La Fille Gelée

Ilewite

     À la fin du repas, la Fille Gelée aperçut une ombre dans le coin de la salle. La masse noire semblait incertaine et se cachait. Elle fuyait. La jeune fille fronça les sourcils et se leva discrètement de table en maudissant son abdomen qui la faisait souffrir, et s'approcha du coin. Elle déboucha sur un long couloir, éclairé par quelques lanternes. Le sol était composé de dalles de pierre froide et des bruits de pas résonnèrent. Ils étaient hâtifs. Aïkida rabattit alors la capuche de sa cape noire sur sa tête, et s'avança prudemment. Elle n'avait pas récupéré ses armes et se sentait exposée, mais sa curiosité était plus forte que tout.

        Avançant à pas de loup, la jeune fille s'engageait dans des couloirs inconnus, se fiant aux bruits de pas qu'elle suivait à la trace. Elle avait monté une demi-douzaine d'escaliers quand soudain, elle déboucha devant une impasse. Plus de bruit, plus d'ombre, plus rien. Aïkida se retourna plusieurs fois sur elle-même, et constata en fronçant les sourcils qu'il y avait une légère faille dans le mur, dissimulée dans l'obscurité. Assez épaisse pour qu'un homme puisse y passer, la Fille Gelée inspira et s'avança pour s'y engager.

        Tout à coup, une main épaisse s'écrasa sur la bouche de la femme Dragonnier, et une poigne de fer lui attrapa le bras, l'attirant contre un torse musclé. Aïkida voulu hurler, mais la main étouffait tous ces cris, couvrant sa bouche ainsi que son nez. Elle essaya tant bien que mal de se dégager, mais son agresseur était beaucoup plus fort. Ce dernier la retourna soudainement et la plaqua contre le mur, dos contre la pierre, s'écrasant de tout son poids sur la jeune fille. Elle ne pouvait plus bouger, bloquée par les muscles de son assaillant, tandis que ses blessures la faisaient souffrir.

        Pas moyen de s'enfuir.

        Son agresseur était certainement un homme au vu de la force qu'il détenait et de sa morphologie. Et puis il y avait très peu de femmes dans la Vallée. La faible lanterne accrochée non loin d'eux, éclairait une silhouette carrée d'épaules. Il portait une sorte de chemise épaisse de couleur crème et un pantalon marron, alors qu'à sa ceinture, pendaient une épée, deux dagues et un poignard. Aïkida n'arrivait pas à distinguer son visage, recouvert par une capuche sombre.

        Le souffle de la jeune fille devenait peu à peu inexistant. Elle avait du mal à respirer et ses blessures lui rendaient la tâche difficile. L'agresseur diminua légèrement la pression de son corps contre le sien pour lui laisser plus d'espace, et descendit sa main sur sa bouche uniquement, de façon à lui libérer le nez et à faciliter sa respiration. Lorsqu'il lâcha finalement le bras de la jeune fille, cette dernière voulut le frapper au visage, mais il parât le coup de son avant-bras musclé et se recula complètement.

        L'agresseur rompit tout contact avec la Fille Gelée et porta un doigt à sa bouche, lui intimant le silence. Aïkida haussa un sourcil en se figeant. Quelle sorte d'assaillant me libère et me demande de me taire de cette manière ? Mais elle n'eut pas le temps de poser la question ou même de se battre, que l'homme retira sa capuche.

        Son agresseur n'était autre que Tarek.

        Aïkida allait exprimer sa surprise ainsi que sa colère quand le jeune homme lui intima le silence d'un geste sec.

— Tais-toi et suis-moi, chuchota-t-il.

La jeune fille allait répliquer, mais le dragonnier lui fit comprendre que c'était capital qu'elle garde le silence. Avec regret, la Fille Gelée hocha la tête dans un soupir, n'en restant pas moins méfiante.