Chapitre 18

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Bzzz

Je ramassai mon téléphone et regardai ce qui m'avait réveillé. C'était Lou-Anne qui venait de m'envoyer un message.

-Comment tu vas Gabi?

Je souris en lisant le message puis grimaçai à cause de la douleur que ça me causait. Mes blessures étaient encore fraîches. Je les avais précautionneusement nettoyées et même après avoir enlevé toute la couche de sang, de crace et de transpiration, c'était pas beau à voir.

Je me levai et filai à la salle de bain. J'avais l'habitude de me maquiller quand j'étais amoché et là c'était carrément vital. Je me fichais pas mal d'avoir une tête horrible mais je voulais pas faire peur à mon fils, ça m'aurait fait plus mal que n'importe quelle blessure physique. Et puis pour le boulot, ça passait mieux d'être présentable, fallait pas effrayer les clients non plus. Au final, les adultes restaient de grands enfants, ça les arrangeait de ne rien voir, les côtés sombres de la vie, ils préféraient fermer les yeux dessus.

Évidemment on voyait encore un peu ma blessure, mais on ne pouvait pas faire de miracles non plus. Et puis c'était rien comparé à ma tête sans maquillage. Je me rappelais les regards curieux quand j'allais acheter mon fond de teint et du correcteur. Les gens trouvaient toujours ça bizarre de voir un mec se balader avec du maquillage. Déjà c'était rare qu'un mec sache quoi prendre quand c'était pour sa meuf, mais en plus envisager la possibilité qu'un homme se maquille c'était trop pour la plupart des gens. Moi je ne faisais que cacher des blessures, mais d'autres se maquillaient parce qu'ils se trouvaient beau comme ça, comme n'importe quelle femme qui aimait se pomponner. La gent féminine s'était toujours maquillée au cours de l'histoire de notre société, c'était quelque chose de bien ancré dans nos mœurs. Mais qu'un mec puisse se maquiller, ça passait pas. Les gens trouvaient ça bizarre, voire anormal ou même contre nature! Franchement fallait sortir de la préhistoire!

Parfois j'avais envie de prendre un rouge à lèvres, clairement pas pour m'en mettre, mais juste pour voir le doute sur le visage des gens se transformer en autre chose. Je me demandais ce que serait ce autre chose, si cela varierait beaucoup selon les gens. Est-ce qu'une jeune femme me sourirait? Est-ce qu'un homme d'âge mûr me regarderait avec dégoût? Est-ce qu'une mamie détournerait les yeux en cachant ceux de ses petits enfants? Probablement un peu de tout ça. Mine de rien il y avait encore du boulot à faire niveau tolérance dans ce pays.

D'ailleurs cette histoire de tolérance me faisait penser à Lou-Anne, je devais lui répondre. Elle n'avait jamais commenté négativement mon passé, jamais jugé ce que je lui avais dit, et je ne pouvais que lui en être reconnaissant. Alors que j'avais perdu confiance en les autres, elle me redonnait de l'espoir, je savais qu'au moins une personne en ce monde était capable de me comprendre. Elle avait su mettre de côté tout préjugé pour ne laisser que la compassion s'exprimer.

Je choppai mon téléphone et tapai rapidement une réponse:

-Ça va et toi?

J'allais reposer mon portable mais sa réponse fusa avant je ne puisse le faire.

-Génial! Tu vas faire quoi ce weekend?

Qu'est ce que je pouvais bien répondre à cela? Que j'allais passer aux urgences pour vérifier si j'avais pas une commotion cérébrale à cause d'un abruti? Que j'allais devoir demander à la nounou de mon gosse de le garder? Par ce que oui, c'est vrai, j'avais oublié de préciser que j'avais un enfant de cinq ans, petit détail que j'avais jamais eu le temps d'aborder. J'avais beau me sentir bien dans ma relation avec Lou, je n'étais pas encore prêt à lui confier certaines choses. Archie en faisait partie, j'étais très protecteur envers lui, et je ne l'exposais que peu. Les seuls à connaître son existence étaient Nadine, Daniel... Et Maël. Si ça comptait encore.

Nos Blessures CachéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant