Chapitre 8 - Vide

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Felice

Il me déteste. Je l'ai vu dans ses yeux. Je l'ai senti dans sa voix. Je ne voulais pas lui faire du chantage, je me dégoûte de faire ça. C'est mon ami, mon meilleur ami. Et même si je suis réellement tombée amoureuse de lui, ce n'est pas comme ça que je voulais que ça se passe. Je voulais qu'il m'aime de lui-même. Ou pas. J'aurais respecté son choix. Mais je devais payer pour les bêtises de mes parents. Une partie de la fortune de mon père ne venait pas de la gestion des mines de fer comme tout le monde le pense, mais de tout un tas de trafics illégaux. Le Roi et la Reine avait fini par le découvrir. Et ils étaient arrivés à un accord avec mes parents : soit mon père allait en prison, soit je devenais la "couverture" de Wille afin d'éloigner définitivement les rumeurs sur son homosexualité.  C'était donnant - donnant dans notre domaine de requins. Les riches sont une grande famille, ils se donnent des coups de poignard dans le dos et des bises sur les joues. Et moi et Wille ne sommes que les pions de leur jeu d'échecs. Il était tellement dévasté ...

- Felice, tu as entendu ? Il paraît que ton petit ami as fait une overdose ?
Frederika me fixe étrangement. Elle semble ravie de cette nouvelle. Interdite, je suis incapable de répondre. Des sirènes d'ambulance résonne dans la cour du manoir. Un attroupement se forme autour des ambulanciers. Ils transportent un brancard. Wille ...
- Oh mon dieu ! S'exclame Sara, visiblement inquiète. Ça a l'air grave !
C'est la première fois que je vois la peur sur son visage. Cela me fait paniqué davantage. Je cherche Simon des yeux. Je dois lui parler. Je dois lui expliquer. Tout ça est de ma faute.
- Tu as vu ton frère ?
Sara hausse les épaules. Je quitte mes amies et me dirige vers la foule, un peu plus en contrebas. Je ne le trouve pas. Je vois August, visiblement sous le choc, entrain de discuter avec les ambulanciers, et Henri et Walter discutant avec Anette, mais pas de trace du brun à bouclettes. Je rentre dans le bâtiment principal et j'entends une mélodie qui me semble familière. Elle transperce l'air ambiant malgré le bruit.

It's take a fool, to remain sane,
It's take a fool, to remain sane ...

C'est la chanson que Simon à chanté lors de l'arrivée de Wilhelm à Hillerska.  Depuis, elle à une place particulière pour lui. Il doit forcément être dans la salle de musique.  Il me l'a dit la première nuit où nous avons dormi ensemble. Je souffle un coup, et pousse un peu plus la porte qui était déjà entrouverte. Simon est bien là, ses yeux baissés sur le piano. Il joue le refrain encore et encore. Il me déteste, je sais. Mais je dois lui parler, expliquer, faire quelque chose. Je me déteste aussi, ne t'inquiètes pas ...
- Simon ?!
Il sursaute quand il m'entends. Son regard trempé de larmes croise le mien. Je ne peux pas me retenir plus longtemps. Je pleure aussi.
- Simon, ça va ?
Le brun ne réponds pas. Il me lance un regard venimeux, presque haineux.
- Si tu cherches ton petit-ami, il est entrain d'agoniser dans une ambulance !
C'est mots sont crus, froids, mais je sais qu'il n'en pense pas un mot. Je le vois à ces yeux qui répriment un autre torrent de larmes.
- Tu ne devrais pas être avec lui d'ailleurs ? Il relance abruptement. C'est pas la place de la future reine ? Être auprès de son cher et tendre ?

Simon 2 - Felice 0
Je le laisse cracher verbalement sa colère sur moi, si ça peut le défouler, lui fournir un exutoire. Il continue de pianoter en silence. Je l'examine de plus près. Je comprends pourquoi Wille est tombé amoureux de lui. Il est vraiment très beau, certes, mais il y a quelque chose de plus. Une aura qui émane de lui. Un truc insaisissable.
- C'est toi qui devrait être avec lui dans cette putain d'ambulance. Pas moi.
Le jeune homme me regarde avec curiosité. Ses prunelles se font plus douces. Il relève davantage la tête, me donnant toute son attention.
- Ah ouais ? Et Pourquoi ? On est plus ensemble je te ...
- Oh, pitié Simon, ne me prends pas pour une imbécile. Je sais que vous êtes toujours... liés. Tout le monde le sais, tout le monde l'a vu.
Ma rebiffade le fait taire. Il est de plus en plus décontenancé. Je devrais aller droit au but, mais j'y arrive pas. Je n'ai pas les mots, je ne sais même pas par où commencer. Lance toi, Felice. Pour Wille !
- Je sais que vous étiez ensemble cette nuit, Simon. Je t'ai vu quitter sa chambre.
Un air de panique agite des paupières. Je ne veux pas le tourmenter, mais je ne peux pas trop m'étaler sur ses sentiments.
- Je ... Je ne dirais rien, ne t'inquiètes pas. Je veux juste te parler.
- Me parler de quoi ? Tu crois que c'est moi qui lui ai refourguer ses putains de cachets ? Est-ce que tu crois que je voulais qu'il ...
Sa voix se brise. Il craque complètement. Ses larmes inondent son haut, ses joues. Je me précipite à côté de lui. Je le serre dans mes bras. Mais il me repousse avec force. Je ne peux pas lui en vouloir
- Pourquoi il à fait ça ...
Il explose. Il mets sa tête dans ses mains et lâche un cri de désespoir. C'est le spectacle le plus triste que j'ai vu dans la vie. Je chasse une larme de mon œil et me racle la gorge.
- C'est de ma faute, je lui dit doucement. C'est moi, c'est à cause de moi ... Je lui ai fait du chantage ... J'étais jalouse...
- Qu ... quoi ?
Simon est pâle, tremblant. Il semble flotter au dessus de lui même. On dirait qu'il est mort à l'intérieur.
- Je suis désolée, je voulais pas ! Je voulais juste être avec lui. Je ... Je crois que c'est de ma faute.
Le brun me fixe, une lueur étrange dans les yeux. Je ne sais pas lire cette émotion.
J'aimerais tout lui avouer, qu'il puisse déverser sa haine sur moi, que cela le fasses moins souffrir. Mais je ne peux pas.
- Ne dis pas n'importe quoi ... Ce n'est pas toi qui lui as forcé la main, ce n'est pas toi qui lui as mis ses putains de cachetons dans la bouche ... Je comprends pas pourquoi ...
Il parle plus pour lui même que pour moi. Il est blème, perdu.
- Non, mais je l'ai pas aidé non plus.
Simon à l'air de plus en plus étonné de mes propos. Il essuie ses yeux mouillés d'un revers de manche et m'examine avec attention. Ok ...
- Je lui ai dit que s'il ne sortait pas avec moi, je balancerai tout à la reine.
Simon se lève d'un coup et avance sa main vers la joue. Alors que je ferme les yeux, prête à recevoir ce que je mérite, j'entends un gros boum. Simon à cogné dans le bois du piano. Il étouffe un cri de douleur.
- Simon ...
- Ferme là putain ! Tu ... S'il meurt à cause de toi, de toute cette merde ...
Il craque à nouveau. Je me relève et me dirige vers la porte.
- Il ne mourra pas Simon, je te le promets. Je vais ... Tout faire pour.
- Ah ouais et comment ? me demande t'il la voix pleine de trémolos.
- Je te dirais bien de me faire confiance, mais je sais que c'est impossible. Alors, attends juste mon retour.
Simon se demande sûrement s'il doit me cracher à la gueule ou pas, car ses yeux ne pleurent plus pendant quelques dizaines de secondes.
- Je sais qu'il t'aime et que tu l'aimes. Contrairement à ce que mes récentes actions peinent à prouver, je suis de votre côté.
Mes derniers mots n'ont aucun sens pour lui. Tant pis, on verra plus tard.
- Rentre chez toi, Simon. Mets de la glace sur ta main et attends mon retour.
Je ne prends pas la peine de regarder mon "rival" en partant. Je trace directement au bureau de Anette. J'entre sans frapper.
- Madame, je veux aller voir Wilhelm immédiatement. C'est ... Nous sommes ensemble. C'est ma place d'être auprès de lui.
Je croise le regard de la garde du corps de Wille, elle est hostile mais ne dit rien . Elle sais ...
- Très bien, Felice. Malin se fera un plaisir de vous y emmener, elle partait de ce pas.

❤️❤️

L'attente est interminable. Cela fait près de trois heures que je suis là. Que j'attends une réponse, une parcelle de vérité. J'ai reçu des tonnes et des tonnes de messages, d'appels mais je ne réponds pas. Je me contente de fixer la porte sans relâche. Parfois, je me lève et je fais les cent pas. Je suis bientôt rejointe par ma mère. Elle essaye de me faire parler à plusieurs reprises, mais je suis muette. Trop inquiète. Trop stressée. Trop coupable ...
- Felice, enfin parle moi !
- Je ne veux pas parler,ok ? La seule personne à qui je veux parler c'est Wille ou son médecin.
Ma mère pousse un soupir.
- Ne soit pas ridicule, tu ne pourras pas lui parler ce soir.
Alors que j'allais lui lâcher une réplique cinglante, la porte des médecins s'ouvre.
Malin, maman et moi, nous précipitons vers le nouveau venu.
- La famille du Prince Wilhelm ?
- Oui, je crie. Nous sommes là !
Le médecin nous scrute, puis se racle la gorge. Parle bon sang !
- Ses parents ne sont pas là ?
- Non, dit Malin en lui tendant un document à l'allure officielle. La Reine est occupée. J'ai toute l'autorité de recevoir des informations confidentielles.
- Très bien. Le Prince va s'en sortir, nous lui avons fait un lavement d'estomac. Il va devoir se reposer quelques temps mais il ira très bien d'ici quelques semaines.
Je pousse un ouf de soulagement. Malin aussi. Il ne va pas mourir !
Ma culpabilité ne part pas tout de suite, mais ça va mieux.
- Peut-on le voir ?
- Il est en salle de réveil. Vous pourrez le voir dans quelques heures.
- Merci docteur, je lui dit en lui serrant la main. Merci beaucoup.
L'homme nous fait un signe de tête et repart d'où il est venu.
Alors que je saisis mon téléphone afin d'apeler Simon, la Reine fait son entrée. Elle porte un tailleur noir et un long manteau gris. Ses cheveux sont parfaitement coiffés. Elle à l'air impeccable. Elle n'a pas l'air d'une mère qui à appris la tentative de suicide du seul enfant qu'il lui reste.
Elle à l'air en représentation constante. Quand elle croise le regard de ma mère, celle ci baisse les yeux. Alors qu'elle s'approche de Malin, je me mets devant elle .
- Est ce que je pourrais vous parler, votre Majesté ?
Elle me fixe froidement mais accepte d'un signe de tête. Nous nous éloignons et entrons dans la première salle vide.
- N'aviez vous pas pour mission de veiller sur mon fils ? De le faire tomber amoureux de vous ? Où du moins de le convaincre de faire semblant ?
Ses mots sont glaciales. Indifférents. On ne dirait pas qu'elle parle de son fils. Son dernier fils. Pauvre Wille !
- Si, tout à fait, votre Altesse ! Et c'est pour ça qu'il se retrouve ici, à deux doigts de la mort! J'ai dû lui faire du chantage ... J'ai dû le menacer, à cause de vous ! Il n'a pas supporter, il n'en peut plus. Il est au bout du rouleau ! Il veut juste être heureux !!!
J'ai crié les derniers mots. J'ai envie de lui hurler dessus encore plus fort. De la taper afin de briser sa carapace de métal.
- Le bonheur, son bonheur. Ne fais parti de l'équation, Mademoiselle. Tout comme l'amour.Il n'y à que le devoir qui compte. Il doit épouser une femme convenable et assurer sa descendance. Ce qu'il fait derrière les murs de sa chambre la nuit, n'importe peu. Et ce n'est pas ce caprice d'enfant, qui l'empêchera d'atteindre notre objectif. Il ira mieux dans quelques jours. D'ici là, je vous conseille de vous assurer que notre problème n'en soit plus un. Où c'est vous payerez le prix fort.
Alors qu'elle allait sortir, je retiens la reine par la manche.
- Vous avec déjà perdu un fils, Kristina. Je ne pense pas que vous vouliez en perdre un second. Et puis vous savez, Wille est exceptionnel. Vous le sauriez si vous ne passiez ne serait ce qu'une journée avec lui. Il est gentil, attentionné et intelligent. Il à tant à apporter au monde. Il fera un grand roi, si vous le laissez être lui-même.
Mon interlocutrice me dévisage. Elle est furieuse mais n'ajoute rien. Ok ...
Je n'ai qu'une hâte, c'est voir Wille. Et appeller Simon. Il décroche à la première sonnerie.
- Comment il va ?
- Il est vivant, c'est déjà ça.
Je l'entend fondre en larmes de l'autre côté du fil. Tu es aimé Wille ....

All the people are fake - Young Royals Où les histoires vivent. Découvrez maintenant