Chapitre 41

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Nous restâmes un long moment dans cette clairière enchantée, discutant longuement et tranquillement, passant d'un sujet à l'autre par une série de baisers, comme de jeunes adolescents qui découvraient les joies des premiers sentiments. Et peut-être qu'au fond, nous avions tous les deux besoins de repasser par ce stade là tant nos vies avaient été bouleversées durant notre adolescence. Et moi qui tentait encore de me convaincre ce matin qu'il était mieux qu'il ne se passe rien! Maintenant que j'avais gouté au fruit défendu, je ne pouvais plus m'en passer. Je vivais l'instant présent sans tracas, sans chercher à me projeter. Qu'étions nous l'un pour l'autre? Je n'en n'étais pas sûr, mais au fond quelle importance?

Quand la chaleur de nos corps serrés l'un contre l'autre ne suffit plus à nous réchauffer, nous reprîmes la route en direction de mon appartement. Le trajet retour me parut être un rêve, sentir les bras de Lou autour de ma taille et le poids de sa tête sur mon épaule étaient des gestes anodins qui me procuraient pourtant un sentiment de plénitude inexplicable.

Lorsque nous arrivâmes au cœur de la ville, c'était la fin d'après-midi. Il était encore tôt mais le soleil n'allait pas tarder à se coucher, l'hiver étendant son manteau de nuit sur le ciel. Je m'arrêtai non loin de la place et invitai Lou à me suivre.

–On va où ?

Je pointai la destination du doigt, et son visage s'illumina, de la même manière que celui d'Archie quand je l'emmenai ici. Le vendeur de churros avait probablement la capacité de faire retomber n'importe qui en enfance. Après avoir passé commande nous le regardâmes enclencher sa machine, les boudins de pâte tombant dans le bain d'huile bouillant juste en dessous. Au fil de la cuisson, on pouvait voir les churros dorer et l'odeur qui s'en dégageait était de plus en plus alléchante. Après les avoir égouttés, nous vîmes avec émerveillement le commerçant saupoudrer nos gourmandises de sucre. Il nous tendit notre butin avec le sourire et nous lança :

–Allez, bonne soirée les jeunes.

Cette phrase, bien que réaliste, me percuta comme un train de marchandise. J'étais jeune, j'avais vingt-quatre ans. Pourtant j'avais l'impression d'être un quarantenaire. Tout dans ma vie m'y ramenait, j'avais pas trente ans que je me sentais déjà usé par les épreuves que la vie avait mises sur ma route. Juste le fait de m'autoriser à explorer ma relation avec Lou, que ce soit au début en tant que confidents, ensuite en tant qu'amis et maintenant quelle que soit notre statut actuel, ça avait été un combat de tous les jours pour que je m'autorise à me rapprocher d'elle. Au final, quand est-ce que j'avais eu une enfance ? J'avais pas de parents, les seuls que j'avais jamais considérés comme tels m'avaient été arrachés et j'avais fini dans un foyer où j'étais devenu un délinquant. Avec Maël on s'était mis aux combats, nous mêlant à tout un tas d'affaires illégales. Après Archie était arrivé. Mais le moment où j'avais commencé à me sentir vieux, le moment où j'étais devenu l'ombre de moi-même c'était quand Mal était parti. Parce que j'étais le seul responsable, que pour une fois rien ni personne ne pourrait réparer ce que j'avais fait.

–Tu viens ?

Souriant à Lou, je réintégrai mon corps et nous nous installâmes sur un banc dans le parc d'à côté. Les churros étaient presque trop chauds, mais pas assez pour nous brûler. Ils étaient croustillants, le sucre craquant sous la dent, et le goût était top. Nous finîmes aux dernières lueurs du jour, les doigts collants de sucre et la joie pétillant dans nos yeux. Nous rentrâmes tranquillement à l'appartement et nous assîmes sur le canapé après avoir rangé les affaires du pique-nique. Lou était silencieuse à côté de moi, faisant tourner ses bagues en me jetant quelques regards en biais. Bon, elle était nerveuse. Mais pourquoi ? Est-ce qu'elle regrettait qu'on se soit embrassés ? Prenant mon courage à deux mains, je me décidai à lui poser la question.

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