Le doute

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        Tard dans la nuit, Aïkida se leva doucement afin de ne réveiller personne. Le parquet craquait bruyamment alors que la jeune fille se déplaçait à pas de loup, cherchant les lattes de bois les plus solides pour faire le moins de bruit possible. Elle détacha ses longs cheveux blancs et s'observa dans un petit miroir que lui avait dégoté son oncle sur un marché. À la lueur de la lune, son teint pâle lui donnait un air cadavérique. Regarde-toi, on dirait un squelette. Elle enfila doucement ses bottes ainsi que sa cape avant de prendre une lampe à huile qu'elle alluma faiblement.

        La jeune fille se rendit aux écuries telle une ombre, sans émettre le moindre son. Le cheval hennit brièvement à sa venue, mais Aïkida lui fit signe de se taire avant de lui enfiler la bride qu'elle avait finalement décidé de mettre. Elle monta en selle et partit doucement, l'herbe étouffant le claquement des sabots. La cavalière et l'étalon filèrent dans la nuit, sans un bruit, dissimulés dans l'obscurité.

        À l'entrée du village, la Fille Gelée rabattit sa capuche et s'avança doucement dans les ruelles sombres. Ses cheveux blancs faisaient contraste avec sa cape noire et elle dût les rentrer à l'intérieur du tissu pour ne pas trop attirer l'attention. Quelques auberges étaient encore ouvertes et elle put entendre les hommes rire et se saouler autour d'une table jonchée de bouteilles.

        Éclairée de sa torche qu'elle avait récupérée en chemin, Aïkida s'aventura dans les coins sombres du village, accompagnée des bruits de sabots sur la pierre froide des ruelles Oribanaises. Des mendiants gisaient au sol, grelottants de froid, les mains tendues vers la jeune fille en réclamant un peu de nourriture. La cavalière fouilla brièvement dans l'une de ses poches et y trouva un morceau de pain qu'elle tendit à l'un des sans-abris avant de repartir. Les ombres d'Aïkida et de Mad animaient les murs des maisons tandis que les animaux nocturnes fuyaient à leur approche.

        Et puis elle trouva. « CHEZ RAPHAEL, TROP DE NOUVELLES. »

        La jeune fille descendit de cheval et attacha ce dernier à une barrière en bois, devant le petit magasin. Elle frappa une première fois sans obtenir de réponse. De nature impatiente, la Fille Gelée pénétra dans la boutique sans tenter une deuxième fois d'avertir les lieux de sa présence.

        Aucune lampe n'était allumée et Aïkida avançait lentement, à tâtons, soucieuse de se cogner contre les meubles ou de renverser de précieux objets. Soudain, un feu s'alluma dans la cheminée. La jeune fille se retourna vivement vers la source de lumière, mais elle fronça aussitôt les sourcils.

        Personne.

        Méfiante, elle observa les lieux dans les moindres recoins, cherchant ce qui avait bien pu enflammer le bois aussi rapidement sans qu'elle ne s'en soit rendue compte. Au centre de la pièce, était disposée une table couverte d'une grande nappe blanche. Tout un tas de bibelots et de bouquins gisaient là, recouverts d'une épaisse couche de poussière. Une bibliothèque était adossée au mur à droite de l'entrée alors que sur le mur de gauche, des étagères menaçaient de tomber à tout instant. Sur ces dernières, étaient disposés des bocaux au contenu insoupçonné, et Aïkida détourna le regard, préférant ne pas en savoir plus à leur sujet. Les ombres se mouvaient avec le feu, et donnaient un aspect maléfique à cette pièce pourtant banale.

        La jeune fille s'apprêtait à annoncer vocalement sa présence quand un homme surgit d'un petit escalier qu'elle n'avait pas remarqué jusqu'à présent. Il était de petite taille, menu, et tenait une bougie à la main alors qu'il scrutait la jeune fille qui se tenait devant lui avec attention. Lorsque cette dernière retira sa capuche par politesse, les yeux du vieil homme se mirent à briller.

La Fille GeléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant