Chapitre 26

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Le lendemain, la première chose que je fis était prendre une douche. Malgré le miroir embué, je pus voir que j'avais une sale tête. Quand la condensation commença à se dissiper, je découvris les valises de trois kilomètres que j'avais sous les yeux et l'air fatigué qui me collait à la tronche. Est-ce que je mettrais pas un peu d'anti-cernes pour cacher tout ça?

Après avoir fini mon tour à la salle de bain, je me sentais un peu revigoré et j'espérais que ça se voyait. Personne n'était encore levé. En même temps, il était encore tôt, c'était normal. Je m'étais réveillé ce matin, et impossible de me rendormir. Je ne faisais que tourner et retourner dans mes draps alors autant sortir du lit. Mes pensées étaient trop bruyantes pour le matin, le bruit de la douche les avaient étouffées en douceur. J'aimais bien écouter les gouttes d'eau s'échouer sur le verre, je trouvais ça apaisant, que ce soit la pluie contre la vitre ou l'eau de la douche, les deux avaient le don de calmer mon esprit.

Une fois bien propre, je décidai de faire des crêpes. Avec Lou à la maison c'était l'occasion et Archie serait content. Combien j'en faisais? Un demi litre ou un litre entier? On était que trois, et je savais pas si Lou était fan de crêpes au point d'en avoir au petit déjeuner, à midi, au goûter et au soir. Un demi litre serait suffisant. Lou-Anne arriva pile au moment où je finissais la pâte.

–Wow, un homme qui cuisine!

Me tournant vers elle je lui souris.

–C'est pas si rare que ça tu sais.

–Peut-être mais chez moi c'était ma mère qui cuisinait, mon père se contentait de rester assis sur le canapé. Quand ils se sont séparés mon père et moi avons essayé de faire ça à deux, ou chacun son tour quand l'un avait la flemme. Puis il a vite commencé à faire réchauffer des conserves et du surgelé. Bref, j'ai pas eu de modèle masculin qui cuisinait dans ma famille, c'est pour ça que ça m'étonne.

–Je comprends, notre éducation nous semble souvent être une généralité alors qu'elle change en fonction de chaque personne. Personnellement, ma première famille d'accueil m'a marqué à vie. Ils m'ont élevé comme si ils étaient mes parents et leur éducation est devenue la mienne. Sauf qu'après, quand j'ai fait le tour des familles d'accueil, déjà que je refusais l'idée qu'on m'ait arraché à ma première famille, en plus les attentes des nouvelles familles étaient toujours différentes de celles qu'on m'avait inculquées dès ma plus tendre enfance. Certes, il y a beaucoup de choses qui restent communes, mais les valeurs profondes de chacun sont différentes, et ce ne sont pas les mêmes choses qui vont primer chez les uns que chez les autres. Je sais pas si c'est très compréhensif dit comme ça, j'ai l'impression d'être parti dans tous les sens pour mon explication...

–Non mais ça va, c'était clair. C'est vrai que pour quelqu'un qui n'a pas été placé, c'est compliqué de voir toutes les difficultés auxquelles vous faites face. C'est tellement plus que juste être séparé de ses parents.

Nous nous absorbâmes chacun dans nos pensées, jusqu'à ce que Lou-Anne me ramène à la réalité dans un sursaut.

–Alors, tu m'en fais une de crêpe? Attention, je travaille en boulangerie, j'ai le sens du raffinement, me taquina-t-elle.

–Oui mais tu sais ce qu'on dit, la première est toujours ratée!

Et effectivement, la première fut quelque peu laborieuse. J'avais été élevé par une pâtissière hors pair, ce qui me filait un léger complexe d'infériorité. Jeanne m'avait toujours impressionné quand elle retournait ses crêpes en les faisant sauter d'un demi-tour. En plus de ça elle arrivait toujours à obtenir l'épaisseur parfaite qui permettait des bords aussi fins que la dentelle tout en gardant un centre plus moelleux.

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