3. The Runaway.

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« Toc toc toc »

- Entre Kédi

- Nandi, c'est vrai que tu vas partir un mois plus tôt à Douala ?

- viens t'assoir avec moi

Il traîne ses petits pieds jusqu'à mon lit et s'assoit en s'allongeant sur mes genoux. Je lui caresse les cheveux lentement.

- oui mon coeur, je vais partir un mois plus tôt, c'est vrai

- dis donc qui t'appelle mon coeur ?

- toi  biensûr !

J'attrape sa tête fermement pendant qu'il se débat et je lui fait pleins de bisous.

- tu es là tu me fuis maintenant pourtant je vais trop te manquer quand je ne serai plus là tu vas pleurer comme la chèvre mêêêêêÊÊÊÊH !!! Lançai-je

- qu'est-ce que tu racontes ? Les chèvres ne pleurent pas ! Maugrée t-il.

- tu vas bientôt comprendre que si ! Dis-je en riant

On se lance dans un long fou rire à tue-tête.

- mais tu as raison Nandi, tu vas trop me manquer, tu pars, tu me laisses même ici avec qui hé ?

- je sais, je sais, tu vas me manquer aussi petit frère. Mais ça devait forcément arriver tu sais, il n'y a pas de fac à Bomono. Le moment devait arriver où je devais forcément m'en aller faire des études ailleurs. Et puis tu as maman non ? Elle sera toujours avec toi. Et puis ce n'est pas comme si je m'en vais définitivement, ou que je ne reviendrai jamais. Je ferai l'effort au moins un week-end sur deux de venir vous rendre visite et lorsque j'aurai terminé mes études je me trouverai un bon boulot et on déménagera tous à Douala pour vivre ensemble !

- vraiment ? Tu me le promets Nandi ?

- je te le promets petit frère

Il hoche la tête et son corps se décontracte doucement avec une expiration. Mon petit Kédi, le seul homme de ma vie, le seul qu'il me reste.
Je lui fait un bisou sur la tempe.

- je t'aime petit frère

- je t'aime grande sœur

- oooh quel moment de complicité je vois là !
Dis ma mère qui fait irruption dans ma chambre avec un mignon sourire. Elle nous rejoint et on fait un câlin groupé.

- Allez Kédi, ta sœur a encore beaucoup de chose à emballer, viens on la laisse tranquille.
Ils sortent tous les deux de la chambre et me laisse avec un sentiment de manque dans la gorge. Comme si c'était la dernière fois qu'un tel moment arriverait.

Une semaine après les résultats du bac, j'avais pris la décision de partir m'installer un mois plus tôt à Douala pour trouver un job et commencer à faire des économies pour me payer une chambre à louer. Mais ce que ma mère ne savait pas c'est qu'en fait, je voulais certes y aller plus tôt pour faire des économies mais pas pour directement me payer une chambre, mais pour me payer la première tranche à IUG.
Je n'avais pas abandonné mon rêve de fréquenter là-bas et je voyais là l'occasion de travailler dur pour le réaliser.
Nous sommes vendredi de la dernière semaine du mois de juillet, et je m'en vais dimanche. La rentrée est en octobre. J'ai donc deux mois pour trouver 125.000 FCFA, la première tranche de la pension pour m'inscrire à IUG.

***

Ma soirée de réussite le lendemain des résultats avaient été un pur bonheur. J'avais pu passer du temps avec mes amis comme rarement on l'avait fait et ça m'avait fait du bien. J'avais appris que Leila allait poursuivre ses études dans une école d'art à Foumban, Claude allait faire le concours de l'ESSTIC, l'École prestigieuse des métiers de la Communication de la capitale, Yaoundé . Yvanna, notre scientifique, allait faire le concours de la Faculté de Médecine de la même ville, et William lui, sera à Douala avec moi. Il fréquentera à l'IUC, l'Institut Universitaire de la Côte. C'est une École privée concurrente à celle où je veux entrer. 
Je n'ai pas encore parlé à mes amis de mon intention d'aller à IUG alors je leur ai juste dit que j'allais à L'université de Douala. Yvanna et Claude sont déjà parti à Yaoundé pour commencer leur classe préparatoire aux concours qu'elles feront. Leila compte se reposer toutes les vacances ici à Bomono avant de déménager pour Foumban à la rentrée. Quant à William il est allé passé ses vacances chez un de ses oncles à Kribi. Il ira à Douala à la rentrée.
Il n'y a donc que moi qui sera à Douala pour l'instant, et ça ne me gène pas tant que ça. Après tout, j'y vais pour travailler. Je ne devrais pas avoir de distraction.
Je ferme ma dernière valise et je m'affale sur mon lit. Les yeux vers le haut, dans le vide.
Je pense à tout ce qui va se passer, à si j'y arriverai ou non, à quoi ressemblera ma vie, et puis je m'endors en rêvant.
Le lendemain, la veille de mon départ, à midi,  je pars passer la journée chez Eugénie, on fait des beignets maïs, et on les mange en parlant de tout et de rien, elle déprime de ne pas aller à Douala avec moi parce que c'était dans ses projets au cas où elle aurait été admise. Elle pense qu'elle n'aura plus jamais d'amis comme nous et qu'il y aura dorénavant toujours un décalage entre nous. Je lui dit que non, qu'elle va beaucoup nous manquer et que ni la distance, ni la différence de classe ne nous séparera jamais. Qu'une année ça passe très vite, et qu'elle m'aura déjà rejointe à Douala en un claquement de doigts.
On se fait un gros câlin en se promettant de s'écrire très souvent et on verse même quelques larmes.
Plus tard, je rentre chez moi en me faisant la promesse de lui être toujours loyale, car c'est une amie en or. Elle est celle qui a été la plus présente pour moi lorsque mon père est décédé. Elle m'a aidé à me relever et je lui en serai toujours reconnaissante, je ne la laisserai jamais tomber.
On prend notre dernier dîner ensemble et ma mère me fait une dédicace particulière dans la prière. J'ai beau être athée, son action me touche énormément et je la gratifie d'un grand sourire.
Après avoir dîner, je prends une douche et je prépare mes vêtements pour demain. Je ne sais pas pourquoi je suis aussi cérémonieuse, Douala est à à peine 1h 30 d'ici. Mais intérieurement je crois que c'est parceque j'ai le sentiment que je suis en train de dire au revoir à tout ce que j'ai connu jusqu'ici, alors j'essaie de marquer ma mémoire avec des actes disproportionnés.
Le lendemain matin je suis enfin prête.
Maman et Kédi m'accompagne à la gare. Avant d'entrer dans le car déjà chargé de mes bagages, je sers fort Kédi dans mes bras et je lui remets l'équivalent de 1000f en pièces pour qu'il puissent aller les  dépenser au vidéoclub dans lequel il adore jouer. Je prépare ce cadeau depuis une semaine, je ne voulais pas qu'il s'ennuie trop tout de suite après mon départ. Il saute dans tous les sens en remerciant puis m'enlace une fois de plus.
Ensuite ma mère viens vers moi et après m'avoir fait un gros câlin, elle me donne une boîte qu'elle me demande d'ouvrir. Je découvre que c'est une boîte de téléphone, un iPhone 5s plus précisément. Je suis tellement contente et je la remercie grandement. Je leurs dis aurevoir et on se promet de s'appeler très régulièrement quand je ne serai pas à la maison.
J'entre dans le car et on se fait des signes d'au revoir de la mains. Le véhicule démarre et les deux prunelles de mes yeux s'éloignent progressivement de ma vue.
Pendant le voyage j'allume mon nouveau téléphone et je le configure avec mon adresse e-mail. J'ai appris à manipuler des iPhones avec William, ce petit bobo en avait toujours et il me laissait m'en servir. Je télécharge Whatsapp et je crée un groupe avec tous nos amis.
Je l'appelle « La Dream Team ».

Et pendant que le car s'éloigne de ma ville natale, je regarde les sentiers de Bomono à travers la vitre en écoutant le dernier album de Rema que je viens de télécharger.

Runaway.

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