Chapitre 9

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Dimanche 3 juillet, 12h30, Appartement de Lili

Je me laissais retomber sur mon lit, pantelante. La forte odeur de désinfectant envahissait mes narines, et je rampais sur les draps pour atteindre la fenêtre et l'ouvrir en grand, me prodiguant une longue bouffée d'air frais. Enfin... il n'avait de frais que le fait de ne pas porter les effluves du ménage que j'étais en train de mener. Car bien loin d'être rafraichissant, j'eu plutôt l'impression d'avoir ouvert la porte vitrée de mon four tant le courant d'air qui pénétra dans la petite pièce était brulant. Je grimaçais. Choisir entre la chaleur ou l'odeur de mes produits de ménage... ce n'était pas que ces derniers sentent mauvais, mais j'avais peut être abusé sur la quantité pour m'assurer que plus un seul des visiteurs impromptus que je recevais décidément beaucoup trop souvent en ce moment ne puisse faire la moindre remarque.

Décidant que je préférais encore mourir asphyxiée plutôt que d'hyperthermie, je refermais la fenêtre. Le mal avait déjà été partiellement fait... j'avais la sensation qu'il faisait déjà plus chaud. Et aucun moyen de diminuer cette chaleur avant le soir... qui semblait encore terriblement loin. La chaleur était assommante, presque autant que l'effort que j'avais fourni pour passer balais et serpillère, bougeant chacun de mes meubles dans le processus dans un jeu de tetris géant qui m'avait laissée pantelante. Ça n'avait décidément pas été une bonne idée, particulièrement par cette chaleur... mais, étant donné les bulletins météo qui annonçaient que le thermomètre n'allait faire qu'augmenter dans la semaine à venir, la fenêtre avait semblé propice. Me restait pourtant à faire la poussière sur tous les meubles, et peut être à nettoyer l'intérieur de mon frigo... les éviers et la douche recouverts de calcaire aussi, évidemment. Mais l'eau en était si concentrée que cette simple tache me donnait déjà des sueurs froides... en moins de trois semaines, tout serait déjà à refaire. C'était un cycle sans fin... et une tache épuisante, à laquelle je n'avais ni le courage ni la force de m'atteler.

La douleur dans ma poitrine m'avait déjà convaincue de m'interrompre dans mon passage de serpillère. Mon bureau était encore décalé, et je ne m'étais pas encore occupée de la cuisine. Il me fallait un peu de repos pour calmer ma respiration erratique, et attendre que la douleur s'estompe légèrement... elle ne partait jamais totalement, de toute manière, comme un rappel constant que je vivais sur le fil. J'essayais de ne pas trop y penser. D'ici un mois, ce ne serait qu'un souvenir... et en plus, cela me permettait d'accélérer grandement mon calendrier de transition. Peut être n'étais-ce pas une mauvaise chose, au fond. D'autant que rester à ne rien faire dans mon appartement n'était pas la pire des punitions... j'étais une ourse ne quittant que rarement sa tanière en général. Enfin, sauf quand on m'invitait à sortir, ou qu'il fallait aller faire des courses, ou aller au boulot... tant de choses qui ne m'étaient plus accessibles. Je tendais la main pour attraper mon téléphone sur mon bureau, et commençais à scroller les réseaux pour occuper mon esprit comme je le pouvais, tandis que ma respiration reprenait peu à peu son rythme habituel. Tout allait bien... il fallait juste que j'y aille par petits pas.

Deux heures plus tard, je reposais le smartphone et décidait de reprendre mon œuvre. Je pus finir de passer la serpillère partout où je n'étais pas passée jusqu'ici. Ce fut alors que je pensais que faire le sol avant de faire les meubles n'était peut être pas la façon la plus efficiente de faire le ménage... mais il était un peu tard pour ça, maintenant. Et je ne me sentais pas avoir la force de réitérer cette opération de toute manière, puisque j'étais, une nouvelle fois, épuisée. La bassine de linge sale qui trainait dans un coin de mon appartement depuis plus d'une semaine désormais attendait elle aussi qu'on s'occupe d'elle. Je regardais l'heure. Je n'étais pas sûre d'avoir le temps de faire ma lessive avant le passage de Roman - car, quand bien même elle ne l'avait pas dit explicitement, je me doutais qu'elle allait passer, ne serait-ce que pour vérifier que j'avais bien récupéré de mes emplettes de la veille. Ce qui ne risquait pas d'être le cas, au vu de la manière dont je m'étais épuisée au ménage. C'était plus fatiguant que simplement marcher, étonnamment. Ma situation me faisait seulement prendre conscience du coup énergétique de chacune des actions qui me semblaient généralement si banales... c'était comme si j'avais une batterie abîmée qui ne pouvait se charger totalement, et que je devais me contenter de fonctionner avec le sixième de son énergie maximale. J'étais une vieil iPhone qui se déchargeait en trois heures. Voilà. C'était la bonne comparaison. Cela me fit un peu rire, tandis que je me laissais tomber une énième fois sur mon lit.

Allo docteure?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant