Chapitre 4 - Dylan

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Fen est carrément sexy.

Lorsque je l'ai vue entrer dans le bar, j'ai été éblouie par sa beauté. Peut-être que c'est l'alcool qui m'a aveuglé le soir où j'ai débarqué dans son appartement, mais aujourd'hui je l'ai observée sous son vrai jour : une putain de belle femme.

Ce qui est certain, c'est que je ne m'attendais pas à la voir ici, au Gentleman. Contrairement à ce que son nom sous-entend, le bar n'a rien de distingué, ou même d'approprié pour une femme. Les quelques braves qui ont osé s'aventurer ici se sont fait siffler par les balourds buvant au comptoir ; et je n'imagine même pas ce qu'ils peuvent leur dire.

Pourtant, Fen, d'abord désappointée, s'est repris très vite et a donné un super cinq minutes d'humour. Dommage pour elle, personne ne l'a écoutée. Et la lueur de tristesse que j'ai vu dans son regard m'a achevé ; elle n'était visiblement pas habituée à un environnement aussi hostile. Elle devra pourtant s'y faire, les bas-fonds de l'humour n'ont rien d'une partie de plaisir. Voilà déjà un an que j'y baigne, et ce n'est franchement pas reluisant.

Au contraire d'elle... Avant qu'elle ne quitte l'établissement, j'ai glissé mon numéro de téléphone dans son sac à main. Qui ne tente rien n'a rien.

En attendant qu'elle m'appelle - parce qu'elle le fera -, je jette un coup d'oeil à mes réseaux sociaux, question de voir si une autre soirée d'humour a besoin de mes services. Que ce soit en tant qu'animateur ou humoriste, je m'en moque. Tout ce que je désire, en ce moment, c'est un peu d'argent - et faire de l'humour, bien sûr.

Malheureusement pour moi, c'est aussi désert que le vagin de ma belle-mère. Pas une seule offre à l'horizon. Avec un soupir, je referme le couvercle de mon ordinateur avant d'aller me prendre une bière et de me poser devant la télé. Rien de mieux qu'un gala d'humour télévisé pour me remonter le moral. Même en sachant que les blagues les plus osées et drôles sont censurées, ces spectacles me font un bien fou et me redonnent espoir qu'un jour, moi aussi je serai là.

Vivre de sa passion, ça semble tellement exaltant. Raconter des anecdotes sur une scène, devant des centaines, voire des milliers, de spectateurs, ça doit être une putain de belle expérience. L'adrénaline coulant dans ses veines, le public riant à gorge déployée à chaque gag* , l'énergie de la foule... je donnerais tout pour vivre ça une fois. Rien qu'une fois.

Mais je n'ai pas la chance du débutant. Je reste dans l'ombre, à animer dans des bars comme Le Gentleman pour une consommation et zéro dollar. Malgré mon absence de succès et d'expérience, j'ai osé donner mon numéro à Fen ; quel imbécile je suis ! Je ne suis qu'un perdant, un bon à rien. Pas étonnant qu'il n'y ait que l'alcool qui me tienne compagnie...

Soudain, me tirant de mes réflexions franchement déprimantes, trois coups contre la porte d'entrée résonnent. Je fronce les sourcils, surpris. Depuis quand un voisin vient frapper à minuit ?

Même si je n'ai aucune envie de me lever, je me redresse et vais ouvrir. Jim !

— Frère ! Comment tu vas ? le salué-je avec notre poignée de main à tous les deux.

— C'est plutôt à toi qu'on devrait poser la question.

Je fronce une fois de plus les sourcils. De quoi il parle, putain ?

Jim est ce genre d'homme qui a tout pour lui. Grand, apprécié par les filles pour son intelligence et son physique, et avec une future carrière en médecine - ce qui est, je le rappelle, un énorme gâchis. Techniquement, il n'a rien à faire avec un raté comme moi, mais il s'entête à débarquer à des heures anormales chez moi. Parfois, c'est juste pour discuter de tout et de rien, parfois c'est pour me balancer un de ces discours ennuyeux sur mes responsabilités.

L'Ère de la CensureWhere stories live. Discover now