Chapitre 3

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J'arrivai dans le bar sombre qui servait de couverture au gang pour tout ce qui était illégal. En réalité, le plus important ne se trouvait pas au rez-de-chaussée mais au sous-sol. Dans la cave où on gardait toutes les réserves d'alcool, entassées sur les étagères, il y avait également l'entrée sur un tout autre monde. En déplaçant un pack de bière sur une étagère du mur de gauche, on trouvait un mécanisme qui faisait coulisser un pan du mur. Ça donnait accès à un escalier qui menait à un hall d'entrée. A partir de là, on avait trois options. Soit on allait se déhancher dans la boîte de nuit la plus secrète de la ville, soit on se déchaînait sur le ring de la salle de combat, ou bien on entrait dans des salles VIP auxquelles très peu de personnes avaient accès et dans lesquelles on ne voulait pas savoir ce qu'il se passait.

Je me contentais toujours de la deuxième option, même si il m'était arrivé de goûter à la première et la troisième étant plus jeune. En me voyant arriver, Buddy, le videur, m'adressa un salut de la tête, comme à son habitude. Il me signifiait que je pouvais passer. Je trouvais assez drôle qu'on l'appelle Buddy. Je ne savais pas si c'était son vrai prénom ou juste son surnom, mais ce qui était sûr, c'est que c'était le pote de personne, Buddy. Si quelqu'un tentait d'entrer alors qu'il était pas le bienvenu, je ne donnais pas cher sa peau.

Avant de me changer aux vestiaires, je devais passer dans le bureau du boss. Suivant le couloir sinueux, j'allai jusqu'au fond, m'enfonçant dans l'obscurité la plus totale. Je frappai à la porte. Un silence. Une chaise qui racle au sol. Des bruits de pas. La porte s'entrouvre.

–Entre.

C'était un ordre. Personne ne désobéissait à Julian. C'était Julian, et juste Julian. Personne ne connaissait son nom de famille, une précaution pour que personne ne puisse le dénoncer à la police. Ce mec était dangereux, ou bien il fallait la jouer fine, ou bien tu faisais profil bas.

Je le suivis et m'installai face à lui.

–Un verre?

Tout en me posant la question, il se servait lui-même un cognac.

–Non.

Je restais toujours ferme dans mes réponses, car le jour où je lui laisserais le choix, je ne pourrais plus jamais lui dire non. C'était comme ça avec lui, et peu de personnes avaient le courage de lui dire non. Ça s'arrêtait à une relation de donnant-donnant. Je lui rapportais du fric, il me refilait ma part.

Le sourire avait disparu de son visage.

–Passons aux choses sérieuses. Comme d'hab, tu gagnes. Ce soir, l'adversaire a une réputation, c'est du lourd. Le public va être en folie, hystérique. Alors écoute moi bien. Tu les laisses d'abord croire que tu perds, tu te prends quelques coups, histoire de. Mais après, tu va faire la remontada du siècle, comme ça tout le monde ne parlera plus que de ça. Mais quoi qu'il en soit, tu gagnes.

–Ok.

Je me relevai et partis en direction des vestiaires. Sur la porte était affiché le programme de la soirée. Je passais en troisième, contre l'Ange de la Mort. Pfff. Quel égo surdimensionné. Est-ce qu'il y avait vraiment des gens qui se prenaient pour des dieux sur Terre? Bien sûr que oui. Il y avait même une époque où ça avait été mon cas. Moi, je me faisais appeler Le Cri. Personne ne pouvait en comprendre la signification à part Maël et moi.

Ensemble, on avait fait les quatre cents coups, et ça impliquait aussi les combats illégaux. On avait fait notre tout premier à dix-sept piges, alors qu'on n'avait aucune expérience en la matière. J'avais bien pris des cours de boxe quelques années quand j'étais gamin, mais rien d'extraordinaire. Mais Maël et moi, on avait du talent. Et on le savait. On était persuadés qu'on pouvait y arriver. Et puis, il fallait dire qu'on avait aucun avenir en vue, qu'on allait bientôt atteindre dix-huit ans et être virés du foyer. Et on aurait besoin de fric pour survivre.

Nos Blessures CachéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant