Chapitre 9

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On frappa à la porte, mais Ellie ne répondit pas. On insista, une volée de coups retentit de nouveau contre le bois, et le nez de Mary apparut dans l'embrasure.

— Tout va bien, Eleanor ?

Si sa sollicitude était touchante et si elle était tentée de s'épancher sur son humeur massacrante, Ellie préférait ne pas critiquer ouvertement son frère devant elle. Elle hocha donc la tête sans rien dire, espérant que l'enfant trop curieuse reparte comme elle était venue. Bien au contraire, celle-ci entra dans la pièce et s'installa sur le lit à côté d'Ellie comme si elle se trouvait chez elle. Ce qui, en soi, était plus ou moins le cas.

— Xander vous a-t-il donné de quoi commander de jolies robes ?

La bourse abandonnée gisait sur le sol. Il était clair que le duc n'apprécierait pas que son contenu ne soit pas dépensé, mais Ellie refusait de sortir la moindre pièce pour son usage personnel. Elle montrerait à cet homme qu'elle n'avait que faire que de ses richesses, quel que soit le nombre de profiteurs qu'il avait pu croiser.

Elle eut soudain une idée et s'empressa de la partager à Mary, certaine qu'elle ravirait les jumelles au plus haut point.

— J'ai insisté pour que votre frère vous achète des tenues pour le goûter de la comtesse. Vous devez être les plus élégantes, n'est-ce pas ?

Mary se tendit d'excitation sur le lit mais hocha la tête en silence, essayant de maintenir une attitude qui seyait à son rang. Ses yeux brillaient de plaisir et nul doute qu'elle courrait voir Delilah sitôt la conversation terminée pour lui apprendre la nouvelle. Le tout était que le duc ne soit pas au courant de ce changement avant leur départ.

— C'est une surprise dont j'aurais dû vous parler en arrivant chez la modiste, lui avoua-t-elle. Ne le remerciez pas avant notre retour au manoir, sans quoi il devinera que j'ai tout gâché.

— Je peux tout de même le dire à Delilah ?

— Si vous restez discrète, oui.

Mary étouffa un cri de joie et prit Ellie dans ses bras, laquelle se crispa à ce contact inopiné avant de lui rendre son étreinte avec maladresse. Elle n'était pas le genre de personne tactile à accepter facilement qu'on envahisse son espace personnel, mais il ne s'agissait là que d'une enfant sans mauvaises intentions.

— Je vous laisse vous préparer avant de partir, lança Mary avant de bondir hors du lit pour quitter la chambre.

Elle avait oublié qu'Ellie n'avait en sa possession aucune tenue de rechange et qu'elle comptait sortir dans les vêtements qu'elle portait actuellement. Elle et sa sœur avaient la mémoire courte, surtout au sujet d'affaires qui ne les concernaient pas.

Ellie ne prit pas la peine de l'en informer et la regarder partir avec un sourire amusé, avant de pousser un long soupir une fois le silence revenu. C'était au moins une bonne chose de faite. Pour le reste, elle se résigna à écrire au marquis au sujet de ses malles en insistant sur le fait qu'une apparence soignée participerait à la réputation de leur famille. C'était le seul argument en sa possession pour accélérer les choses, car elle se doutait que son propre confort lui importait peu.

Elle avait à peine achevé la missive que les jumelles débarquèrent comme deux feux follets sans prendre cette fois la peine de frapper. Elles étaient apprêtées pour sortir et dardèrent sur Ellie des yeux dubitatifs.

— Vous n'avez vraiment rien de mieux à mettre ? Cette robe, est, enfin...

Delilah avait appris depuis leur dernière dispute à réfléchir par deux fois avant de partager le fond de ses pensées. Loin d'avoir le même sens de la diplomatie, Mary enchaîna :

La marquise aux yeux vertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant