Chapitre 10 - Le poussin, la pute et l'homme-pénis // 1

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— Tu es folle, me lance Paul en me retrouvant dans notre bureau la semaine suivante. Tout simplement folle. Le sosie de Joe Manganiello t'a invité à diner et tout ce que tu trouves à me dire, c'est que tu t'es ennuyée ?

Je comprends la stupeur de mon co-interne. Moi aussi j'ai du mal à cacher ma déception.

— Je ne sais pas, Paul... Le diner a duré une heure et demie et je ne saurais même pas te dire de quoi on a parlé ! Ce n'était qu'un échange de banalités.

— Tu exagères ! Les premiers rendez-vous sont souvent laborieux !

— Je sais, c'est juste... Je n'arrive pas du tout à le cerner...

Paul souffle et lève les yeux au ciel.

— Tu es trop difficile ! Le Mezzo ! Je ne sais pas ce qu'il te faut ! Tu vas finir vieille fille si tu continues !

Une partie de moi se disait que mon ami avait raison. Une fois le diner terminé, Eric m'avait raccompagné au pied de mon immeuble. Il s'était montré charmant et poli, comme à son habitude. Après m'avoir souhaité une bonne soirée, son bolide avait démarré en trombe et avait disparu dans la nuit. Depuis, c'était le silence radio. Pas un appel, ni un message durant le week-end. Apparemment, je n'étais pas la seule à m'être rendu compte de notre manque de compatibilité.

La semaine s'était étirée paresseusement, puis la suivante et avant que je ne m'en rende compte, nous étions tous les quatre, en train de nous préparer pour le grand tonus de printemps. Pour l'occasion, ma petite salle de bain s'est transformée en loge de spectacle. Tout mon maquillage ainsi que celui de mes amies est éparpillé sur le plan de travail, un fer à boucler encore brulant repose dans une serviette dans le lavabo et nous jouons tous des coudes pour accéder au miroir. Le thème de la soirée est tout simplement la lettre « P ». À ma gauche, Louise a attaché ses cheveux blonds avec un bandana et se met du rouge à lèvres rouge. Elle porte un jean, de grandes bottes et un veston. Elle a investi dans un cache-œil pour l'occasion afin de parfaire son costume de pirate, mais je ne sais pas combien de temps elle supportera cet élastique en travers de son visage.

Dans mon dos, Paul dessine tout autour du bras de Francesca une sorte de tatouage tribal. Avec ses cheveux bruns bien lisses, sa robe à franges en suédine et ses bottes fourrées, mon amie fait une très jolie Pocahontas. Pour ma part, je me suis fait des boucles serrées que j'ai détendues à la brosse et je me suis coiffée d'un diadème que j'ai récupéré d'une ancienne soirée à thème. Avec mon collier en fausses pierres précieuses et ma grosse jupe en tulle pailletée, j'ai opté pour la simplicité avec ce costume de princesse fait de bric et de broc. Quant à Paul et bien... Il reste fidèle à lui-même, je suppose.

— Sophia, passe-moi le blush, s'il te plait ! me dit-il tandis que les tatouages de Francesca finissent de sécher.

Il porte un jean slim rouge pétant et un pull léger de la même couleur. Sa tête est surplombée d'un bonnet en laine vert parfaitement hideux.

— Ça ne sert à rien, lui dis-je tout en lui tendant malgré tout mon fard à joues. De toute façon, personne ne devinera que tu es un piment...

Il m'ignore royalement et commence à se barbouiller les pommettes. Je pouffe et souligne mes yeux verts d'un trait de crayon brun. J'en suis à l'application du mascara quand la sonnerie de mon téléphone retentit.

— Mince !

Nous devons tous nous pousser pour que j'accède à l'étagère dans le coin de la pièce. Quand je regarde l'écran, mon cœur rate un battement.

— C'est qui ? demande le corsaire.

— C'est... C'est Liam.

— Le cardiologue ? Qu'est-ce qu'il dit ? s'exclame Francesca.

À nouveau, nous nous décalons pour que je retrouve ma place au milieu de mes amis. Je lis le message à voix haute, bien que tous regardent par-dessus mon épaule.

— Tu viens ce soir ?

Un instant, c'est le silence. Puis tout le monde se met à pousser des cris d'excitation.

— C'est pas vrai ! Sophia, il veut te revoir ! hurle Louise.

— Tu vas lui répondre ? questionne la brune.

— Pas question ! m'exclamé-je. Je n'ai pas besoin d'un mec imbu de lui-même qui se pense mille fois supérieur à moi.

Je fourre furieusement le téléphone dans mon sac en bandoulière. Liam et son audace ! Cet homme ne cessera jamais de m'impressionner. Pourtant, ce message provoque quelque chose en moi. Il me rappelle à quel point tout était simple quand j'étais avec lui... Lui et son tempérament joueur et séducteur, avec qui j'avais l'impression de pouvoir parler sans filtres. Rien à voir avec le ténébreux Eric, qui m'oblige à marcher sur des œufs en permanence. Tous les deux sont aussi différents que le jour et la nuit. Et, pour être tout à fait honnête avec moi-même, bien que j'aie peu repensé à mon rendez-vous raté avec Eric, il me laisse un arrière-goût d'inachevé que j'ai du mal à digérer.

Vers 23 heures, nous quittons mon appartement pour nous rendre en bus jusqu'à l'hôpital. Nous avons déjà bu quelques bières et sommes plutôt enjoués. Aucun de nous n'a perdu de vue l'objectif principal de cette soirée, à savoir, retrouver le bel interne de néphrologie qui a tapé dans l'œil de Louise en liaison. Nous n'avons pas son nom et juste une vague description physique, mais l'ampleur de la tâche ne nous fait pas peur. Et, même si je compte bien réussir cette mission, le message de Liam reste dans un coin de ma tête. Bien que je refuse de l'admettre, je ne peux m'empêcher de me demander si nous allons, effectivement, nous revoir ce soir. 

À toi, corps et âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant