Ailes Mortelles - Tome 3

Chapitre 8 - Perte de contrôle

Je finis de bidouiller une dernière chose sur les pistons de la moto puis essuyai mes mains pleines de graisse.

— Tu as rempli le liquide de frein ? me demanda Liam.

Je hochai la tête en jetant le torchon sale près du lavabo.

— J'ai fini pour aujourd'hui, annonçai-je. La bécane est prête.

— Bien, fit mon employeur.

Liam était grand avec une barbe brune épaisse et des mains de géants. Il m'avait accepté dans son garage lorsque je m'étais installé ici, et ce depuis maintenant bientôt trois mois.

Trois mois depuis que j'avais quitté ma petite ville, abandonnant mes amis et mon bac.

Et Merit.

J'essayais la plupart du temps de ne pas y penser. Mon meilleur pote me manquait, et il devait certainement m'en vouloir. Je ne pouvais lui reprocher sa colère, j'étais parti sans même prévenir, tel un courant d'air. Je culpabilisais aussi par rapport à Nessah, car elle m'avait directement accepté lorsque nous nous étions rencontrés, et je ne le soutenais même pas dans sa grossesse. Verrais-je même leur gosse un jour ?

Le reste, je m'en fichais un peu. J'appréciais Victoria, je devais même avouer que passer du temps avec elle ne me dérangeait pas, mais elle ne me manquait pas non plus. Je n'avais jamais vraiment réussi à m'entendre avec Alisha et Swan. J'avais peut-être quelques remords par rapport à Rebekka qui avait dû sortir de l'hôpital depuis le temps. J'espérais qu'après avoir failli la perdre, son connard de père changerait, mais c'était comme souhaiter la neige en plein été.

Et Merit.

Bien sûr qu'il y avait Merit. La quitter elle avait été le plus dur, mais je ne devais pas y penser. Je n'avais pas le droit, je ne pouvais pas.

Alors je continuais mes journées en me concentrant uniquement sur le moment présent. Je travaillais de huit heures à dix-sept heures et cela me convenait largement. J'avais toujours aimé trafiquer ma moto, apprenant quelques trucs au passage. Maintenant, je pouvais trafiquer celles des autres et les réparer. C'était long, salissant, et parfois chiant, mais ça m'occupait l'esprit et c'était ce que je voulais.

Je me changeai rapidement, retirant mes vêtements pleins de traces noires, avant d'enfourcher ma moto et de filer hors du garage.

La circulation était différente de celle dont j'avais l'habitude. Ici, c'était une plus grande ville et je passais plus de temps à éviter les voitures qu'à rouler vite comme je l'aimais. Les embouteillages étaient plus longs et tout était plus bruyant. Cela m'avait fait bizarre au début.

Je mis vingt minutes à atteindre le studio dans lequel Andy avait bien voulu m'accueillir. Ce dernier était un ancien pote que j'avais perdu de vue il y a quelques années, mais qui n'avait pas hésité à me prendre en colocataire. Il était peut-être un peu trop extraverti et bavard pour moi, mais il était un des rares à ne pas se soucier de mon mutisme ni de mes regards noirs. J'avais presque fini par l'apprécier.

Presque.

Le studio comportait une grande pièce faisant office de cuisine/salon/salle à manger. Il y avait ensuite une petite chambre qui présentait seulement un lit double avec une armoire, et une salle de bain minuscule. Pour la nuit, l'un dormait dans le lit et l'autre dans le canapé, puis on inversait après une semaine. Andy avait donc proclamé qu'on n'avait le droit de ramener une fille que si on avait le lit.

Cela me convenait.

En entrant dans le studio, je trouvai le fameux Andy avachi devant la télé, en train de jouer à la PlayStation. Ses cheveux bruns étaient plus courts sur les côtés qu'au milieu, et ses grands yeux clairs étaient concentrés sur l'écran. Il avait un piercing à la lèvre et des dizaines de tatouages sur les bras.