Chapitre 26

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Thaïsse réajuste ma robe. Elle me regarde de haut en bas. Ses yeux se posent sur l'endroit où j'ai caché mes poignards. Elle tient quand même à me préciser :

— Vos couteaux ne sont pas nécessaires pour un repas de ce genre.

Je préfère ignorer sa remarque. Ils sont nécessaires pour moi, si le roi m'énerve, je pourrais me rassurer en m'imaginant lui lancer en pleine tête ou la lui trancher d'un coup sec. Je regarde ma robe et me dis que c'est quand même très peu raffiné d'imaginer une telle scène. Cette robe ne me correspond pas du tout. Je ne fais pas partie des nobles et je suis satisfaite de ma condition, je n'ai jamais eu besoin de beaux habits pour être heureuse. Thaïsse m'indique la porte ou une escorte armée m'attend pour me conduire dans la salle à manger du palais.

Un garde me précède et un autre se place dans mon dos. Je ne peux que suivre, aucune échappatoire. Nous descendons au rez-de-chaussée, l'un des gardes ouvre une porte et la tient pour moi. J'entre dans une pièce chaleureuse dans les tons rouges et crème. Une grande table se dresse au milieu de la pièce, elle est en noyer. Je dois avouer que cette table et celle des Faes se valent au niveau longueur. Des domestiques se tiennent droits contre les murs. Le roi et la reine sont déjà dans la salle. Lui est placé en bout de table et sa femme à sa gauche. Il me sourit en me voyant et dit :

— Vous pouvez être ravissante quand vous le voulez.

Sa remarque m'exaspère et entendre sa voix ne fait qu'aggraver les choses. Je ne suis pas là pour lui plaire, je n'ai même pas envie de me trouver dans cette pièce.

— Vous pouvez vous placer en bout de table, Hestia. Vous êtes une invitée d'honneur.

Il montre la place en face de lui qui se trouve à l'autre bout de la pièce. Je ne pourrais pas l'égorger comme dans mes rêves à cette distance, mais au moins je peux placer de nombreux mètres entre nous et s'il parle je pourrais faire comme si je ne l'avais pas entendu. Je ne me suis pas encore assise quand la porte s'ouvre à nouveau, je tourne la tête en direction du bruit. C'est Éros, plus beau que jamais dans un costume qui paraît neuf. J'ai l'impression que le temps s'arrête quand il entre dans la pièce, nos regards se croisent, mais il détourne les yeux. Je vois Anna-Livia le suivre de près, elle sourit de toutes ses dents. Elle porte une robe écrue qui est splendide, elle resplendit dedans. Éros au contraire a une mine dépitée. Le roi reprend :

— Allons, Hestia ne restez pas debout.

Je m'assois donc en bout de table. Le roi continue de jacasser, j'ai l'impression qu'il aime le son de sa voix.

— Alors nos tourtereaux vont s'asseoir l'un en face de l'autre, je suppose.

Je ne comprends pas pourquoi le roi les appelle des tourtereaux alors que le prince m'avait affirmé qu'il n'avait personne. Le roi reprend :

— Je ne sais pas si vous le savez Hestia, mais ces jeunes gens se sont fiancés avant votre petit tour en forêt. La pauvre Anna était inconsolable quand elle a appris la disparition du prince. Heureusement, ce n'était rien de grave.

Il attend de voir ma réaction à cette annonce. Intérieurement, les lambeaux de mon cœur que j'essayais de recoller se décomposent un par un. J'ai l'impression de me noyer, je suis en plein naufrage. Ma respiration me fait défaut, mes poumons me brulent, pourtant par je ne sais quel miracle j'arrive à afficher mon plus beau sourire et à féliciter le couple. Je ne donnerais pas au roi la satisfaction de dépérir devant lui. Tout à coup, je comprends le rejet du prince, il était fiancé et s'est laissé emporter par la passion avec moi. Anna-Livia qui s'est placée au milieu de la table à ma droite tourne la tête vers le roi et dit :

Le Joyau de NostrariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant