Chapitre 11

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Vendredi 8 juillet, 10h30, appartement de Roman et Jelila

Je m'étirai longuement dans le matelas du canapé lit, sortant une jambe paresseuse des draps. Une légère douleur à la poitrine accompagna mon geste, mais je ne la remarquai presque pas. Je m'y étais tant habituée que j'oubliai presque toujours sa présence, à l'exception des moments où elle prenait en intensité et se rappelait à moi. Mais en cette douce matinée, ce n'était pas le cas.

Douce était probablement une manière assez subjective et biaisée de décrire cette matinée, cependant. A l'extérieur, l'enfer déferlait sur les rares courageux ayant eu le courage de quitter leur domicile – quand ils n'y étaient pas forcés par quelques absurde obligation travailleuse. Par chance, la combinaison des volets extérieurs et de la légère clim faisait que la température à l'intérieur du salon que j'occupais maintenant depuis trois nuits était tout à fait supportable, mettant à l'amende ma petite chambre mal isolée et ses stores vénitiens intérieurs. Je m'étirai longuement, et me levai, n'essayant même pas de refermer le lit pliable. Je m'y étais tentée le premier matin, et avait eu la mauvaise surprise de réaliser qu'il était particulièrement lourd, et que je n'étais particulièrement pas apte au moindre effort, étant donné la douleur intense qui m'avait laissée pantelante, au sol. Le soir même, Roman n'avait pas manqué de m'engueuler comme jamais pour me faire entrer dans la tête qu'aucun effort physique signifiait réellement aucun, et qu'elle s'occuperait de l'armature métallique du canapé lit elle-même. Mais bon, lorsque je me réveillais, elle était toujours déjà partie au travail depuis un moment, ce qui faisait que le canapé restait un lit la majorité du temps, désormais.

Je me levais dans l'appartement vide que je connaissais désormais par cœur. Les années le faisaient oublier, mais les primaires avaient encore cours à cette période de l'année, et Jelila était donc tout aussi absente que Roman. Je me retrouvai donc seule dans la cuisine salle à manger, à déguster mon cacao chaud – toujours accompagné d'une cuillère de miel, sans quoi j'étais bien moins motivée à le boire. Un toast à la main, je mâchais silencieusement, tout en scrollant mes réseaux sociaux, et répondant aux quelques messages laissés par mes amis durant la soirée précédente. La tasse dans laquelle je buvais ma tasse laissait apparaître un casque de stormtrooper lorsque son contenu était chaud, et c'était déjà devenu ma favorite. Et il fallait bien que je me satisfasse de ce genre de petites attentions du quotidien, car, le reste de la journée passait bien lentement.

J'avais mes jeux, bien sûr. Je les adorai toujours autant. Je passais également beaucoup de temps à écrire, à regarder des vidéos sur youtube, ou à trainer sur les réseaux sociaux, tant de choses que j'avais déjà l'habitude de faire durant mes week ends avant que ma vie ne tienne soudain qu'au fil d'une opération. Pourtant, le temps me semblait long. Des séances de jeu qui me semblaient avoir duré tout un après midi n'avaient en réalité duré pas plus d'une grosse demi-heure. J'écrivais trois paragraphes avant de me retrouver en panne d'inspiration, ayant l'impression que déposer le moindre mot supplémentaire sur la page de mon logiciel de traitement de texte détruirait toute la qualité du chapitre. Les vidéos que je regardais me semblaient longues et inintéressantes au possible ; les réseaux paraissaient vides. C'était ainsi que s'étaient passés les deux jours précédents, et je ne m'attendais pas à ce que ce soit différent en ce vendredi là. Je n'attendais que le week end, espérant que passer du temps avec des gens à la maison feraient un peu disparaître cette étrange sensation qui jamais ne m'avait habitée quand je résidais seule chez moi. En attendant, je trainais dans la cuisine, repoussant l'heure de la douche, et le moment ou ma routine matinale terminée, je me retrouverai à tenter d'une manière ou d'une autre d'occuper mon temps. J'avais encore oublié de demander à Roman si je pouvais utiliser sa Wii...

-Déjà levée ?

La voix me fit presque sauter de ma chaise, et je levais un regard confus vers l'entrée de la cuisine. Une Roman hirsute venait d'y apparaître, les yeux encore bouffis de sommeil, ses longs cheveux noirs semblable à un magnifique chaos au sommet de sa tête, un long débardeur accompagné d'un jogging en guise de pyjama. C'était la première fois que je la voyais au réveil, puisqu'elle était jusque là toujours partie lorsque je me levais, et c'était entre mignon et comique. Imaginer la froide et dure docteure Roman ayant du mal à ouvrir les yeux face à la lumière pénétrant au travers des volets de la salle à manger était un spectacle auquel je ne m'étais pas attendue. Néanmoins, je ne comprenais pas vraiment la raison de sa présence, ici, à cette heure là.

Allo docteure?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant