La Fille Gelée

Ekzek

         Une demi-heure était passée depuis le commencement de la torture. Aïkida ne flanchait pas. La jeune fille avait le corps et le visage recouverts d'atroces brûlures. Elle hurlait et pleurait de douleur, d'épuisement et de haine. Mais elle ne cédait pas. Leeroy avait les larmes aux yeux de voir son amie se faire torturer ainsi. Tous ses muscles étaient tendus alors qu'il tirait sans cesse sur ses liens, déchiquetant sa peau, imbibant les cordes de sang. Il tentait d'utiliser ses capacités de dragonniers, mais les liens brûlants lui rappelaient que ses pouvoirs étaient limités. Le jeune homme se sentait terriblement impuissant. La seule chose qu'il pouvait faire sans attirer l'attention du Masque Noir, c'était d'envoyer de très faibles doses de magie vers la Fille Gelée pour tenter d'alléger ses souffrances.

        Quant à Tarek, il devait se faire violence pour ne pas utiliser la sienne et détruire ce monstre qui torturait Aïkida sans relâche. Ce monstre qui avait tué sa mère, qui avait ruiné sa vie. Il était exténué. Lutter sans cesse contre l'appel de la Magie Noire lui demandait toute sa concentration et sa force mentale. Ses traits exprimaient une profonde souffrance et les cris stridents de la jeune fille ne faisaient qu'accentuer sa colère, qu'attiser sa rage et qu'enflammer sa haine.

        Mais Tarek savait. Le Masque Noir torturait non seulement la Fille Gelée, mais également le jeune brun, car il voulait que ce dernier utilise sa magie pour sombrer dans les ténèbres, c'était un test. Il devait tenir.

        Malgré tout, des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête : Je peux la sauver. Je sombrerais immédiatement si j'essayais, ce serait le chaos total. Et puis il y a la prophétie. Mais je peux peut-être tenter ? Non. Trop risqué. Je peux... mais est-ce que je le veux ?

— Et bien jeune Ilewite, je suis impressionné par ta détermination. Malgré le tisonnier, le fouet et le couteau, tu n'as pas cédé.

        Aïkida ne se tenait plus. Pantelante, accrochée au poteau, son corps ne tenait plus que grâce à ses liens. Ses cheveux poisseux retombaient sur son visage qui n'était plus qu'un mélange de larme, de sueur et de sang. Le tisonnier avait brûlé ses bras et ses jambes, ainsi que son cou tandis que le fouet s'était occupé de son dos. Le couteau avait été réservé pour le visage et le cou exclusivement. La jeune fille tremblait de tout son corps. Elle ne tiendrait pas longtemps, elle avait perdu trop de sang. Elle n'entendait plus que son cœur battre beaucoup trop fort et beaucoup trop rapidement dans ses oreilles, ainsi que sa respiration saccadée et haletante. Le sang s'écoulait le long de ses bras ballants. En réalité, elle en était recouverte, et son visage pâle contrastait terriblement. Son dos et son ventre étaient marqués par les dix coups de fouet. Ses pommettes et sa mâchoire inférieure saignaient à cause des nombreuses plaies effectuées au couteau. Le sang goutait sur les dalles dans une cadence insupportable et incessante, formant une sombre flaque. Les cheveux de la jeune fille étaient rouges, ses bras étaient brûlés, et son visage était morbide. Elle semblait déjà morte.

        Aïkida pleurait. Des pleurs de douleur, de rage, de peur et de haine profonde. Mais elle résistait. Elle devait résister. Tarek lui avait bien fait comprendre que si elle cédait, ce serait le chaos. Des centaines voire des milliers de vies reposaient sur ses épaules, dont celles de sa famille. Elle n'utiliserait pas la magie.

        Elle souhaitait juste que cela s'arrête.