suis réellement allé, mais en levant les yeux, je remarque que je ne suis pas tout seul.

- Vous n'avez jamais pensé à Hollywood ?

Julian me toise, accoudé contre le chambranle de la porte, triturant le chapelet qu'il porte autour du cou. Ça change de sa robe de curé, cette chemise grise. Son jeans lui va à merveille, les boots aussi et le blouson en cuir qu'il tient sur son avant-bras, encore plus.

Trop sexy. Tuez-moi.

Si je m'écoutais, je le plaquerais contre le mur pour embrasser cette bouche rose qui semble m'appeler. Mais je ne peux pas faire ça, même si... même si...

Non !

- Hollywood ?

- Vous feriez un très bon comédien. C'est génial de pouvoir se montrer aimable quand on ne l'est pas.

- Je suis très aimable avec certaines personnes, déclaré-je gentiment.

- Que faisiez-vous dans les toilettes ?

Je plonge mes yeux dans les siens à travers le miroir.

- Je pissais. C'est généralement ce qu'on fait dans ce genre d'endroit.

GOOD BOYS GO TO HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant