11. Moto, Toko , Dodo.

617 25 5
                                    

La pluie littoralienne me baptise de sa froideur, le vent souffle dans mon parapluie et me pousse à faire de légères acrobaties pour le retenir, il est bien 16h mais le ciel sombre dirait qu'il en est au moins dix-neuf . Mes pieds sont complètement trempés dans mes chaussures et mes dents s'entrechoquent doucement dans ma bouche. Je m'empresse de monter sur la moto  avant de me retrouver complètement trempée. Je ferme mon parapluie et m'abrite sur celui de la moto. Le mototaximan démarre sa moto et nous roulons doucement dans les rues de Douala.

Ma moto me laisse à bon port et après avoir payé, j'ouvre rapidement mon parapluie et je me dirige vers le portail de la maison.
Une fois à l'intérieur, je dis un bonsoir général à tout ceux qui se trouvent au salon et je me dirige directement vers ma chambre. J'entre,
puis abandonne mon sac au sol et je pose mon téléphone sur la commode près de mon lit. Je me jette dans celui-ci avec désespoir et j'y déverse toutes mes émotions dans une expiration stridente. Je ferme les yeux et un sommeil libérateur vient me chercher.

Toc !  toc ! toc !
J'entends toquer à ma porte et je réponds à la personne d'entrer en croyant que c'est Roxane. De la manière la plus surprenante qui soit je me rend compte que c'est ma tante qui traverse la porte de ma chambre. Je crois bien qu'elle n'est plus jamais monté dans ma chambre depuis qu'elle m'y a installée.

- bonsoir Nandi, me dit elle en s'asseyant sur le lit.

- bonsoir Tata.

- tu dormais ?

- Oui oui, les cours m'ont fatigué donc j'ai fait une sieste.

- okay on va manger. Tu viens ? Dit-elle en se relevant.

J'appuie doucement sur le bouton de verrouillage de mon téléphone. Il est 20h34. Je la regarde de nouveau en cherchant une excuse pour ne pas descendre avec elle. Voyant mon hésitation elle revient s'asseoir sur mon lit.

- ah non hein, ne me balances plus d'excuses, tu viens manger un point c'est tout. Ça fait des semaines que tu ne dînes plus Nandi. Tu rentres direct de l'école et tu vas dans ta chambre. En plus tu manques aux quadruplés. Tu as une mine triste tous les jours, même Roxane ne sait pas ce qui t'arrive, je croyais que tu serais enthousiaste à l'idée de commencer les études mais je vois que non. Tu as peur de t'être trompé de filière ? Tu sais on peut régler ça...

- non je te promets que ça n'a rien à voir avec les études j'adore ma filière et les cours, à l'école ça se passe très bien. C'est juste que...

- continues... c'est juste que quoi ? Tu es enceinte ?

J'éclate de rire.

- non absolument pas tata dis-je en poursuivant mon fou rire, le premier depuis longtemps.

- c'est juste que je suis nostalgique tata. Bomono me manque un peu et ma mère et Kédi aussi.

- ah je vois, tu sais, maintenant que tu ne travailles plus tu peux aller leur rendre visite.

- c'est vrai. Ça m'était sorti de la tête. Entre mon inscription, les dossiers et tout ça j'ai zappé.

- voilà ! Maintenant que tu as une solution tu vas m'enlever cette mine triste que tu as sur le visage tout de suite. Les quadruplés ont besoin de leur dose de Nandi quotidienne, allez debout !

Elle m'aide à me relever et me secoue dans tous les sens. Ce qui me fait rire.

- d'accord je prends  une douche speed et je vous rejoins en bas dans 10 minutes

- j'aime mieux ça. Dit-elle tout sourire en descendant au rez-de-chaussée.

Je me déshabille et enfile un peignoir, puis je me dirige vers la salle de bain.
En prenant ma douche, je repense à ce que ma tante a dit. Même si je lui ai menti sur la vraie raison de mon attitude sinistre, je pense qu'un week-end à Bomono me ferait le plus grand bien après ce qui s'est passé.
Ce mardi là, après avoir fermé la porte du taxi, j'ai eu l'impression de voir dans le regard de William une expression ressemblant à de la déception et cela à suffit à me mettre dans un état mental lamentable.
Je me suis sentie tellement mal. À tel point que j'ai fuis tout contact avec lui pour ne plus ressentir une chose pareille.
Il m'a écrit sur Whatsapp, en me disant qu'on devait parlé mais je lui ai dit que je ne voulais pas, que ça ne ferait qu'aggraver les choses.
J'ai eu peur qu'il se confie aux autres membres du groupe à ce sujet, je ne voulais pas assister à ça alors j'ai supprimé Whatsapp de mon téléphone. William essaie de m'avoir au téléphone mais la plupart du temps je ne réponds pas prétextant être à l'école par sms. Et parfois je réponds aux appels mais je finis toujours par raccrocher après une brève discussion, assez longtemps pour juste lui demander si il va bien et pour lui dire que moi aussi je vais bien, lorsqu'il veut poser d'autres questions je trouve un prétexte et je raccroche.

Nous sommes en fin de deuxième semaine du mois d'octobre. Je me suis enfin inscrite à ESG. Les cours ont commencé. Je suis contente d'avoir fait le bon choix.
À cause de mes horaires de cours contradictoires à ceux du travail j'ai dû démissionner de Friend's Food. Il faudra que je trouve un autre boulot où les horaires coïncideraient plus avec ceux de mes cours.

J'essaie d'aller bien, j'ai toujours rêvé de mes premiers jours de cours ici, j'étais sûre que je serai super heureuse, que je me ferai pleins d'amis etc. Mais la vérité est que je n'ai pratiquement aucune vie sociale. Je ne connais personne ici, je ne suis plus en contact avec mes amis du lycée et le pire dans tout ça est que je pense à William tous les jours.

Le matin, au réveil il est la première chose à laquelle je pense. En me couchant le soir je vois son regard triste. Et pendant mes cours je m'adonne à penser à ce qui se serait passé si jamais il avait répondu à mon baiser. Son fantôme hante même parfois mes rêves. J'aimerais le voir, lui parler et ôter ce sentiment qui me ronge la poitrine, mais je sais très bien que ça n'en sera que pire si je le revois.
Alors m'a routine ces dernières semaines n'a été que d'aller en cours et de rentrer dormir; et entre les deux, penser à Toko William.

Mais il faut que ça prenne fin. Je ne vais pas m'apitoyer sur mon sort toute ma vie, il faut que je me reprenne bon sang !
J'ai 18 ans, je devrais avoir une vie sociale bien remplie. Je dois reprendre contact avec mes amis, m'en faire de nouveau à la fac et surtout trouver un nouveau job pour payer les tranches de pension qui arrivent.

J'ai fini de prendre ma douche et en enfilant mon peignoir je me regarde dans le miroir.
J'avais perdu l'appétit mais l'idée de manger dans quelques minutes me fait sourire. Demain, samedi j'irai rendre visite à ma famille. Je crois que toute cette mascarade de tristesse a assez duré.

Une Kmer sur YouPornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant