Chapitre 1 - Après Noël

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Wilhelm


Les deux semaines les plus longues de ma vie. Les deux semaines les plus vides et les plus épuisantes. Deux semaines entières de représentations, de faux sourires. Deux semaines près d'elle. Deux semaines en enfer. Deux semaines. Deux semaines où je n'ai fait que penser à lui.
- Wilhem ? M'interpelle Malin de l'autre côté de la porte, d'une voix douce. Il est tant d'y aller.
Je ne réponds pas tout de suite. Je croise mon regard dans le miroir. Mon visage est marqué par la fatigue, par l'angoisse. Je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers temps. Dès que je ferme les yeux, le visage de Simon apparaît sous mes paupières. Il me revient en tête comme ce fameux matin, son visage dans une lumière dorée et ses yeux encore embué de sommeil. Il était tellement beau, tout était tellement parfait, que je me demande si c'est réel ou si c'est un rêve.
- Hum ? Oui ... J'arrive ...
Ma voix est rauque, caverneuse, vu que je n'ai presque pas ouvert la bouche ces dernières semaines. Je pousse un dernier soupir, replace nerveusement le bouton de ma veste et me lance des encouragements. Allez, Wille, allez.
- Allons-y, votre Altesse.
Les mots de Malin me fige pendant quelques secondes. Je ne sais même pas comment je fais pour avoir la force de m'engouffrer dans la voiture.

❤️❤️

Au loin, les murs blancs d'Hillerska apparaissent déjà. À mesure que l'on s'approche, je sens mon cœur taper de plus en plus fort dans ma cage thoracique. Il s'emballe encore et encore. Par réflexe, je malaxe mon torse avec vigueur. Je focalise toutes mes pensées sur ce geste. Cela me permets de ne pas vriller. Un battement de cœur, une respiration, un battement de coeur, une respiration ...
- Votre Altesse, ravi de vous revoir parmi nous.
Anette. Elle me fixe avec attention, gravité. Un léger sourire apparaît sur ses lèvres quand je sort de la voiture. Je lui rends son sourire. Et sans m'en rendre compte, je fonds en larmes dans ses bras. 
- Ça va aller, Wilhelm, me murmure la directrice en me tapotant le dos. Je vous le promets, ça finira par passer ...
Je secoue doucement la tête en signe d'approbation. Je me dirige vers les escaliers d'un pas vacillant. En passant la porte, j'aperçois une guirlande de Noël.
" Passes un bon Noël"
Les mots de Simon résonnent en écho dans ma tête. Ils résonnent si fort que je n'entends que ça pendant quelques secondes. Autour de moi, les élèves se  parlent, se retrouvent, s'embrassent. Ils reviennent à Hillerska avec joie, après avoir passés de bonnes vacances. Moi je suis seul, vide. Dans le hall, je croise le regard de Felice. Elle porte un jean noir et un pull rouge. Ses cheveux ondulés, retenus par un serre tête noir, retombent sur ses épaules et autour de son visage. Elle prend une expression inquiète alors qu'elle s'approche de moi. Je n'ai pas vraiment envie de lui parler mais je m'y force. C'est mon amie, c'est grave à elle que je sais qui à fait fuiter la vidéo qui à détruit ma vie. M'a fait perdre la seule personne que j'aime vraiment.
- Salut Wille, comment tu vas ?
- Ça va, je réponds dans un soupir.
- T'es sûr ?
Elle enlève une larme avec la pulpe de ses doigts. À son contact, je frissonne. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas senti de caresse sur ma peau. C'est presque agréable. Même si c'est pas Simon.
- Ouais, ça va, je t'assure.
Elle ne me crois pas, je le vois mais elle ne relève pas. Nous restons silencieux un moment.
- Tu ... Tu lui as parlé ? Finit-elle par demandé avec douceur.
- Non.
Ma réponse est abrupte, froide. Felice fronce les sourcils. Calmes-toi ...
- Désolé ... Je lui dit en posant ma main sur son bras.
Elle ne relève pas et m'accompagne jusqu'à ma chambre, en silence.
- À demain, Wille ...
En entrant dans ma chambre, tout me revient en pleine gueule comme un foutu boomerang : le rire de Simon qui lézarde les murs, ses cheveux bruns qui accrochent les reflets dorés du soleil, ses yeux dans les miens, son corps contre le mien, ma bouche sur la sienne ...
Putain de merde !
Je me jettes sur mon lit, encore habillé. Mon cœur se remets à battre à toute allure. Tellement fort qu'il semble vouloir sortir de ma cage thoracique. J'en ai presque mal. Je sens mes yeux se remplir de larmes, me voilant presque la vue. Je dois respirer si fort pour m'apaiser que je suis sûr que derrière la porte, Malin entend tout. Les images de Simon à la soirée d'intégration me harcèlent : son sourire angélique et son Glow stick, qu'il portait comme une couronne. Mon Roi.

❤️❤️

Je ne sais pas quelle heure il est, ni quel jour nous sommes. Il peut s'être écoulé une seconde ou six mois. Je ne sais pas et j'en ai rien à faire, en vrai. Je suis seul et j'ai mal à en crever.
- Il ne reste que cinq minutes avant la fin du  petit déjeuner, Sir.
C'est le matin. Le soleil doit filtrer à travers les rideaux épais. Alors que j'ouvre les yeux difficilement, le brouhaha ambiant m'entoure. J'entends mes camarades s'agiter autour de moi. Discuter. Rire. Ils sont en vie, tandis que j'ai à peine l'impression de survivre.
- Votre Altesse, m'interpelle Malin d'une voix plus forte. Il est temps de vous lever. Soyez raisonnable
- Je suis levé, j'arrive ...
Je me lève d'un coup, enfile un pantalon, un tee-shirt et le sweat à l'effigie de l'école rapidement. Quand je sors, je tombe presque nez à nez avec August. Quand il croise mon regard, son expression se fait craintive. Je dois me contrôler pour ne pas lui refaire le portrait. Par automatisme, je remets mes cheveux en arrière une fois, puis deux. Nos yeux se font face. Il tente de me dire quelque chose, sa bouche s'ouvrant et se fermant à plusieurs reprises. On dirait un foutu poisson hors de l'eau.
- Wilhelm ...
Je ne l'écoute pas, ne le regarde pas. Je me dirige vers la salle à manger. J'y mets à peine un pied, que les bruits de conversation s'arrêtent. Ils me fixent tous, en murmurant. Pétrifié, je fais demi tour. Je me précipite vers l'extérieur à toute vitesse. Je n'ai pas la force de les affronter tous. Je ne sais pas quoi leur dire, quoi faire. Erik lui savait toujours comment agir. J'ai beau me demander ce qu'il ferait, je ne trouve pas la réponse. Je suis vraiment à chier, putain!
Assis sur les marches, devant la fontaine vide, je sens une main se poser sur mon épaule. Une main douce et chaude. Une main amicale. C'est Felice. Elle me sourit avec affection. Elle à l'air soucieuse. Elle m'inspecte sous toutes les coutures. Je tapote son épaule maladroitement.
- Je vais mieux, je te promets.
- N'importe quoi, souffle t-elle en fronçant les sourcils. Ne fais pas de promesse que tu ne peux pas tenir.
Refroidi par le ton de sa voix, je retire ma main de son épaule. Elle la rattrape au vol et se lève, en me traînant dans son sillage. On se dirige vers la salle de maths dans un silence confortable.
- Ça va aller Wille ?
- Bien sûr, oui ...
- Super, approuve Felice en m'enlacant, son visage dans le creu de mon cou. Je tiens tellement à toi, mon Wille.
Un raclement de gorge bruyant et tout proche de moi, nous sépare. C'est Simon. Ses prunelles sombres lancent des éclairs. Il est toujours aussi beau. Encore plus même. Il à l'air tout droit sorti d'un de mes souvenirs. Ses boucles retombent sur sa peau caramel. Il porte son éternel hoodie violet. Il me fixe avec tant de colère et d'un tas d'autres émotions que je suis submergé. Mon cœur semble encore vouloir s'échapper de sa cage. Je me frotte à nouveau le torse avec vigueur.
- Simon ...
Mon murmure ne lui parvient pas, il tourne les talons et entre dans la salle de classe a toute vitesse.
- Simon, je l'appelle à nouveau, d'une voix un peu plus forte. S'il te plaît ...
Sortant de nulle part et faisant s'emballer encore plus mon cœur, Sara me fonce dessus comme une furie.
- Laisse le tranquille, hurle t-elle, le doigt pointé sur moi de manière menaçante. Laisse le tranquille, il te déteste, t'as pas compris, encore ?
Même plusieurs secondes après son départ, ses mots me hantent. Je suis figé, incapable de bouger. Le regard furieux de Simon gravé sous les paupières.
- Wille ... Wille ...
La voix inquiète et lointaine ne m'aide pas à ne pas plonger dans les ténèbres qui m'appellent. J'y plonge presque avec soulagement. Pour la première fois depuis des semaines, la pression de mon cœur se relâche, mon esprit se libère et j'ai l'impression d'être léger. J'ai envie de rester là ...

All the people are fake - Young Royals Où les histoires vivent. Découvrez maintenant