Mardi 21 Juin, 18h30, Appartement de Lili
Je fixais l'écran de mon ordinateur avec un étrange mélange d'épuisement et de satisfaction. C'était terminé, enfin. Cette présentation orale, ce foutu powerpoint sur lequel j'avais sué du sang pour m'assurer qu'il soit parfait. Je l'avais fait revoir tellement de fois à mon potentiel futur maître de thèse qu'il m'avait conseillée de ne pas trop m'abîmer la santé dessus. M'abîmer la santé? C'était bien le dernier de mes soucis en cet instant. Observer mon travail, enfin terminé... mon texte prêt, connu sur le bout des doigts... les questions qu'on me poserait inévitablement, également préparées, révisées, mes réponses déjà prévues... j'étais prête. Je me sentait plus prête que jamais. Avec un tel travail, le jury n'aurait pas d'autre choix que de me choisir... tout du moins, je l'espérais. J'avais fait le maximum. J'avais tout donné en prévision de cet oral, cette chance d'obtenir la thèse tant convoitée depuis le début de mes études. Elle ne pouvait pas juste me filer entre les doigts, pas après tout ce travail, pas après toute cette préparation minutieuse, le jury devait... devait me choisir.
Je me reculais légèrement dans mon siège, et laissait choir ma tête par dessus le dossier. Je me sentais vidée. Comme si toute source d'énergie m'avait été ôtée. La canicule qui était à son plus fort à l'extérieur de mon minuscule appartement n'y aidait pas, évidemment. C'est pour ce genre d'évènements qu'un ventilateur aurait été utile, pensais-je. Le soleil assommait Strasbourg de ses lourds rayons meurtriers depuis presque une semaine déjà, et, honnêtement, je me demandais encore comment j'avais réussi à survivre jusque là, moi qui n'était pas particulièrement fan de grande chaleur. J'avais cependant mes propres méthodes pour combattre l'air étouffant qui enserrait la ville, et cela commençait par un isolement total. Volets fermés, pas de contact avec l'air extérieur, à l'exception des heures les plus reculées de la nuit, lorsque l'air tendait enfin à se rafraichir un peu. Là, j'ouvrais en grand toutes les fenêtres - au nombre incroyable de trois, dans mon appartement qui tenait plus d'une chambre avec salle de bain et kitchenette intégré - pour renouveler l'air. Vu le volume relativement faible de l'endroit, ça se faisait assez vite, et je pouvais en plus enfin réussir à m'endormir. Mais je devais également les refermer sans trop tarder dès le lendemain matin car, aussi vite rafraichi, aussi vite réchauffé dès que le soleil pointait le bout de son sale nez.
Un léger toussotement me prit la gorge, et je grognais. Ce mal de gorge me tenait depuis la veille, probablement dû à la déshydratation - il avait fait particulièrement chaud, le dimanche précédent. Je me levais vers mon petit réfrigérateur, encastré sous ma plaque de cuisson comme si la proximité de la chaleur et du frais n'avait pas un instant posé problème aux concepteurs de l'appartement. J'en ouvrit la portière, et saisit la grande bouteille d'eau que je gardais toujours dans la porte. Elle était bien fraiche... c'était un délice, en ces temps de forte chaleur. Mais ma gorge ne sembla pas du même avis, le contact soudain avec le liquide glacé sembla d'ailleurs plus l'irriter qu'autre chose. Un frisson me parcourut. Je soupirai en laissant à regret la bouteille à l'extérieur, me convainquant que ce n'était pas si grave de devoir boire de l'eau à température ambiante, que c'était plus efficace pour se réhydrater, et ce genre de chose, avant de revenir à mon bureau à peine deux mètres plus loin. Je fixais une énième fois ma présentation et mon texte. Devais-je les réviser encore une fois, pour être sûre et certaine? Les paroles du professeur Auquebert mer revinrent une énième fois.
'Ne t'abîme pas la santé là dessus'
Facile à dire... ce n'était pas lui qui devait convaincre le jury de sélectionner son sujet avec moi en tant que candidate. Mais je comprenais un peu ce qu'il voulait dire. Et je devais bien admettre que ça ne me ressemblait pas beaucoup d'autant me jeter corps et âmes dans le travail. J'étais maintenant bel et bien épuisée.
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Allo docteure?
RomanceÇa y est... Lili y est presque. Après tant d'années, elle touche du doigt son objectif ultime. Cet oral, c'est la dernière étape. Mais... pourquoi se sent-elle... soudain si faible? Elle ne tombe jamais malade, pourtant... Il lui faut appeler un méd...