Chapitre 6 - Dylan

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Je suis con. Du genre vraiment con.

Je ne devrais pas m'encombrer d'une humoriste en herbe, qui ne connait rien aux bars et aux soirées d'humour. Je devrais me concentrer sur ma carrière, sur les éventuelles opportunités qui pourraient souffrir à moi. Comme Jim me l'a dit, je devrais me remettre sur pied avant de penser à aider quelqu'un.

Bon d'accord, lorsque j'ai parlé à Fen de mon rêve d'être présent sur un gala d'humour, j'en ai ajouté plus qu'il n'en fallait. La réalité, c'est que je ne sais pas si elle pourrait vraiment m'aider dans le domaine, elle qui ne connait pratiquement rien de notre univers. Pourtant, c'est tout ce que j'ai trouvé pour qu'elle accepte mon marché et pour qu'on passe plus de temps ensemble.

Depuis que je l'ai vue, il y a cette petite voix intérieure, cet instinct, qui me pousse à aller vers elle, comme si j'étais attiré par un aimant. Peut-être est-ce la tristesse que j'ai perçue en elle ? Peut-être que ce point commun nous relie davantage qu'on ne veut l'admettre ?

Pour être honnête, même si j'adore les femmes, leurs courbes et leur présence, je ne sais jamais comment réagir lorsque je me trouve d'elles. Et encore moins décrypter mes propres sentiments. C'est pourquoi, la plupart du temps, ça finit en one-night, après une soirée bien arrosée. Pas le temps ni l'énergie de me casser la tête à savoir si telle ou telle fille me plait assez pour m'engager. Mon seul engagement pour le moment, c'est l'humour.

Et c'est cette raison que je rafraichis mes mails depuis une heure, dans l'espoir qu'un courriel important fasse son apparition. Il y a quelques jours, j'ai envoyé ma candidature au Bordel*, le nouveau et premier comedy club à Montréal, pour participer au prochain open-mic. La réponse devrait arriver d'une minute à l'autre.

Un oui signifierait un immense bond en avant dans ma carrière. Le comedy club a beau n'avoir que quelques semaines d'existence, ses fondateurs et leur popularité ont fait du lieu un endroit très prisé par les connaisseurs d'humour, et les artistes font la file pour monter sur la petite scène. Les open-mic sont destinés à tout le monde, mais vu le nombre de candidatures, les organisateurs n'ont pas le choix de faire le tri. Et pour l'instant, je n'ai pas eu la chance d'atteindre le Graal.

Une réponse positive signifierait aussi une nouvelle expérience pour Fen ; peut-être même que je pourrais la recommander et la pousser à jouer devant le public de comedy nerd ! Du coup, elle ne regretterait pas du tout d'avoir passé un marché avec moi.

Il a beau être tôt le matin, et je suis toujours à moitié endormi, la nouvelle notification ne passe pas inaperçue à mes yeux. Un petit 1 s'affiche, et mon regard s'agrandit lorqu'il voit la provenance du courriel. Le Bordel comedy club.

Plus qu'impatient, j'ouvre le message sans attendre. Le coeur battant, je fais défiler l'écran et mes yeux parcourent les lignes à la vitesse de la lumière.

Ils m'ont accepté ! Ils m'ont accepté, putain !

Après des semaines d'efforts, j'ai enfin atteint une nouvelle étape, et une immense ! Mon travail a enfin été récompensé ! Même si je n'ai pas encore joué sur la scène du Bordel, la simple confirmation qu'ils viennent de me donner est un immense pas en avant. Contrairement à ce que Jim m'a rabâché l'autre jour, je ne suis pas un capable, et ce mail le confirme.

Pour célébrer cette victoire, j'ouvre une bière de marque, que je me réservais pour une occasion spéciale. Pas le temps de la savourer, je la descends au goulot avec satisfaction. Dieu que c'est bon !

Normalement, après avoir reçu une aussi belle nouvelle, je devrais aller faire la fête dans un bar, mais on est encore le matin... L'idée d'attendre au soir me parait franchement peu reluisante, pourtant je n'ai pas le choix. C'est le moment parfait pour travailler mon matériel, question d'être prêt pour la semaine prochaine, lors de la soirée open-mic.

L'Ère de la CensureWhere stories live. Discover now