Dani a commencé à vous suivre

Chapitre 3 : Je serais un ami pourri

Mon amour,

J'ai un rendez-vous aujourd'hui, le premier depuis toi.

Je m'en veux ... N'imagine pas que je t'oublie, je dois continuer à vivre.

J'aimerais savoir que tu me pardonnes, j'aimerais que tu reviennes.

Je t'aime toujours.

D.

***

—Dani ? Enchantée, je suis ravie de te rencontrer ! s'exclame-t-elle.

La fille me tend la main, je la serre brièvement, elle est douce et minuscule dans la mienne.

Hors sujet.

Je m'assois sans avoir été invité quand plusieurs têtes se tournent.

Elle pose ses mains jointes devant elle et patiente. Mon regard vagabonde dans la salle tandis que le sien, bleu, translucide et franc, reste braqué sur moi.

Les premières minutes se déroulent dans un silence étrange. Son sourire, presque figé sur son visage, lui donne un air de poupée flippante.

— Tu souhaites boire quelque chose ?

— En principe, je suis ici pour ça...

— Très bien, espérons que le serveur ne nous fasse pas attendre comme toi. Tu es en retard, Dani, mais je te pardonne. Il serait dommage de débuter notre amitié sur un malentendu.

Je crois rêver. Les yeux écarquillés, je cherche une note de sarcasme ou d'ironie, rien. Elle ne blague pas.

— On n'est pas amis, souligné-je.

J'ai envie d'ajouter" j'étais là le premier", mais nous ne jouons pas dans la même cour. Elle est visiblement restée dans celle de récréation.

— Pas encore, tu as hésité à entrer dans le café. Je l'ai remarqué, mais cela aussi, je te pardonne, rétorque-t-elle.

J'en perds mes mots.

Mais dans quelle histoire Hanaé m'a entraîné ?

— Je suis sûre que nous allons bien nous entendre. Les gens ne prennent plus le temps de profiter. Ils partagent leur vie sur Internet et refusent de s'arrêter deux minutes pour ressentir l'instant présent et vivre des moments vrais.

La fille, dont j'ai zappé le prénom, ne quitte pas son sourire, elle est mignonne, vraiment très jolie, si l'on occulte ses cheveux blonds en pagaille et sa robe criarde. Elle semble avoir préparé tout un discours et une partie de moi s'en veut déjà. Sans m'y attendre, elle se redresse et agite son index pour interpeller le serveur. Je baisse la visière de ma casquette sur les yeux, ce dernier l'a repérée, toute la salle aussi.

— Excuse-moi ... euh ? hésité-je.

— Dalhia, répond-elle, de retour à sa place.

— Ok, Dalhia, je vais être honnête.

— J'adore l'honnêteté, c'est indispensable en amitié, me lâche-t-elle.

— Je ne peux pas être ton ami.

Ses sourcils se froncent, son sourire se crispe, si bien qu'il n'atteint plus ses yeux. Elle ne répond pas et attend visiblement la suite.

— Ma sœur m'a obligé à venir, elle s'est mise en tête de me faire sortir, elle pense que je travaille trop.

— Oh, je vois...

— Tu vois ? répété-je, piqué au vif.

— Tu te caches derrière ton boulot, je comprends, on se cache toujours derrière quelque chose, affirme-t-elle avec sérieux.