Le fantasme et la bête.

Chapitre 4 : Le commissariat.

J'entre dans le poste de police à contre cœur, l'homme qui m'a sauvée me tenant la main pour m'y guider : j'ai envie d'être n'importe où sauf là.

J'ai surtout envie de me cacher au fond de mon lit, en fait...

Je traîne inconsciemment les pieds.

J'explique à la personne de l'accueil avoir été témoin d'un meurtre.

- Et victime d'une agression ! Se presse de rajouter Attila.

Nous sommes dirigés vers un bureau, dont la porte est ouverte.

Un homme, le policier auquel je dois m'adresser, est debout, de dos, les fesses appuyées sur le rebord du bureau qui est au centre de la pièce.

À l'instant où mon regard se pose sur sa silhouette, j'ai comme une sensation étrange. Ce que je vois me rappelle vaguement quelque chose...

Comme je reste figée devant la porte, Attila la frappe de la jointure de ses doigts, lançant un grand :

- Bonjour !

L'homme se retourne, et dans ma tête le temps se ralentit...

Oh mon dieu !! C'est lui !...

C'est le garçon qui faisait tourner la tête de la lycéenne que j'étais : Will, Will Portman. Le gars intouchable, de quelques années mon aîné, beau comme un dieu et avec un charme à tomber par terre ; le gars que tu n'oses même pas regarder parce que tu sais que tu vas à coup sûr rougir. Le gars inaccessible - non pas qu'il sache qu'il était beau, enfin si, il le savait, mais il n'affichait pas cette arrogance du beau gosse. Mon fantasme d'adolescence.

Will Portman...

Devenu aujourd'hui un homme... La vache ! Lui aussi il est gaulé comme un dieu ! Un peu plus humain qu'Attila, mais mon dieu, quel corps... Il est aussi grand que lui, incroyablement bien bâti, avec une musculature puissante mais relativement fine, des cheveux châtains, une gueule d'ange que soulignent deux fossettes ravageuses quand il sourit, des yeux qui passent du vert au doré selon son humeur et le temps qu'il fait ; il pourrait être mannequin. C'est quoi ce délire ? Comment se fait-il que depuis... Seulement hier ?? Rien n'ait de sens, et que tous les hommes que je croise soient des dieux Grecs en puissance ??

On est passé dans une dimension parallèle ou quoi ? Est-ce que je suis en train de faire un putain de rêve ?...

Il nous accueille chaleureusement :

- Entrez, entrez, je vous en prie.

La fossette qui se creuse sur sa joue rend mes jambes fébriles ; je cligne des yeux très fort, tentant de la chasser de mon esprit.

Tandis qu'Attila et moi avançons dans la pièce, il nous regarde tour à tour : il pose les yeux sur moi, sur lui, revient sur moi, et mon cœur fait un bond en apercevant un éclair de doute dans son œil.

Il ne peut quand même pas me reconnaître ? Si ?? Non, voyons, il ne m'a sans doute jamais remarquée...

Ma voix intérieure bondit, elle aussi : bravo, c'est bien le moment ! T'as pas autre chose à penser là ? D'autres chats à fouetter, genre témoigner et demander une protection, au hasard ?!

C'est la voix de Will qui me fait revenir à la réalité :

- Je suis le lieutenant Will Portman. Alors, que puis-je pour vous ? Demande-t-il avec un grand sourire.

Je ressens une pointe au cœur : c'est clairement de la déception... Il ne m'a pas reconnue. Évidemment.

Je secoue la tête, Will me fixe d'un œil interrogateur, je le regarde, et tente de toutes mes forces de savoir quoi dire.