Chapitre 41

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En quittant la pièce, je jette un dernier coup d'œil à l'endroit où j'ai laissé le prince. Il est toujours au milieu de la piste, il me suit du regard. Je lui fais un petit sourire, ce sourire n'a pas pour but de le rassurer et ne veut pas dire que j'arrive dans quelques minutes, c'est un au revoir que je suis seule à comprendre. Il me rend mon sourire, mais son regard est triste comme si la dernière phrase que je lui ai dite le hantait, ce qui est peut-être le cas. En tout cas, elle tourne en boucle dans ma tête. Lui dire de ne pas m'attendre me brise le cœur, mais je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas être sûre de revenir et je ne veux pas lui faire subir une attente interminable. Je me retourne vers le garde qui me précède, nous passons la porte en laissant derrière moi les lumières vives et la musique enivrante de la salle de bal. Le couloir est très calme par rapport à l'effusion dans la pièce précédente. Nous nous dirigeons vers la salle d'eau la plus proche, mais elle est trop près de l'entrée de la salle alors je dis au garde :

— Je pense que je devrais aller chercher un châle dans ma chambre, ça ne vous embête pas ?

Vu la tête qu'il fait, ça l'embête, mais il ne fait aucun commentaire et place une main devant lui pour me signifier que nous y allons. Nous poursuivons notre chemin dans le dédale de couloirs. Je ne sais pas quand agir, je pense qu'il serait plus judicieux de l'assommer maintenant avant que l'on arrive dans l'antichambre, mais je me souviens que Léandre avait écrit qu'ils allaient neutraliser le garde. Au moment où cette pensée me traverse, un coup de poing phénoménal s'abat sur la mâchoire du garde qui tombe comme une masse. Je relève la tête paniquée et vois Léandre qui me sourit.

— Salut petite sœur. D'après ce que j'ai entendu, tu as besoin d'aide.

Il me fait un clin d'œil puis prend le garde par les épaules et le tire dans une pièce qu'il ferme derrière lui. Il reprend la parole :

— OK, tu vas passer par un passage en dessous du palais et arriver derrière le mur d'enceinte en pleine forêt, je veux qu'une fois sortie tu cours tout droit, le plus loin possible. Je te donne le plan que nous t'avons confectionné.

Il me tend un bout de papier plié en quatre, je le prends en main. Il continue :

— Ne t'inquiète pas pour nous, on gère. Tu devras me frapper pour faire comme si j'avais essayé d'empêcher ta fuite. Eryk est resté dans la salle de bal pour avoir un alibi. Le garde ne m'a pas vu, il pensera que c'est toi qui l'as assommé. Tes affaires sont cachées après l'antichambre, je te les montre et tu devras te débrouiller dans le sous-sol, ça va aller ?

— Oui, oui.

Je suis déjà passé par le couloir dont il parle. Il me donne pourtant les informations nécessaires afin de ne pas me perdre dans le palais et sortir facilement. Nous traversons l'antichambre, il m'emmène vers une salle d'eau où se trouvent mes affaires. Il me dit :

— Change-toi en vitesse, je surveille la porte.

J'ai l'impression que tout se passe trop vite. Je me hâte dans la salle et retire ma robe à toute vitesse en l'arrachant à moitié, je détache mes armes avant d'enfiler mon pantalon et de les replacer au-dessus. Ma ceinture trouve sa place sur mes hanches, je place ma dague à rouelle au-dessus de mon pantalon pour l'atteindre facilement. Je décide tout de même de laisser mon canif à cran de sûreté en dessous de mon pantalon pour avoir une arme cachée. J'enfile un tee-shirt et une veste par-dessus. Je place mon épée sur ma ceinture puis enfile mon harnais, mon carquois, mon arc et place mon sac sur tout ça. Je sors, Léandre sourit :

— Wow je ne t'ai jamais vu aussi armé.

— Moi non plus, honnêtement.

Je le regarde dans les yeux et le prends dans mes bras, je le serre de toutes mes forces et dis contre son épaule :

— Merci pour tout, merci. Je reviendrais. On se reverra c'est sûr.

C'est une promesse que je lui fais, mais que je me fais à moi-même également. Je ne peux pas consciemment vivre une vie entière sans revoir mon frère que j'aime tant.

— Oui, je sais. Maintenant, tu dois me cogner.

On se détache l'un de l'autre, il me regarde droit dans les yeux et hoche la tête. Je prépare mon poing et frappe sa pommette gauche avec force. Je vois ses yeux se révulser, il tombe comme une masse au sol. Je m'inquiète, j'ai peur d'avoir frappé trop fort puis je le vois lever le bras vers sa joue, il annonce :

— Putain, tu n'y es pas allé de main morte. Maintenant, grouille-toi je vais devoir donner l'alerte.

Il frotte sa joue avec énergie. Je lui lance :

— Je t'aime Léandre.

— Je t'aime aussi.

J'entends la douleur dans sa voix, pourtant je pivote dans la direction qu'il m'a indiquée et je pars sans me retourner.

J'emprunte l'escalier de service que j'avais pris avec Éros pour entrer ici. Je retrouve facilement le couloir sombre. Je marche rapidement en plaçant ma main gauche le long du mur pour avoir un repère dans la nuit du couloir. Quand je suis déjà bien enfoncée dedans j'allume une petite flamme dans ma main et commence à courir le plus vite possible. Je ne m'arrête pas, mon seul objectif est de fuir le plus vite possible. Je sens mes pieds frapper le sol, c'est le seul son audible dans ce boyau. Je suis aux aguets, j'essaie de repérer le moindre bruit pouvant m'avertir que des poursuivants sont à mes trousses, mais je n'entends rien. Soudain, mon pied bute contre quelque chose et je me retrouve à plat ventre sur des marches. Ce sont les marches qui me mènent à l'extérieur, je ne pensais pas avoir avancé aussi vite. Je me relève et les grimpe trois par trois. Quand j'arrive au niveau de la porte, j'éteins le feu que j'avais fait apparaitre, je pousse cette porte de toutes mes forces et me retrouve en deux secondes dans la clarté de la nuit. Une bouffée d'air frais m'assaille. Je n'ai pas le temps de m'extasier sur l'odeur de la forêt. Je recommence à courir, de plus en plus vite, sans jamais m'arrêter. J'envoie une dernière pensée à Éros en essayant d'y mettre tout l'amour que je ressens et disparais dans la végétation luxuriante de la forêt. Les ombres des arbres et des fourrés m'engloutissent.

Le Joyau de NostrariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant