Ailes Mortelles - Tome 3

Chapitre 20 - Nuit meurtrière

Cela faisait à présent deux heures que je volais dans le ciel d'encre. Victoria avait eu sa dose de balade aérienne, moi je ne pouvais m'en lasser. Mes ailes ne faiblissaient pas, et je comptais bien en profiter jusqu'à l'aube.

Mais alors que je tentais un nouveau looping, un cri m'interpella. Baissant le regard, je remarquai que Vic faisait de grands signes à mon attention. Intriguée, je descendis en piqué dans sa direction.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en me posant près d'elle.

La brune ne répondit pas, me collant à la place son téléphone contre l'oreille.

— Merit ?

— Alan ?

— Tu dois aller sauver Askel ! cria-t-il immédiatement. Il est à la station-service à la sortie de la ville, une Heksziel lui est tombée dessus. Il n'est pas armé, il ne peut pas s'en sortir seul !

— Quoi ?!

— Je suis trop loin, j'arrive dès que possible, mais toi tu peux y aller en volant ! FONCE !

Je n'avais pas besoin d'en entendre plus. Je rendis son téléphone à Victoria et me propulsai sans attendre dans le ciel. Jamais je n'avais volé aussi vite. Pour la première fois, je dépassai mon périmètre d'arbres, scrutant le sol avec attention. Mon cerveau tournait à plein régime, la peur m'oppressait le cœur.

Une autre Heksziel. J'allais rencontrer – ou plutôt affronter – une autre Heksziel. Allais-je être assez forte ? Je n'avais aucune notion de combat, et contrairement à elle, je ne voulais tuer personne. J'appréhendais aussi ma partie Chasseuse. Je n'avais aucune idée du pouvoir qu'elle avait sur moi maintenant qu'elle était activée.

Mais surtout, Askel était en danger. Si la Heksziel était comme Nérisse, je ne connaissais que trop bien ce qu'elle pouvait lui faire subir. Je ne pouvais pas arriver trop tard. Je ne pouvais pas le perdre.

Sans me soucier d'être vue, je me concentrai uniquement sur ma trajectoire en allant le plus vite possible. Mes ailes battaient furieusement l'air, mais pas assez vite à mon goût. J'avais l'impression de mettre une éternité à atteindre cette fichue station. Pourquoi Askel était-il allé là-bas ?

T'as intérêt à tenir jusqu'à ce que j'arrive...

Une lumière perça enfin l'obscurité de la route déserte que je survolais. J'aperçus une forme noire sur le côté, et me posai silencieusement. Mon cœur loupa un battement en reconnaissant la moto d'Askel, renversée et abimée, preuve que le tatoué était bien là. Relevant la tête, je vis cette fois un corps allongé au centre de la station.

Non...

Je me précipitai, courant et volant en même temps. Ma gorge se noua tandis que je me laissai tomber à côté de lui.

— Askel !

Ses yeux étaient fermés et du sang formait un halo rouge autour de sa tête. Il avait des égratignures partout sur le visage et son épaule ne semblait pas avoir un angle correct.

— Askel ! répétai-je en essayant de le réveiller.

Il n'eut aucune réaction. La peur m'opprimait entièrement, voir le tatoué dans cet état m'était intolérable.

Un bruit me fit brusquement lever les yeux. La porte de la station s'ouvrit sur une fille blonde dotée de grandes ailes noires. J'étais trop loin pour voir ses prunelles, mais je connaissais déjà leur couleur. Elle évita les bouts de verre éparpillés au sol sans se départir du sourire fier qu'elle arborait.