Chapitre 3 - Fen

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Mais quel imbécile, celui-là ! Il s'est invité chez moi et s'est comporté comme s'il était le maitre des lieux. Lui, qui espérait que je le laisse faire son petit numéro, doit être bien déçu maintenant... Bien fait pour lui.

Par précaution, j'ai demandé à quelques-uns de mes potes s'ils le connaissaient et, évidemment, ce n'est le cas pour aucun d'entre eux. Ce gars était bel et bien un crasheur de party. Malgré sa belle gueule, je n'ai pas pensé une seule seconde le laisser participer à cette petite fête ; et s'il était quelqu'un de dangereux ? Ou un journaliste jouant un personnage grossier ? Toute cette imprévisibilité n'a rien de bon, sans oublier le fait qu'il s'est montré très désagréable.

Cet élément nuisible écarté, je devrais désormais rejoindre les autres et me détendre, mais c'est mal me connaitre. Adossée contre un mur, je regarde les gens danser, s'amuser, passer une belle soirée ; je reprends la même position qu'un peu plus tôt. Moi qui avais cédé aux suppliques de mes amis, me revoilà au point de départ.

— Tu n'as pas l'air dans ton assiette ces temps-ci, Fen.

C'est Carlos. Une montagne de muscles qui peut paraitre intimidante, mais qui possède un cœur d'or. Son teint basané, son petit accent et sa gentillesse attirent les filles, pourtant il préfère rester célibataire et profiter de la vie. Il ne semble jamais nerveux et il vit au jour le jour. En bref, il mène mon existence de rêve.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Tu adores faire la fête et, aujourd'hui, tu restes dans ton coin. Ce n'est pas normal.

Je soupire. Benjamin est venu me faire un discours, maintenant c'est au tour de Carlos. J'ai beau savoir que ce sont mes amis et qu'ils ne veulent que mon bien, je ne peux m'empêcher d'associer leur comportement à celui de Meredith. Ma soif d'indépendance me pousse à rejeter toutes les mains tendues, puisque je me considère comme une adulte capable de prendre soin d'elle.

Alors, j'invente un mensonge. Un de plus.

— Je suis juste un peu fatiguée ce soir, j'irai mieux demain.

— Et la semaine passée, quand tu as fait un malaise dans le métro, c'était juste une mauvaise journée ? réplique aussitôt Carlos.

La nuit précédente, je n'avais pas fermé l'œil et avais passé des heures et des heures à ratisser Internet, à la recherche d'une opportunité de travail. Apparemment, le manque de sommeil ne me réussit pas.

— Je...

— Et il y a trois jours, lorsque tu as manqué de te faire frapper par une voiture, dans la rue ?

Il me regarde maintenant droit dans les yeux. Impossible de fuir son insistance.

— Est-ce que ç'a un rapport avec Meredith ? me demande-t-il.

— Non... okay, peut-être que oui.

J'aimerais qu'elle sorte de ma vie une bonne fois pour toutes, qu'on arrête de la nommer, qu'elle ne soit plus qu'un lointain souvenir. Cependant, tant que je ne fais pas un peu d'argent par moi-même, elle sera toujours dans le portrait. Mes amis continueront de parler d'elle, mes pensées m'amèneront à elle et les chèques pour payer mon appartement seront signés par sa main. Elle n'a pas besoin de m'appeler ou de pointer le bout de son nez pour avoir une emprise sur moi.

Un soupir de découragement m'échappe.

— C'est juste que j'en ai assez d'être dépendante. J'aimerais trouver un contrat, mais c'est impossible !

— J'ai peut-être quelque chose pour toi... m'apprend Carlos avec un clin d'œil.

Il sort son téléphone intelligent et y cherche quelque chose. Deux minutes plus tard, il me monte son écran avant de me passer son iPhone.

L'Ère de la CensureWhere stories live. Discover now