La Fille Gelée

Le combat de feu

         À l'affut du moindre danger, Aïkida restait sur ses gardes, une main sur son poignard. Les arbres étaient si nombreux, et la cime si épaisse que le soleil traversait difficilement le mur de feuilles. Le son de ses pas étaient presque totalement absorbés par la forte présence de verdure. Son cœur battait la chamade. C'était quoi ce bruit tout à l'heure ?

        Cela faisait plus d'une demi-heure qu'Aïkida marchait parmi les feuilles mortes et la mousse, quand elle arriva face à une petite clairière. Soudain, la jeune fille aperçut une biche dans la pénombre. Elle se rapprocha prudemment et se camoufla derrière un arbre à la « lisière » de la clairière. La Fille Gelée décida alors de tester ses capacités en situation réelle. Sans faire de bruit, elle sortit un couteau de son étui et étudia la bête qui ne semblait pas l'avoir remarquée. Elle se positionna, visa et lança avec force l'arme blanche qui alla directement se planter dans le cœur de la biche. La jeune fille eu une pointe de compassion quand elle vit l'animal s'écrouler au sol, mais elle se ressaisit et s'avança pour récupérer son couteau. Elle essuya ensuite l'arme blanche pleine de sang sur la mousse des arbres et la rangea à sa ceinture.

        Cela faisait longtemps que sa mère, sa sœur et elle, n'avaient pas mangé de viande fraîche. Alors la Fille Gelée cala la biche contre un arbre et s'assit pour se reposer, décidant de reprendre des forces avant de devoir traîner l'animal pendant encore de longues minutes, jusque chez elle. Le soleil réchauffait le visage froid de la jeune fille tandis qu'elle étirait ses jambes. Elle retira sa cape et la posa à côté d'elle, ayant trop chaud.

        Soudain un nouveau rugissement retentit, et la jeune fille ressentit une secousse. Elle se releva d'un bon, dégainant son bâton de combat en une fraction de seconde. Sa fatigue avait disparue, laissant place à l'adrénaline. Elle perçut un mouvement derrière les arbres qui lui faisaient face, et ne bougea plus.

        Le rugissement qu'elle venait d'entendre lui était inconnu mais elle devina qu'il n'appartenait pas à un félin.

         Un ours peut-être.

        Tout à coups, un arbre s'écrasa au sol, déraciné. À la place, se trouvaient deux énormes yeux bleus, dans l'ombre, qui fixaient la jeune fille. Les pupilles étaient longues et verticales comme celles d'un reptile, menaçantes. Aïkida écarquilla les yeux et blêmit.

        Un grondement se fit entendre et l'animal s'avança lentement. Le soleil éclairait peu à peu la créature au fur et à mesure qu'elle sortait de l'ombre. Elle faisait au moins trois mètres de haut et ses écailles noires et tranchantes luisaient au soleil. Sa gueule imposante était légèrement entrouverte et laissait entrevoir des dents, aussi grandes et aiguisées que des poignards. Ses lourdes pattes disposaient de longues griffes et d'épines noires.

        Aïkida pâlit alors que son cœur venait de rater un battement.

        Un dragon.

        Il se tenait à moins de dix mètres d'elle. La jeune fille reculait doucement, paniquée, sans faire le moindre geste brusque, tandis que la créature sortait de l'ombre. Elle faisait au moins six mètres de long. Sa queue balayait le sol tandis que ses épines dorsales se dressaient, menaçantes. Les yeux bleu ciel du dragon se posèrent sur la biche puis revinrent à la jeune fille qui se déplaçait latéralement vers le gibier.

        Alors que la Fille Gelée allait prendre la biche pour la donner au dragon en guise de diversion, la créature se redressa soudain sur ses pattes arrière, déployant ses immenses ailes noires en poussant un rugissement assourdissant. Aïkida, les yeux écarquillés sous la peur, avait vivement reculé et trébucha contre une racine. De la fumée jaillit des naseaux du dragon, et ce dernier fonça soudainement vers la Fille Gelée.