Chapitre 11 : Dahlia

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— Bonjour Mademoiselle,

— Bonjour...

— C'est votre première séance, dites-moi ce qui vous amène

— Il m'a fait du mal, je crois qu'il est temps que j'en parle

***

Un message peut tout changer.

Ce n'est pas le thème d'un jeu-concours, mais celui de ma vie.

Mon message, celui qui a tout changé, a été envoyé, il y a 6 mois, au milieu de la nuit sur un forum, alors que j'étais ivre, le nez en sang et le corps marqué de bleus.

Je souris, je suis vivante.

Dani : Tu fais quoi ?

J'essaie de vivre, j'aimerais ne rien te cacher, je voudrais ne pas m'attacher. Trop tard.

Je tape d'une main un "J'arrive" que je n'envoie pas puisque je suis interpellée.

— Hey mademoiselle ? T'es trop charmante ! me hèle un jeune homme à la sortie du RER.

Le jeune doit avoir quelques années de moins que moi. Adossé au mur crade de la gare, une casquette vissée sur la tête et un genou replié contre le bâtiment, il joue des sourcils.

Mes courses sous le bras, je m'immobilise et tourne le visage vers le dragueur en herbe.

Dix minutes de retard de plus ou de moins, quelle importance.

J'avance vers lui avec le sourire. Une pointe de surprise traverse son visage encore juvénile. Il se redresse à mon approche et plaque un rictus victorieux sur ses lèvres.

Je ne lui laisse pas placer un mot, mon sac de courses atterrit dans ses bras.

— Tiens-moi ça, lui ordonné-je avec douceur.

Il l'attrape maladroitement tandis que je fouille à l'intérieur pour en extraire un sandwich acheté à la gare.

Je m'avance vers le SDF assis à quelques pas et le lui propose.

Le quarantenaire, assis au sol, se redresse et me remercie. Plusieurs fois. Trop pour si peu. Ce n'est qu'un sandwich après tout, un simple bout de pain garni, que l'on avale en quelques minutes en marchant, sur le pouce ou sans réfléchir. Peu d'entre nous connaissent la faim. Ils ignorent le sentiment de vide dans l'estomac, la brûlure marquée par l'absence de nourriture ou la privation. La fatigue ressentie après deux jours sans manger. La sanction pour un mot, un geste, une parole de travers.

Je cligne des yeux, inspire, et me retourne vers le jeune qui me regarde stupéfait, mon sac de courses toujours entre les mains.

— Bon ! Mon garçon, ça ne va pas du tout, commencé-je.

Il ouvre la bouche, la referme, alors que j'enchaine.

— "Hey mademoiselle, t'es trop charmante ?" répété-je en mimant des guillemets. Et tu penses sérieusement qu'une fille va te répondre " Oh oui merci ! Allez, vends-moi du rêve ?"

— Bah quoi ? T'es bonne, c'est la vérité.

Je passe une main sur mon visage plus exaspérée, qu'énervée.

Je ne m'énerve jamais. Je connais trop bien les ravages de la colère.

— Non, mais non ! C'est quoi la suite ? Ton père est un voleur, il a volé toutes les étoiles... gnagnagna ! dis-je en secouant les mains.

Il s'esclaffe, moi pas. Mon air sérieux semble le mettre mal à l'aise.

— T'es chelou meuf ! C'était juste un compliment, la vérité !

Dani a commencé à vous suivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant