Chapitre 1

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Lundi

Hier, j'ai fugué.

Enfin, non, ce n'était pas hier. D'abord, il fallait que je vole un cahier et un stylo pour tenir ce journal.

Ça fait quatre ou cinq jours que j'ai fugué, je ne suis pas vraiment sûre du jour où nous sommes, de toute façon, ça n'a aucune importance. Chaque jour n'est qu'un éternel recommencement désormais. Avancer, se cacher, voler de la nourriture, boire dans des lavabos sales des stations-service.

Je pensais que fuguer était cool. C'est ce qu'on voit à la télé. Il y a toujours quelqu'un de sympa qui s'arrête pour s'occuper de nous, nous aider, nous conduire quelque part.

C'est faux.

Fuguer, c'est terrible.

Fuguer, c'est terrible quand on est une fille. C'est bien plus facile pour un garçon.

Fuguer, c'est terrible quand on est une fille et qu'on a ses règles.

Fuguer, c'est terrible quand on est une fille et qu'on accorde de l'importance à l'hygiène. Personnellement, je n'ai pas envie de me balader avec des vêtements sales. En plus, je risquerais de me faire repérer. Eh oui, contrairement à un garçon, je suis débrouillarde.

Les garçons n'ont qu'à trouver de la nourriture et à boire. Ça ne les dérange pas de dormir n'importe où. Moi, en plus, il faut que je gère mon petit problème féminin et que je lave mes vêtements. Et qui dit laver, dit sécher. Et qui dit dormir, dit trouver un endroit sans bestioles. Déjà que je n'étais pas fan des bestioles à la maison, mais dehors, eurk.

Non, fuguer n'est pas cool quand on est une fille.

J'aurais pu rester chez moi, c'est vrai.

J'avais un toit, de la nourriture, une chambre, des tampons... J'aurais vraiment dû prendre plus de tampons.

Je commence donc à relater mon périple sur ce cahier. J'en volerai d'autres en chemin, à moins que j'arrête d'écrire. Comme les semaines commencent un lundi, je décide qu'aujourd'hui est lundi. Je ne vais pas me prendre la tête à chercher le jour exact, mais bon, pour la postérité, je suis partie un vendredi, le 20 août, donc aujourd'hui nous sommes mardi ou mercredi. Normalement, je devrais retourner à l'école. C'est dommage, j'aime bien l'école, au moins pendant ce temps-là, je ne suis pas sur un tracteur à labourer, semer, récolter. Le tracteur ne me dérange pas tant que ça, au moins pendant ce temps-là, je conduis. Mais c'est ennuyeux.

Ce n'est pas juste, dans les États voisins comme le Dakota ou l'Iowa, j'aurais été en âge de passer mon permis de conduire. J'aurais pu emprunter la voiture de maman. Mais non, pas au Nebraska.

J'ai réussi à voler deux boîtes de barres de céréales ce matin dans un Walmart, soit un total de 20 barres. Ça devrait me tenir quelques jours. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour rejoindre la Californie, je suis en plein milieu des États-Unis. J'aurais dû peut-être être plus attentive pendant les cours de géographie de Madame Barrington.

Je m'arrête souvent, essoufflée, avec un point de côté ou parce que j'ai mal aux pieds. Souvent les trois en même temps. Je ne me suis jamais vraiment occupée de moi, alors je suis un peu enrobée autour de la taille, des cuisses, des mollets aussi, c'est vrai, et peut-être du menton. Sinon, je vais bien... dans ma tête. Je n'étais pas préparée pour cette fugue, mais il est trop tard maintenant. Il n'y a pas de retour possible. Mon seul objectif, avancer, toujours tout droit. La Californie est là-bas.

Je ne veux pas m'arrêter. C'est assez excitant de fuir.

Mais je ne peux pas continuer. Je suis fatiguée. J'ai trouvé un endroit sécurisé pour dormir, sous un pont, une sorte de canalisation.

Sécurisé, mais glauque. Il doit y avoir des araignées là-dedans et toutes sortes de bestioles, mais je suis cachée et à l'abri du vent et de la pluie, c'est toujours ça.

Au fait, je m'appelle Cameron Parrish. J'ai 14 ans. Aujourd'hui, j'ai appris que mon papa n'est pas mon papa, mais mon oncle, et que j'ai une sœur, Kate Valentine. LA Kate Valentine, la chanteuse. Je vais la rejoindre pour vivre avec elle.

Second chances Tome 3/6 : CameronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant