Chapitre 10

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Lorsqu'il se retrouva face à la porte en métal qui donnait sur le toit, Shun réfléchit aux deux choix qui s'offraient à lui. Le premier : « repartir ». Probablement la solution la plus sûre et la plus logique étant donné que tout le monde l'avait alerté sur l'état mental de l'homme qu'il allait rencontrer. Le second : pousser cette porte. C'était risqué et stupide comme option mais Shun n'arrivait pas à s'enlever de la tête que peut-être qu'en dehors de Mikey, il était la personne dont Sanzu trouvait la compagnie la plus supportable.

Alors il mit sa main sur la poignée sans faire pression dessus. Puis il l'abaissa pour pousser la porte. Immédiatement un vent frais lui fouetta le visage. Le QG du Bonten était parmi les bâtiments les plus hauts de Tokyo et donc n'était pas épargné par le vent.

Shun repéra vite la silhouette de Sanzu, il était assis au bord du toit et les pieds dans le vide. Discrètement, l'homme aux yeux gris s'approcha. Il remarqua vite le pistolet qui était placé par terre à côté de Sanzu.

Les avertissements de Rindo n'étaient donc vraiment pas exagérés. Mais ce qui surpris le plus Shun, c'était le manque de réaction de Sanzu à son approche. Ce dernier continuait simplement de fumer sa cigarette. Au moins un point que lui et Takeomi avaient en commun.

- Sanzu ?

Sa voix était à peine audible mais il était sûr que Sanzu savait déjà qui il était. Le mafieux aux cheveux roses ne fit pas un seul mouvement.

Shun poussa un soupir avant de s'asseoir dans la même position que ce dernier en laissant une distance raisonnable entre eux.

- Tu devrais faire attention, j'suis particulièrement de mauvaise humeur aujourd'hui. Et on est au bord du vide.

Shun n'avait jamais entendu ce ton sortir de la bouche de Sanzu. Ces paroles étaient froides et ce intonation menaçante ne lui allait pas du tout.

- Je m'inquiète pas pour toi. J'sais que tu ne vas pas sauter, répondit simplement Shun.

Le calme de la nuit rendait chaque instant de silence extrêmement pesant, alors Shun décida de passer au sujet qui l'intéressait. Il fouilla dans sa poche et en retira la petite boite qui contenait les pilules, que Takeomi lui avait donné.

Il joua avec celle-ci quelques instants avant de dire :

- J'ai trouvé qui t'avait volé les pilules et j'ai récupéré ta boite.

Sanzu expira la fumée de sa bouche puis tendit sa main en direction de Shun pour qu'il la lui remette. Cependant il n'avait pas accordé un regard à Shun, ce qui agaçait particulièrement ce dernier.

- Tu vas me la donner ou pas ?

- Je sais pas trop.

- Crois moi t'as pas envie de tester ma patience, Poker. Pas aujourd'hui.

- Je suis pas un de tes esclaves Sanzu. Je ne suis pas venu te remettre tes pilules parce que tu me l'avais demandé.

Il vit le mafieux aux cicatrices froncer les sourcils. Enfin une réaction.

- Pourquoi t'es là alors.

- Il faut que tu trouves autre chose.

« J'ai plus aucun moyen de l'empêcher de sombrer dans la criminalité mais j'peux encore chercher à lui éviter l'overdose. »

Takeomi avait raison mais il avait aussi tors. Il disait ne plus savoir s'il aimait son frère pourtant il avait volé ses pilules malgré les conséquences.

Et Shun faisait pareil.

S'il essayait de protéger Sanzu de ce qu'il y avait dans cette boîte, c'était parce qu'il tenait à lui d'une manière qu'il n'arrivait pas encore à déterminer.

- Tu ne dois rien à personnes Sanzu et ce que tu fais avec ces pilules ne regarde que toi mais...

Shun se leva et plaça la boîte contenant les pilules au-dessus du vide.

- Tu ne préfères pas les jeter elles, plutôt que de te jeter toi ?

Son poing se resserra autour du petit objet qu'il tenait. Shun savait que Sanzu tenait plus que tout à Mikey, alors il avait envie de d'ajouter une phrase en rapport avec sa relation avec le leader du Bonten. Mais contre toute attente, au bout de quelques instants, Sanzu se leva. Ses cheveux volaient dans tous les sens et il avait la tête baissée donc Shun n'arrivait pas à voir l'expression sur son visage.

Shun avait peur, il était terrifié mais ce sentiment le transcendait. Sa place était ici face à Sanzu, le confronter lui donnait la sensation d'être en vie car il pouvait mourir à tout moment.

- Donne-les-moi.

La voix de Sanzu le frappa et il retira sa main d'au-dessus du vide pour la lui tendre.

L'homme aux yeux bleus saisit la drogue et porta sa cigarette à sa bouche. Shun se mit à douter de sa décision puis il vit Sanzu jeter la boite. Il la regarda disparaître à mesure qu'elle se rapprochait du sol.

Quand Shun releva les yeux, il vit Sanzu lui proposer sa cigarette. Après l'avoir saisi, il la porta à ses lèvres. Son corps se détendit immédiatement au contact de la substance familière qui emplissait ses poumons.

- Je veux faire une partie de poker.

Entendre ces paroles de la part de Sanzu paraissait tellement surréaliste que Shun crut avoir rêver. Il n'arriva pas à contrôler le sourire qui apparut sur son visage. Il expira la fumée de la cigarette et quand celle-ci s'évapora, il remarqua que le visage de Sanzu était beaucoup plus proche que ce qu'il avait cru.

- Je veux qu'on joue ensemble.

A partir de ce moment, Shun eut l'impression d'être spectateur de sa propre vie. Il était incapable de penser à autre chose que les yeux de Sanzu qui l'hypnotisaient complètement. Il avait beau se trouver en face d'un des hommes les plus dangereux du Japon, la seule chose à laquelle il pouvait penser, c'était à quel point il s'en ficherait que ce dernier soit la raison de sa mort.

Très vite, il sentit un contact contre sa main et Sanzu s'approcha jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de distance entre eux. Si Shun effectuait un geste en avant, ses lèvres rencontreraient celles de Sanzu, il n'en doutait pas un instant.

Mais leur monde se brisa quand le bruit de la porte en métal se fit entendre. Shun sursauta et tourna la tête en direction de celle-ci pour voir Mikey apparaître.

Il était 23h et il se décidait enfin à venir donner un peu de son temps à Sanzu, Shun trouvait ça ironique mais au moins il était là. Ce simple fait comblerait surement Sanzu.

Shun redirigea son regard vers ce dernier pour se rendre compte qu'il était encore en train de le fixer. Le contact contre sa main en revanche avait disparu et le mafieux aux yeux gris contempla Sanzu en train de porter la cigarette à sa bouche.

Shun comprit que l'homme en face de lui cherchait juste à récupérer sa cigarette, il se recula et partit vers la porte. La situation était assez humiliante comme ça, il n'avait pas envie de rester une seconde de plus à regarder les yeux de Sanzu briller lorsqu'ils se poseraient sur Mikey.

Après une salutation rapide envers le chef du Bonten, il quitta le toit avec un goût amer à la bouche, « surement dû à la cigarette », c'était ce que Shun se répétait à lui-même.

Pɪʟᴇ ᴏᴜ FᴀᴄᴇOù les histoires vivent. Découvrez maintenant