Chapitre 5. 2/3

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J'avais marché sans aucune conscience de ma route et lorsque que je relevais la tête, je découvrais le jardin de la maison. Étonnante mécanique du corps qui me portait au quotidien et me ramenait chez moi en défiant toute logique de temps ou de distance. Sans plus de question, essayant d'oublier ce baiser qui enflammait encore mes pensées, j'aidais à préparer le diner, que je laissait brûler.

     — Mia le four ! Avait crié maman, brandissant ses mains emmitouflées dans d'épais gants à fleur.

    Je regardais la fumée s'échapper du four, incapable de réagir. Je laissais le poulet à son sort, certaine que tant qu'il ne serait pas calcinés dans mes mains, alors tout irait bien Ma mère me poussa pour le sortir du four, exaspérée par mon manque de concentration.

    — Mais qu'est-ce que tu as ce soir ? Ça fait une demi heure que je te parles et tu ne m'écoutes même pas.

    — Je suis assez fatiguée, je pense me coucher tôt ce soir. Les partiels arrivent bientôt et j'ai un peu de mal à penser à autre chose.

    Mentir était loin d'être une seconde nature. Mais mentir à ses parents était si facile. Ils ne cherchaient jamais bien loin tant que la première réponse leur convenait. Maman posa le dos de main contre mon front et jugea qu'il était en effet très chaud. Je n'étais pas malade, elle aimait seulement me couver et dire que j'avais le front trop chaud. Toujours trop chaud pour elle.

    — Non je vais bien. Vraiment, c'est seulement un peu de fatigue.

    — Tu te surmène ma chérie. Tu travailles trop. Regarde-toi, tu tiens à peine debout. Un petit diner et un bon sommeil te feront du bien.

    Elle adorait jouer au médecin. « Et si tu prenais un peu de vacances ? »

    — Et si tu prenais un peu de vacances ?

    Bingo...

    — Vous pourriez partir quelques jours Joseph et toi ? Tu pourrais demander à ton responsable de te laisser quelques jours. Tu le mérites bien avec tout ce que tu fais pour eux.

    — Maman, je vais bien ! Et je ne fais rien de spécial pour eux, je fais seulement mon boulot...

    — Oui enfin ... avec ma situation et celle de Paul, ce n'est pas comme si tu en avais besoin.

    — Non, maman, stop. Je ne veux pas en reparler. Je ne tiens pas à ce que tu m'entretiennes, ni toi, ni Paul. Je travaille et c'est très bien comme ça. Fin du sujet, tu sais très bien que je ne changerai pas d'avis.

    — Tu es aussi têtue que ton père...

    Aïe. Cette phrase faisait encore si mal. Mon père est mort depuis plusieurs années, pourtant la brutalité de sa disparition rend aujourd'hui encore chaque mention très douloureuse. Paul était arrivé trop vite et sa photo au mur avait déjà remplacée celle de mon père, même si dans ma chambre, et celle de ma mère, son portrait égaillait toujours nos vies. Il me manquait terriblement et j'étais très heureuse d'avoir hérité de son caractère et de son indépendance d'esprit. Ma mère se complaisait parfaitement dans la situation que Paul lui offrait.

    — Ça sent le brûlé ! Avait braillé Paul.

    Très pertinent ce bonhomme... Il était certain que crier sans agir était la meilleure façon de régler un problème. Mais pourquoi se décoller du canapé lorsque ma mère accourrait au moindre désirs ? Je trouvais cela lamentable mais me gardais bien d'en dire mot. Pourquoi faire plus de mal à ma mère encore que ce qu'elle n'avait déjà enduré ? Je faisais de Paul une affaire personnelle et il en faisait tout autant. Ma mère ne méritait pas ce conflit.

    — Saaaam ! Ça sent le brûlé !!

    — Oui, elle a entendu ! Merci de ton aide Paul ! Avais-je répondu. Tant pis pour l'affaire personnelle, c'était mérité.

    — Oui mon chéri, tout va bien, c'est bientôt prêt !

    Paul n'avait rien répondu, plongé dans les informations qui passaient à la télé. À peine un grognement que je percevais d'ici.

    Le dîner se déroulait souvent dans le calme, écrans éteints et attention portée sur celui qui aurait envie d'évoquer sa journée. Ma mère prenait souvent la parole, souvent pour meubler plus que par réel envie d'évoquer les quelques distractions qu'elle avait eu dans la journée. Le débat de ce soir tournait essentiellement autour de la problématique des rideaux de cuisine. Voilà deux ans qu'ils n'avaient pas été changés, or, Myriam SaintClare avait changé les siens récemment, et avait glissée que les verts Basilic et Batavia seraient très à la mode cet automne. Il fallait donc d'urgence s'en procurer et pourquoi pas, rafraîchir la décoration de la pièce. Elle se lança alors dans des élucubrations dont même Paul ne tenait plus le fil, et je m'évaporais à mes rêveries. Flânant dans mes pensées, la réalité me parut bien loin. J'abandonnais les dernière heures pour me consacrer à mon histoire. J'envisageais de proposer à Joseph de partir en weekend, rien que tout les deux. De camper quelque part et de profiter de la nuit pour observer les étoiles. Note à moi même : Googler les spots d'observation de constellations autour de Westfield. Peut-être que ma mère pourrait me conseiller, elle avait toujours aimé observer les étoiles. Je la voyais souvent le soir, allongée sur un transat dans le jardin, une tasse fumante à la main et le nez perdu dans la contemplation du ciel.

    Je relevais la tête pour la questionner mais Paul semblait lancé dans un sujet très sérieux. Il faisait une drôle de tête lorsqu'il voulait montrer qu'il était sérieux. Sourcils très haut perchés sur son front et épaules absorbants son cou, Paul débattait, visiblement seul.

*FR* Les étoiles de CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant