Armes au poing

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         Le lendemain, Aïkida était beaucoup moins enthousiaste à son entraînement, et son professeur le remarqua :

— Que se passe-t-il Kida ? Je ne t'ai jamais vu aussi déprimée.

Il s'approcha de la jeune fille et posa une main sur l'épaule de son élève.

        Suron avait environ une soixantaine d'années, mais lorsqu'il se battait, on lui en donnait à peine trente. Ses longs cheveux blancs étaient attachés en une queue de cheval, mettant en valeur ses yeux verts.

— Rien. J'ai espéré avoir des réponses, mais j'ai plus de questions qu'avant. Et hier, j'ai compris qu'elles ne seraient jamais résolues.

— Kida, je te croyais plus téméraire ! Il y a toujours une solution, garde bien ça dans ta petite tête, dit-il en lui tapant doucement la tempe. Ne désespère pas.

La jeune fille sourit timidement et Suron ajouta :

— D'ailleurs, j'ai quelque chose pour toi qui devrait te remonter le moral !

L'entraineur s'approcha d'une grande caisse en bois. Il la souleva et la tendit à son élève.

— Je t'ai promis qu'aujourd'hui on utiliserait de vraies armes. Mais je me suis dit que ce serait encore mieux si tu utilisais les tiennes.

         Aïkida écarquilla les yeux et ouvrit la bouche, n'en croyant pas ses oreilles. Elle s'accroupit pour ouvrir délicatement la boîte, et ses yeux se mirent à briller de joie. Il y avait trois couteaux de lancer avec une ceinture pour les ranger, une épée, un poignard et une dague avec leurs fourreaux respectifs. Mais il y avait également un bâton de combat. La Fille Gelée le saisit délicatement, les yeux brillants d'excitation, et constata avec bonheur qu'il était léger et facile à manipuler.

        Le bois Guyacan Real faisait partit des plus solides de toute l'histoire. Le bâton était magnifiquement sculpté et poli. Ses deux extrémités étaient plus larges et recouvertes de petites dents de fer, finement aiguisées. Dans la caisse, Aïkida aperçut également une longue corde noire, légère elle aussi, et très longue. Elle ne prenait, en revanche, pas beaucoup de place. Très pratique.

        La jeune fille se releva et sauta dans les bras de Suron qui riait.

— Merci ! s'exclama Aïkida, éclatante de joie. Merci beaucoup ! C'est le plus beau cadeau qu'on ne m'ait jamais fait !

— On n'a qu'à dire que c'est ton cadeau d'anniversaire à l'avance, pour tes dix-huit ans !

— Très, très à l'avance alors ! rit la jeune fille.

Elle relâcha son professeur qui souriait de satisfaction, et annonça fièrement, retrouvant sa bonne humeur :

— Avec tout ça, Maître Suron, vous n'avez plus aucune chance !

Elle saisit fermentent son bâton de combat, sourit à son entraîneur, et se mit en garde.

        Les bâtons tournoyaient agilement tandis que les adversaires se battaient avec finesse. Le professeur esquiva vivement un coup de son élève et voulu attaquer ses côtes. Mais la jeune fille para habilement l'arme de bois et profita que Suron ait les jambes écartées pour faire une rapide roulade entre celles-ci et atterrir derrière avant de lui bloquer le bras portant le bâton en le tirant vers l'arrière. Le professeur avait dorénavant la gorge exposée, et Aïkida dégaina son poignard pour le lui placer vivement sous le menton. Mais l'entraîneur n'avait pas dit son dernier mot. De sa main libre, il attrapa le genou gauche de la jeune fille et tira d'un coup sec. Son adversaire tomba sur le dos.

— Tu as encore quelques progrès à faire, annonça Suron en riant.

— Ce n'est pas juste, vous êtes beaucoup plus musclé que moi. D'une seule main vous me faîtes tomber, râla-t-elle en souriant.

— Tu as raison. Maintenant que tu maîtrises plus ou moins les techniques de combats, il faudrait muscler un peu tout ça ! dit-il en pinçant les bras de la jeune fille qui venait de se relever.

Aïkida sourit et plaisanta :

— Oui chef ! Bien chef ! Quelles sont les instructions chefs ?

— Vingt pompes et sept tractions ! s'exclama le professeur. Et plus vite que ça !

Voyant le visage de la jeune fille se décomposer, Suron éclata de rire. Elle le regardait avec des yeux suppliants, espérant le faire changer d'avis.

— Serais tu en train d'essayer de négocier mes ordres ? demanda-t-il avec humour.

La Fille Gelée reprit contenance et s'exclama, toujours sur le même ton :

— Non chef ! Bien chef !

Aïkida serra Suron dans ses bras pour lui dire au revoir :

— À demain, et encore merci pour tout !

La boîte en bois gisait au sol, vide. La jeune fille portait toutes ses nouvelles armes sur elle, cachées sous la longue cape noire qu'elle venait d'enfiler.

— Ce n'est rien, rassura le professeur. Mais si tu pouvais me rendre un petit service, j'apprécierais !

Aïkida releva un sourcil mais s'empressa d'ajouter :

— Oui bien sûr ! Qu'est-ce que je dois faire ?

— Demain, atteint les vingt pompes.

L'entraîneur sourit, suivi de son élève qui répondit :

— Je ferais de mon mieux, promis !

— Je n'en doute pas !

Suron regarda la jeune fille partir au galop en souriant. Il aimait bien cette petite. Précise et audacieuse, elle irait loin dans la vie.


         Aïkida galopait sur les collines, loin des regards méfiants des villageois. Le vent soulevait sa longue cape noire et ses beaux cheveux blancs tandis qu'elle respirait l'air pur de la campagne. La jeune fille aimait passer par ce chemin, à la lisière de la forêt et à l'abri des collines, elle avait une vue magnifique sur tout le Royaume. Libre comme l'air, elle sourit de bonheur. Ses nouvelles armes pendaient à sa ceinture alors que le bâton de combat était rétracté et permettait à la jeune fille de l'avoir toujours sur elle.

        Tout à coup, un terrible rugissement retentit et la terre se mit à trembler légèrement. Mad se mit à paniquer et hennit fortement, effrayé. Le cheval s'agitait de plus en plus et Aïkida avait du mal à le maîtriser alors qu'il ne voulait plus avancer d'un pas. Soudain, il se cabra et la jeune fille tomba à la renverse, propulsée, alors que l'étalon noir se mit au triple galop et partit sans sa cavalière.

— Mad ! Non attends, Mad ! hurla la fille Ar-Feiniel.

        La Fille Gelée se redressa vivement et essaya de courir après son cheval, en vain. Elle soupira et s'arrêta grimaçant. Sa chute avait meurtri son dos, mais rien de bien méchant. La jeune fille se mit donc à réfléchir. À pied, il lui faudrait plus de deux heures pour rentrer chez elle si elle suivait sa trajectoire initiale. Elle décida alors de couper par la forêt.

La Fille GeléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant