Chapitre 1 : Assommoir !

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Amélia avait une longue journée de travail qui se profilait à  COURT'ASSUR, l'entreprise d'assurances qu'elle avait montée avec Richard, son associé.
Elle avait commencé bien avant l'ouverture, afin de finir de préparer ses réunions en visioconférence.
Elle avait plusieurs rendez-vous importants à honorer entre 8h et 10h45. Enfin, ils avaient leur réunion trimestrielle avec leurs collaborateurs à 11h. Celle-ci était la première depuis le déconfinement.

Le temps lui semblait long. D'habitude, elle n'arrivait dans la salle de conseil qu'avant le début des réunions. Ce jour-là, elle avait tout enchaîné dans ce même lieu : les réunions téléphoniques, les appels en visioconférence. Cela ne faisait que quatre heures qu'elle travaillait, mais son ressenti était autre, une éternité.
Elle sentait à onze heures que la journée n'en finissait pas.

Elle assista à l'arrivée et aux conversations de ses employés. Les écouter rabâcher leur petite vie et leurs désagréments de futur père, de chef de famille, de petit-ami trop ambitieux, trop souvent absent, trop prisé, pas assez disponible, trop ci ..., trop ça ..., trop... tout, commençait sérieusement à la fatiguer.

Elle n'avait qu'une envie, leur crier : « la ferme ».

Tout le monde le savait bien. Elle n'était aucunement patiente et le brouhaha qu'ils faisaient, lui tapait sur le système.
D'ailleurs, la migraine n'était pas bien loin.

La salle de réunion était quasi pleine. Il ne manquait que Richard. Il avait prévenu qu'il serait probablement en retard, car il était en pleine négociation sur un contrat assez important. 

— Messieurs, bonjour. Quoique nous soyons minoritaires, bonjour à vous mes très chères dames. Nous allons commencer la réunion. Richard étant en réunion de son côté, il nous rejoindra lorsqu'il le pourra.

D'ailleurs, il n'était toujours pas là. C'était bizarre. Cela n'était pas son habitude, être en retard.

— Nous avons plusieurs sujets à l'ordre du jour. Il nous faut rebondir après les deux derniers confinements dus à la crise sanitaire. Je vous demande de me faire un point sur chacune de vos équipes afin que nous évaluions la performance du télétravail par rapport au présentiel. Nous ferons également un point par rapport aux dysfonctionnements et aux possibles couacs. Il va nous falloir intégrer ce nouveau mode de travail dorénavant. Nous nous rendrons plus performants que nous ne le sommes déjà. Martin, en tant que directeur du service informatique, je commencerai par votre département.

Elle le regarda et il lui fit un signe de tête pour signifier qu'il était prêt.

— Ensuite, nous vous écouterons Maryse, en tant que DRH vous remonterez les difficultés personnelles ressenties par les employés. Enfin, on finira par vous Spencer, afin que vous nous montriez l'évolution chiffrée de notre affaire.

Martin prit donc la parole pour expliquer la fréquence des connexions et la performance des équipes .

En jetant un œil sur Pénéloppe pour voir si elle prenait les notes de tout ce qui était dit, Amélia se rendit compte sans étonnement qu'elle avait le nez collé à son clavier. Elle tapait à un rythme soutenu, concentrée à sa tâche. 
Elle aurait pu être greffière, tant elle était compétente et que la dactylographie n'avait aucun secret pour elle. 
Comme si elle avait ressenti le regard d'Amélia sur elle, Pénéloppe avait levé le nez et la regarda à travers ses lunettes rondes, une question muette dans les yeux, sans cesser de marteler son pauvre clavier. Après un signe de tête, pour lui faire comprendre qu'il n'y avait rien de particulier. Elle replongea dans son écran.

Cette femme, quoique discrète, était un bijou. Elle était travailleuse et efficace.
Amélia ne supportait pas les fainéants. Elle avait réussi à dégoter cette perle rare.
Richard et elle s'étaient rendus compte, qu'elle était plus que qualifiée pour le secrétariat. Ils l'avaient donc promue assistante de direction. 
Allégée des tâches telles que le téléphone et l'accueil, qui revenaient à Zoé. Ils avaient fait de Pénéloppe un véritable pivot. Ceci, afin de toujours savoir ce que l'un ou l'autre gérait sans pour autant s'interrompre ou se gêner. 

De fait, Pénéloppe avait un doigté extraordinaire pour faire cela impeccablement.
Ni l'un, ni l'autre ne regrettaient cette décision. Depuis six ans qu'elle était à leurs côtés, depuis que COURT'ASSUR existait.

Martin finissait son speech, venait le tour de Maryse. 

Amélia mettait toujours un point d'honneur à tout savoir avant les conseils.
Ces réunions étaient surtout pour impliquer leurs collaborateurs. Sans eux, il n'y aurait plus d'entreprise, plus d'entrée d'argent et vice-versa. C'était un travail mutuel pour un rendu réciproque.

Maryse expliqua quant à elle, que le dernier confinement avait eu raison de la santé de certains collègues qui étaient soit en dépression, soit en burn-out professionnel. 

Il faut dire que pour certains se retrouver pendant deux mois enfermés sans personne à côtoyer, pouvait miner le moral. Et pour ceux qui ne supportaient plus ni leur moitié, ni leur famille, ce n'était pas mieux. Et pire encore, lorsque l'on se retrouvait à quatre ou six personnes dans un 80m². On savait parfaitement que sur Paris c'était bien pire. Plus petite superficie, sans balcon, sans jardin, les gens pétaient littéralement les plombs.

Richard était bien plus doué qu'elle pour écouter les gens, il aurait pu travailler dans le social. Elle, dès que ça devenait trop long, elle n'avait qu'une envie : « venez-en au fait » ou « au fait » et elle ne se gênait aucunement pour le dire. 

Elle savait pertinemment que ça faisait diktat, mais elle n'aimait pas les épilogues sans fin. Néanmoins, elle était de très bon conseil, dès qu'il s'agissait de droit, puisqu'elle était juriste.

Tandis que les intervenants se succédaient, Amélia décrochait réellement, la fatigue la rattrapant à grands pas. Elle ne cessait de penser à autre chose, en jouant avec son stylo silencieusement.

D'ailleurs, Richard n'était jamais arrivé. Elle se demandait ce qui avait pu se passer. Ce contrat commençait à tarder à se finaliser. Il n'avançait pas. 

" Je décroche complètement du discours de Spencer. Je discuterai avec Richard dès qu'on en aura terminé ici..."

Son ventre émit un tel grognement, qu'elle pensait que tout le monde l'avait entendue.

" Euh, après avoir mangé quelque chose et pris quelques minutes de répit... Je ne suis pas une machine non plus ! J'ai faim ! Mon ventre fait de ces ramdams ! C'est un miracle qu'ils ne l'entendent pas ! "

Sans qu'elle ne s'en soit rendue compte, le silence s'était fait. Tout le monde la regardait et elle remarqua que Spencer ne parlait plus.

— Merci Spencer, Maryse et Martin. Je sais que nous avons eu une légère baisse de chiffre d'affaires, mais rien de critique pour le moment. Ne vous en faites pas. Il y a un nouveau marché à exploiter par rapport au télétravail justement. Nous négocions avec les différentes firmes, afin de mettre en place de nouveaux contrats pour rallier le domicile en tant que lieu de travail.

Elle fit une pause et embrassa la salle du regard. Ils étaient tous suspendus à  ses lèvres.

— C'est d'ailleurs pour cette raison que Richard n'a pas pu nous rejoindre. Je vous remercie de votre investissement par ces temps qui courent. Dès finalisation du contrat, nous nous reverrons pour en voir les différentes modalités. Sur ce, bonne journée à tous.

Pendant que tout le monde rassemblait ses affaires pour s'en aller. Amélia vit du coin de l'œil Thimothy, qui la regardait de biais. Il rangeait les siennes plus lentement que les autres.  

" J'espère pour lui qu'il ne viendra pas encore une fois me demander de sortir prendre un verre. Il commence à me gonfler avec ça. Comme si toutes les femmes ne rêvaient que de ça : boire de l'alcool ! "

Pénéloppe terminait ses dernières lignes et rassemblait ses papiers. Amélia se rapprocha d'elle le temps que l'ordinateur s'éteigne. Elle souhaitait par ce biais, éloigner Thimothy d'elle.
Pénéloppe ne fut pas dupe de la manœuvre, car elle se mit à parler d'une réunion téléphonique, qui aurait lieu dans cinq minutes, donc il fallait à tout prix se dépêcher.

Une fois arrivées à leur vaste zone de travail, où il y avait le bureau de Pénéloppe et Zoé.
Séparément, se tenait celui de Richard et juste à côté, le sien.
Elle souffla un merci à son assistante, qui lui répondit en souriant :

— Je ne vois pas du tout de quoi tu me parles, fit-elle, avec un clin d'œil plein de malice.

Moi...Pleurnicheuse? Jamais!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant