Chapitre 20

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Mardi 9 août, 18h30, Maison de mon père

Cette réalisation me heurta aussi violemment que le rebord de la piscine quelques instants plus tôt. Et je me haïssais de ne pas y avoir pensé auparavant. Cela semblait presque logique, en réalité. Je n'avais pas inventé le fait que Sara soit mon amie. C'était elle même qui l'avait dit. Ça n'avait pas de sens qu'elle se mette à une telle distance aussi vite. A moins qu'elle n'ait réalisé quelque chose. A moins qu'elle ne se soit rendue compte que les sentiments que j'arborais à son égard étaient loin d'être innocents. Et qu'elle cherchait simplement à se corriger, à ne pas - ou plus - me donner de faux espoirs... à sa façon. C'était... dur, certes. Et ça ne lui ressemblait pas. Elle était plutôt du genre à dire franchement ce qui lui passait par la tête, plutôt qu'à jouer le sous texte. Mais si elle tenait à ne pas me blesser... alors c'était probable. Et mon cœur coula un peu plus profond dans ma poitrine, à défaut de dans la piscine.

-Eh, Lili, t'es sûre que ça va? Me demanda Mathias, maintenant tout proche. T'as besoin d'aide pour sortir?

J'étais restée immobile à l'endroit de ma chute quelques instants, frappée par ma réalisation. Je me relevai donc en hâte pour rassurer mes amis, jusqu'à ce qu'une douleur me fasse ciller, et me force à m'asseoir sur le rebord que je venais de heurter.

-Ca va, ça va. Je suis juste un peu sonnée. Les rassurai-je.

-T'es sûre, hein?

-Puisque je te le dis.

Je sentis une serviette s'enrouler autour de mes épaules. Mon cœur espéra presque voir le visage rassurant de Sara, pour démentir la réalisation que mon cerveau s'était convaincu d'avoir eu. Mais il ne s'agissait que de Thibault.

-Sèche toi bien, t'es toute tremblante. Me lança-t-il.

Allongée sur un des transat, emmitouflée dans ma serviette, et profitant de l'ombre du pommier, je ne cessait de tourner et retourner l'idée que je venais d'avoir dans ma tête. Comment? Comment aurait-elle pu s'en rendre compte? Si c'était la cause de son silence presque total durant la deuxième semaine de mon opération, alors qu'on ne se voyait même pas... je ne pensais pas avoir dit ou fait quoi que ce soit d'étrange durant nos séances de jeu et de discussion. J'étais même presque sûre de l'inverse. Ne pas l'avoir directement face à moi rendait la chose plus facile à cacher... mais d'un autre côté, Sara ne savait que trop bien lire ce que je cherchais à soustraire à son regard. L'avait-elle appris plus tôt? L'avait-elle même toujours su? En avait-elle joué pour que j'accepte de me faire soigner? Toutes ces suppositions étaient stupides... Sara n'était pas ce genre de personne. Elle n'était pas manipulatrice, elle était tout ce qu'il y a de plus franche. Mais j'étais tellement à court d'idée que je ne savais pas trop quoi d'autre cela pouvait être. J'étais presque tentée de me conforter dans l'idée que j'inventais tout, et que peut être Sara s'était juste vraiment disputée avec Jelila, ou avait ses règles, ou... n'importe quoi... mais je savais aussi qu'une telle Sara se serait inquiétée à l'idée que j'aille dans l'eau après mon opération. Qu'elle m'aurait forcée à mettre de la crème solaire pour protéger ma peau. Et qu'elle se serait jetée sur moi à l'instant de ma chute pour me demander si j'allais bien, et me faire jurer d'être plus prudente à l'avenir.

Sauf qu'il n'y avait rien eu. De ma position dans le jardin, je pouvais observer le salon vide au travers de la baie vitrée. Sara n'avait pas quitté l'étage, peut être même pas sa chambre, dont aucune fenêtre ne donnait sur la façade. Un sentiment de profonde tristesse m'envahit. C'était donc... sûrement ça. Elle avait compris, d'une façon ou d'une autre. Et moi, l'imbécile qui n'avait pas réussi à faire le deuil de ces sentiments plus tôt... j'en prenais les conséquences de plein fouet.

Allo docteure?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant