À toi, corps et âme

Chapitre 23 - Un fantôme du passé // 1

Avant même que je m'en rende compte, nous sommes à la moitié du mois de juin et la chaleur de l'été s'installe progressivement dans l'air ambiant. Il faut dire qu'entre mon travail de thèse la journée, mes week-ends de folie avec Eric et mes échanges de mails à n'en plus finir avec Edouardo, je ne sais plus où donner de la tête. En rentrant chez moi le soir, dans mon petit deux-pièces, je tombe littéralement d'épuisement ! J'apprécie aussi ces moments de solitude où je suis libre de ne penser à rien en me relaxant dans un bain moussant, sans craindre qu'Eric me voie sans maquillage... Bien que notre future maison soit en pleins travaux, je réalise peu à peu que je passe mes derniers mois dans cet appartement et que je ne vivrai plus seule très bientôt. 

Au début du mois de juillet, cette pensée me traverse encore l'esprit alors que je me prépare dans ma salle de bain. Ce soir, Eric doit passer après être allé voir sa tante. J'ai l'impression qu'il se rend souvent chez elle en ce moment... Je n'ai pas posé beaucoup de questions car je suis heureuse qu'il vienne dans mon univers, pour une fois. J'aimerais aussi qu'Eric rencontre mes amis, même si je les vois moins avec tout ce qui se passe dans ma vie...

Toute à mes pensées, j'étale une épaisse couche de mascara sur mes cils et me jette un dernier regard dans le miroir. Ma longue robe d'été en dentelle blanche tombe à ras du sol et souligne ma taille fine. J'ai laissé mes longs cheveux bruns lâchés et accroché de jolies créoles à mes oreilles. Une touche de rouge à lèvres mat et le tour est joué. Mais, à peine le tube reposé dans le tiroir, je suis surprise d'entendre trois coups secs frappés à la porte. Un coup d'œil à ma montre m'apprend qu'Eric a trente minutes d'avance, ce qui ne lui ressemble pas. Je traverse le couloir en trottinant, toujours pieds nus, et ouvre la porte à la volée. Mon sourire s'évanouit instantanément quand je découvre qui se trouve sur mon palier.

— Liam ?!

Ma voix reste coincée dans ma gorge. Pourtant, c'est bien lui, en chair et en os, planté dans mon entrée, un bouquet de fleurs des champs dans les mains.

— Surprise, princesse !

Il m'adresse son sourire ravageur et me tend le bouquet avant de s'engouffrer dans mon appartement. Je suis tellement surprise que je le laisse faire et referme la porte derrière lui.

— Waouh ! s'exclame-t-il en me scrutant de la tête au pied. Mais tu es superbe, ma parole ! Tu attends quelqu'un ?

Je le fusille du regard. Sa façon de se comporter sans une once de gêne revient me frapper de plein fouet.

— Liam, mais enfin, qu'est-ce que tu viens faire ici ?

Il se frotte la nuque en baissant les yeux mais ne perd rien de sa superbe. J'en profite pour le détailler. Il n'a pas changé. Sa crinière blond doré est toujours aussi impeccablement coiffée et retombe en partie sur son visage. Il est aussi grand et charmant que dans mon souvenir, avec son sourire parfait et son air faussement désolé. Comme il me jette son petit regard confus, je soupire et finis par céder.

— Maintenant que tu es là, je vais faire du thé...

— Avec plaisir !

Il me suit avec entrain dans la cuisine et m'observe mettre son bouquet dans un vase. Je laisse la bouilloire chauffer et dépose deux tasses sur la table. Son regard espiègle ne me quitte pas... J'ai l'impression de vivre une scène un peu surréaliste. J'ai du mal à croire qu'il se trouve dans mon appartement...

— Tu es vraiment très en beauté... souffle-t-il en me parcourant du regard.

Je résiste à l'envie de lever les yeux au ciel. Décidément, Liam a l'intention de me sortir le grand jeu ! Pourtant, son petit manège ne prend plus du tout avec moi. Je ne ressens pas de colère envers lui, pourtant, seulement une vague indifférence... J'en suis à me demander comment j'ai pu, à une époque, être à ce point éprise de lui.

— Pourquoi tu ne me dis pas pourquoi tu es venu ? dis-je d'une voix douce en remplissant sa tasse d'eau fumante.

Le thé me parait de circonstances. J'aurais peur que du vin le trompe sur mes intentions.

— N'est-ce pas évident ? répond-il en ignorant royalement la petite tasse devant lui. Les fleurs, la visite surprise... Je pensais que tu comprendrais !

À nouveau, j'ai droit à son regard de braise. Cette fois-ci, je pouffe.

— Tu ne doutes vraiment de rien ! m'exclamé-je. La dernière fois qu'on s'est vus, tu étais dans une position pour le moins embarrassante !

Je sais très bien qu'il se rappelle comme moi ce tonus, durant lequel je l'ai surpris en pleine chevauchée du Far West avec sa propre interne !

— Oui, c'est le moins qu'on puisse dire... admet-il, sans se démonter. D'ailleurs, je voulais m'excuser à propos de ça...

— Ne t'excuse pas, tu ne me dois rien.

Je dépose un sucre dans ma tasse et égoutte mon sachet de thé. Liam m'imite mais je sens qu'il me passe toujours au crible. Quand mon regard croise le sien, il est intense. Sa main quitte sa tasse pour se poser sur la mienne.

— Je n'ai pas aimé la façon dont on s'est quittés, Sophia. Je suis venu parce que je pensais que tu ne répondrais pas à mes messages.

— C'est le cas.

— Mais, pourtant...

— Liam, arrête.

Je retire ma main de la sienne et préfère l'interrompre tout de suite.

— Je t'assure qu'il n'y a vraiment aucune chance pour qu'on se remette ensemble, toi et moi.

Il opine du chef et je lis facilement sa déception... Mais je n'arrive pas à compatir. Je sais, à présent, à quel point le cardiologue est séducteur et, même si je me sens flattée par ses avances, je ne doute pas qu'il fixera son intérêt sur une nouvelle proie à la minute où il passera le seuil de ma porte. Malgré tout, son audace m'impressionne toujours autant et je tiens à la souligner.

— Ne te méprends pas, dis-je en prenant une gorgée de thé. Ça me touche que tu sois venu me voir directement. Au moins, on se quitte sur une meilleure note.

Il m'adresse un sourire sincère, d'une blancheur éclatante.

— Oui, tu as raison.

Je m'apprête à répondre quand la voix d'Eric retentit derrière moi.

— Mais qu'est-ce qui se passe ici ?!