Chapitre 3. 2/2

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Joseph venait de me rejoindre dans la salle de bain. Il avait posé ses mains protectrices sur mes hanches et commençait à déposer quelques tendres baisers le long de mon cou. Il me poussa légèrement, faisant pivoter mon corps vers lui, contre le sien. Nous nous retrouvions face à face, dans l'étroitesse de la pièce. En dépit de cette outrageante fin de soirée, je comprenais très clairement que Joseph était passé à autre chose et que ses intentions se trouvaient déjà ailleurs. Le dos de sa main caressait le bas de mes reins et son souffle se déposa au creux de ma nuque. Il entreprit d'ôter la robe pastel en baissant les bretelles le long de mes bras. Je soupirais de plaisir. Ce contact était très agréable, je dû le reconnaitre, bien que fulminait encore en moi notre altercation avec cette fille.

    — Et si on essayait de prendre une douche, rien que toi et moi ?

    Je soupirais, le désir m'avait quittée.

    — Joseph...

    — Je sais, tu n'aimes pas ça. Mais ce n'est pas si terrifiant tu sais, au contraire. Je suis certain que c'est même très agréable... s'il te plait. Rien qu'une fois, pour notre anniversaire.

    — N'insiste pas.

    Je mettais fin à la conversation et sortais de la salle de bain en fermant la porte derrière nous. Les choses m'échappaient déjà suffisamment sans avoir en plus besoin d'un Joseph voulant me faire perdre mes moyens plus encore. Je n'avais aucun problème avec ma sexualité, tant qu'elle restait correcte et maîtrisable. Nous n'étions pas deux sauvages, il n'y avait aucune raison pour qu'un élément d'hygiène ne se transforme en scène de débauche.

    Dans le lit, je me glissais volontiers dans les bras de Joseph, qui faisait une moue passive, déçu par cet énième refus. Mais je ne cèderai pas. Je refusais la débâcle. Coupable du climat que j'avais instauré, je me penchais au-dessus de ses lèvres, et déposais quelques baisers volatiles. Il les rattrapait au passage et m'assis sur son corps allongé. Ses baisers devinrent plus passionnés et ses mains attrapaient mon corps, paré des seuls sous-vêtements qui subsistaient sous la robe qu'il m'avait subtilisée plus tôt. Il parcouru mon dos et défit sans peine les agrafes de mon soutien-gorge, avant de le jeter dans le brasier du lit. Joseph connaissait parfaitement mon corps et n'avait aucun mal à trouver ce qu'il voulait, faire courir ses doigts le long de ma colonne, et s'offrir le luxe de ma nudité.

    Il m'avait fallu énormément de temps avant que notre relation ne devienne charnelle. Les premiers mois de notre relation ne comptaient qu'au plus quelques baisers arrachés, timides, tendres et effervescents. La passion et les angoisses n'étaient arrivées que plus tard, alors que la question du désir intégrait notre couple. Une toute nouvelle forme de vision qui nous arrachait l'estomac, à l'un comme à l'autre, et nous poussait vers cette union. Cependant, c'est  précisément à cet instant que j'ai commencé à confronter Joseph à sa patience. Par chance, il comprenait, entendait et acceptait. Je m'imagine toujours qu'il eut été prêt avant moi, mais nous n'en avions en réalité jamais discuté concrètement. Mes angoisses étaient peut-être également les siennes. Peut-être même n'était-il pas plus près que moi ce jour-là. Mais ce dont j'étais certaine, est que nous n'avions jamais douté l'un de l'autre. Je savais que je voulais partager ce passage de ma vie avec lui, tout comme il souhaitait le partager avec moi. C'était si naturel.

    Cette nuit-là, dans la semi obscurité timide de la chambre, nous nous laissions aller à cette passion que nous consommions une fois de plus. Pourtant, mes pensées ne se mêlaient pas aux siennes. J'étais là, mais ailleurs. Mon regard plongeait dans le sien, mais mes yeux ne le voyaient pas. Mes lèvres tremblaient contre sa bouche, mais ne le sentaient pas. Je fermais les yeux, et me réfugiais dans les souvenirs que nous partagions, lui et moi. Jusqu'à ce que je la vois, là, parmi les souvenirs de mon copain. Elle se tenait là, debout, insolente, au centre de la foule. Elle me fixait. C'était dans son regard à elle que mes yeux étaient tombés. C'était sa bouche à elle, que mes lèvres tentaient de rejoindre. C'était dans la passion de cette soirée, que je m'étais abandonnée à l'extase de la revoir.

    Jamais je ne m'étais sentie plus honteuse de ces pensées terrifiantes. Pourquoi avais-je fait ça ? Comment était-ce possible ? Joseph est allé se rafraîchir dans la salle de bain tandis que moi, rongée par ma culpabilité, je me laissais engloutir par la couverture de mon lit, nue, sans même prendre le temps de vêtir d'un pyjama. J'aurai froid. Tant pis, telle serait ma pénitence. Je me sentais traitre, je me sentais sale. Joseph ne méritais pas une copine aussi ingrate. Mais je ne pouvais rien dire. Comment aurai-je pu lui dire qu'alors qu'il s'abandonnait à moi, je pensais à une autre ?

    Sans attendre son retour de la salle de bain, je plongeais dans un sommeil humiliant, en espérant oublier au plus vite. Si j'oubliais, alors rien n'existait plus.

    Au réveil, je découvrais avec bonheur le visage de Joseph, les yeux embués, sortant difficilement de son sommeil tendre. Je repoussais quelques mèches sur son front et dégageais son visage solaire. Je violentais mon esprit pour ne pas rejouer la scène d'hier soir. L'effort était intense bien que mes efforts portaient leurs fruits.

    Le voyant sombrer de nouveau dans l'absolu de ses rêves, je décidais de laisser Joseph dormir et commençais à travailler quelques devoirs que j'avais à rendre. Quelques minutes s'étaient à déjà écoulées que je n'avais pas tracer le moindre mot sur ma copie vierge. Rien ne venait. Rien du moins qui ne puisse commenter Dostoïevski et son œuvre Crime et châtiment. Je ne parvenais pas à travailler. Mon esprit était rongé par une autre envie, celle d'écrire. Je fermais alors la préface qu'avait rédigée Georges Nivat, et attrapais mon carnet spiralé dans lequel chaque nouvelle histoire prenait forme. Je devais écrire, mais pour quoi ? Pour qui ? Sans doute pour rien. Le besoin était pourtant pressant, écrasant, presque nécessaire, je dirais même qu'il était devenu vital. Peu importe ce qui en sortirais, je commençais à presser le papier du bout de mon stylo. Ma plume couvrait alors les traits d'un paysage nocturne. Une toile romantique, pourvue d'un ciel cobalt maculé d'étoiles, de taches blanches. Je compris alors que j'avais amorcé le début d'une nouvelle histoire.

*FR* Les étoiles de CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant