Chapitre 5 : Passage au restaurant.

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Attila m'a carrément tiré sur le bras pour me faire sortir de ma transe et du commissariat.

Dehors, il ne lâche pas ma main, qu'il tient fermement, et avance dans un silence troublant, car je peux presque entendre ses pensées bouillonner.

Je me demande un instant si c'est par jalousie ou inquiétude, mais comme tout ce qui vient d'arriver n'a pas grand sens pour moi, je n'arrive pas à réfléchir à la question, et ne trouve pas le courage de l'interroger sur ce qu'il se passe en lui.

Je lui demande juste si on va au restaurant.

Au moment où la question quitte mes lèvres, je prends conscience de l'atroce position de... dominée, que je suis en train de prendre.

- Ressaisis-toi ! Rage ma voix intérieure ! Tu ne vas pas laisser ton pouvoir à des mecs, aussi canons soient-ils !!

Il acquiesce, toujours mutique.

Alors je rassemble mes forces, physiques, ce sont elles qui me manquent à cet instant, et préviens :

- C'est pas toi qui décide, hein... En même temps. Vous m'avez bien soûlée, avec votre petit jeu de mâles dominants... Un peu primaire, comme réaction...

Je l'observe du coin de l'œil, mais il garde le silence.

Alors que nous arrivons vers le restaurant, je réalise que ma main est toujours dans la sienne.

Je la retire doucement, le regardant timidement :

- Il ne faut peut-être pas que mes patrons s'imaginent des choses... dis-je d'un air gêné.

Il s'arrête presque et m'emboîte lepas en prononçant sur un ton d'excuses :

- Oh ! Bien sûr ! Je comprends parfaitement, oui...

Cette fois-ci il s'arrête pour de bon, et ajoute qu'il va m'attendre dehors, sur un ton interrogatif.

- Oui, c'est bien, dis-je.

Mais comme mes jambes n'arrivent pas à avancer, je suggère que comme il m'a sauvée, il est sans doute naturel qu'il soit avec moi à cet instant, en revenant d'avoir fait nos dépositions.

Il s'illumine en faisant un grand sourire satisfait, et me pousse gentiment la taille en direction du restaurant pour y entrer.

L'un de mes patrons est en salle, derrière le comptoir. C'est John, un Écossais typique, pas très grand, roux, plein de taches de rousseurs. Lorsqu'il me voit arriver quelques heures avant mon service, ses sourcils se froncent, et je l'entends appeler l'autre patron qui est en cuisine, avant qu'il ne dise avec empressement :

- Tu es au courant pour ce qu'il s'est passé hier soir, derrière le resto ??

Billy, mon deuxième patron sort de la cuisine pour me rejoindre, un Irlandais grand et fin dont tu devines qu'il serait blond s'il n'était pas totalement chauve.

Je commence à leur expliquer que j'étais là, et comment je n'ai rien vu venir en jetant la poubelle.

Ils sont tous les deux livides, mais mon récit est interrompu par Attila qui pousse un cri enragé et part en courant du restaurant.

Il pique un putain de sprint !

Mes patrons restent estomaqués tandis que je me lance contre la vitrine pour voir la scène.

Je me retourne vers eux sentant bien que je dois à présent être aussi blanche qu'eux.

J'essaye tant bien que mal de ne pas me laisser décontenancer (j'ai juste envie de pleurer, là, en vrai),de leur raconter la suite, enfin, juste le sauvetage et puis directement le commissariat, sans passer par la case « recueil chez un inconnu », dont j'ai un petit peu honte, ne sachant bien encore comment l'analyser.

Attila revient en courant, rouge comme une pivoine, et ne maîtrise pas les hurlements que sa voix tente de contenir :

- C'était lui putain !! C'était le gars d'hier : il est passé en vélo en louchant à l'intérieur du restaurant !!!

Il avance face à moi d'un pas sûr, rapide :

- Il n'y a pas à discuter. Tu viens te planquer chez moi !

Fébrile, perdue, je sors mon téléphone :

- J'appelle immédiatement Will !Enfin, l'inspecteur, dis-je en me sentant rougir jusqu'aux oreilles.

Attila me jette un regard noir en saisissant l'objet de mes mains.

- Non ! Sa voix est irrésistiblement impérieuse. Mes joues sont en feu. Une partie de moi se sent outrée d'être ainsi dirigée, et surtout d'être aussi malléable ; je me demande bien où ont pu passer mon légendaire esprit de contradiction et ma soif d'indépendance et de liberté. Mais le trouble l'emporte, surtout quand je relève les yeux pour les plonger dans les siens.

C'est comme si son âme absorbait la mienne. Je me sens irrésistiblement attirée vers lui, par lui, je sens nettement l'autre partie de mon être ne vouloir que suivre son instinct et se cacher contre sa poitrine imposante, là, bien à l'abri dans ses bras.

Il prend la main qui tenait le portable, toujours en l'air, m'attire contre lui, et je peux sentir l'urgence dans les muscles qui se pressent doucement contre moi.

J'ai conscience que mes patrons doivent nous observer, mais je suis incapable de détacher mes yeux de ceux d'Attila. Il a comme un truc animal, mais également une douceur incroyable quand il me regarde...Et ça semble annihiler toute volonté en moi.

Je cligne des yeux pour tenter d'échapper à son emprise visuelle.

Mais tout ce que j'arrive à faire, c'est céder et m'entendre dire :

- D'accord...

- Bien. Fait-il d'un ton satisfait qui me fait sentir encore plus vulnérable. J'ai beau détester ça, j'ai juste envie de me laisser faire.

John s'empresse d'ajouter que ni Attila ni moi ne sommes en sécurité ici, et Billy surenchérit en précisant que nos méchants savent exactement où lui et moi sommes, à cette heure précise.

Je les regarde en bredouillant des remerciements confus, et me laisse tirer par Attila qui tient toujours ma main. Mes yeux se fixent sur la porte du restaurant, et instinctivement, je me mets à courir.

Attila me suit sans peine, je l'entends m'appeler mais je ne sais pas pourquoi, mes jambes qui semblaient totalement vidées de leur force depuis hier ne peuvent à présent plus s'arrêter.

Je ne sais même pas pourquoi je cours, il faut juste que je cours.

Que je fuie.

Je sens le bras d'Attila passer devant moi et m'arrêter dans ma lancée. Il se met face à moi, me claque fermement contre lui en attrapant ma taille, et saisit à présent ma joue dans l'une de ses grandes mains, ce qui calme sur le champ mes jambes qui tressaillent sous moi, comme muent d'une vie autonome, et d'un instinct de fuite plus fort que tout.

- Hééé... Caaalme, susurre-t-il d'une voix douce et chaude. Où crois-tu aller comme ça ?

C'est maintenant mon cerveau qui se fige.

- Ah oui... Ah ben tiens...

Je réalise que je n'avais aucune idée d'où j'allais, et que je serais bien incapable de retrouver le domicile d'Attila, ne me souvenant même pas du trajet de la veille. Ni même du chemin que nous avons pris jusqu'au commissariat.

Comme je reste sans réaction, il ouvre grand ses bras et m'enlace tendrement. Une main passe dans mes cheveux, il tient tout l'arrière de mon crâne dans sa poigne puissante.

Ça me fait à nouveau devenir toute chose, je suis définitivement perturbée par la manière qu'il a de prendre l'ascendant sur moi de façon à ce que j'aime ça.

Je secoue la tête en m'écartant doucement de lui. Tout cela est tellement nouveau et perturbant pour moi. C'est forcément ma blessure. Je touche ma tête et grimace comme l'énorme bosse réagit douloureusement au contact de mes propres doigts.

Il me regarde tendrement, et me mène chez lui un bras autour de mes épaules.

Pour info, le personnage d'Attila est directement inspiré d'un homme qui existe vraiment.
Il ne s'appelle pas Attila en vrai, mais il existe 😉

Le fantasme et la bête.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant