Chapitre 6. 1/3

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Ce matin là, je me réveillais avec une furieuse envie de revenir sur mes pas. La nuit avait été agitée et mes cauchemars avaient emportés Joseph dans un tourbillon de tourments. Les ténèbres n'avaient eu de cesse de me rappeler à la réalité. Voilà deux semaines que nous étions entrés en collision avec Cassandra Brick, et plus rien autour de moi n'allait. Il était sérieusement temps de reprendre les choses en main. Cette fille n'était personne, la nuit dernière m'avait fait comprendre à quel point mon imagination exacerbée avait eu raison de moi et ô combien j'étais pathétique de me laisser aller aux affres de ses angoisses. Cette situation n'était plus tolérable et mes rêves avaient prédits l'échecs cuisant de mes examens de fin d'année. Il ne me restait plus qu'une année à tenir avant de valider enfin mon diplôme et entrer sérieusement dans la vie professionnelle. Je ne pouvais pas me permettre de tout gâcher maintenant.

    Pourtant, trahissait en moi les doutes qui composent l'inconnu. Je m'attardais devant le pull, comme s'il allait subitement m'offrir toutes les réponses. Je devais partir quelques minutes plus tard si je ne voulais pas être en retard pour mon premier cours de la journée. Constatant les trois minutes qu'il me restait sur l'horloge trônante de ma chambre, je prenais une grande inspiration, espérant au passage reprendre le contrôle de ma vie.

    Un. Il me restait encore deux précieuses minutes pour réfléchir. Le choix aurait dû être tout fait. J'avais passé la nuit à y songer, à me dire qu'enfin, après ces deux dernières semaines, je pouvais passer à autre chose.

    Deux. Plus qu'une minute et il serait trop tard. Trop tard pour envisager de la voir aujourd'hui, son regard, ses cheveux roux en cascade qui épousent avec volupté les courbes de ses épaules, ses lèvres enivrantes, si belles, pures, rosées et pourtant si vulgaires...

    Trois. Je quittais la chambre.

    Les palpitations qui avaient gagnées mon pouls avaient fini de me convaincre. Prolonger cette mascarade n'avait aucun sens, le pull n'en serait pas témoin, il était resté au fond du placard. Tant pis pour elle, ou pour moi. L'objet était devenu sacré et mon coeur son esclave. Cette pensée était terrifiante et pourtant profonde d'une vérité que je ne maîtrisais pas. La laine du pull jaune ne pouvait pas continuer de me mordre les doigts, de brûler mes entrailles. Je finirais sans doute jn jour par avouer combien le porter à mes lèvres avait été bon. Je ne me souviens pas du moment où c'était arrivé. Seulement de la sensation de chaleur qui avait envahit le bas de mon ventre et chatouillé mes cuisses. C'est une forme de jalousie qui m'anime lorsque j'ose y penser, comme si ce plaisir n'appartenait qu'à mon corps et que je refusais même à ma conscience de la rationaliser. Oserai-je dire qu'il sentait la cannelle ? Oserai-je me rappeler les effluves de cette épice et les pensées qui m'ont parcourues à ce moment-là ? Je n'en dirais rien. Mes contradictions finiraient tôt ou tard par me trahir et tout ne serait que mérité. Après tout, Cassandra n'était peut-être pas aussi détestable qu'elle semblait l'être et il était possible que perdu dans les ébauches de mon nouveau roman, quelqu'un était là pour observer le ciel et les étoiles. Les étoiles de Cassandra.

    Dans l'élan d'une détermination nouvelle, j'étais bien décidée à avancer. Assise au fond du bus de ramassage universitaire, comme à mon habitude, je tentais de comprendre les pensées de Rodion Raskolnikov, quand je senti la première détonation. Joseph essayait de me joindre. Sans véritablement savoir pourquoi, j'avais laissé sonner mon téléphone portable, posé sur le siège à côté du mien, sans le quitter du regard. Je ressentais chaque vibration comme les coups d'une mise en garde. Au quatrième appel, vingt-troisième vibration, je décrochais ;

    — Allô ?!

    — Mia ? Est-ce que tout va bien ? Tu as l'air contrariée.

    — Oui, non. Pardon, tout va bien. Je reprenais mon souffle en constatant l'agressivité injustifiée de mon ton. Désolée, je n'avais pas vu tes appels.

    Joseph m'avait tenu compagnie jusqu'à ce que je descende du bus, dont l'arrêt n'était qu'à quelques dizaines de mètres de l'entrée de la faculté. J'avais souvent tendance à oublier à comme discuter avec lui était salvateur et comme il était nécessaire à mon bien-être mental. L'idée de l'avoir en permanence à mes côtés s'immisçait doucement en moi. Il était possible que d'ici quelques temps, j'envisage de lui proposer une cohabitation tous les deux. Cela composait encore trop d'incertitudes pour que je puisse prendre cette réflexion au sérieux mais elle commençait à me séduire. Après tout, je ne perdrai pas totalement mon indépendance et gagnerai, en échange, un bonheur difficilement quantifiable. Pour l'heure, mes problèmes étaient ailleurs et il me fallait repousser ces divagations si je voulais pouvoir suivre mon cours d'introduction à la philosophie correctement.

*FR* Les étoiles de CassandraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant