Epilogue

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–L'audience est levée.

A coté de moi, Lou me souriait de toutes ses dents. Moi, je n'arrivais pas à croire à ma chance. Après l'enlèvement d'Archie, j'avais dû répondre des actes que j'avais commis au nom des Ombres Ecarlates. Puisque j'avais aidé la police à démanteler le gang j'avais des conditions atténuantes. Ça et le fait que même si Julian m'avait accusé du meurtre de Maël, il n'y avait aucune preuve contre moi. L'affaire était fermée depuis longtemps et personne n'avait pris le temps de la rouvrir. En un sens c'était triste. Mais ça valait mieux pour moi. Résultat des courses, je m'en sortais avec cinq ans de sursis probatoire avec obligation thérapeutique. Et on m'avait laissé la garde d'Archibald. Visiblement, raconter l'histoire de mon enfance chaotique jusqu'à l'enlèvement avait ému le juge. Mon avocat avait eu raison de me faire jouer la carte de la pitié. En plus de ça, beaucoup de personnes étaient venues me soutenir: Lou, Nana, Mathis, ce grincheux de Daniel, l'animatrice d'Archie qui se sentait coupable de l'avoir laissé aux mains de sa mère, et même Jeanne avait fait le déplacement. Le juge en avait conclu que je n'étais pas un mauvais bougre mais que j'étais probablement née sous une mauvaise étoile.

Archie aussi avait parlé, mais pas pendant l'audience. Il avait eu droit à un tête à tête avec le juge en privé, histoire de ne pas trop l'effrayer. Les évènements l'avaient changé. Il parlait moins qu'avant, mais d'après les spécialistes il n'y avait rien d'inquiétant. Je l'amenais chaque semaine chez un psy et il voyait aussi régulièrement un pédiatre. Je m'inquiétais beaucoup, mais les docteurs affirmaient qu'il fallait que je reprenne une vie "normale" pour aider Archie, et que si il venait à parler de son enlèvement, je devais simplement l'écouter et ne pas le forcer dans cette direction. J'essayais de faire au mieux. Lou-Anne m'aidait beaucoup.

C'était d'ailleurs grâce à elle que je me trouvais là actuellement, prêt à retrouver Archie. Ce soir là, quand pendant que je paniquais tout seul dans mon lit, enfoui sous les couvertures, Lou m'avait envoyé un message. Sur FreeMe. Et là, l'évidence m'avait frappé. Probablement que mes réseaux sociaux aussi avaient été infiltrés par les gars de Julian, mais qui irait chercher sur FreeMe, un site censé servir de défouloir aux âmes écorchées? J'étais conscient du risque, mais vu ma situation, je n'avais pas tellement le choix. J'avais tout expliqué par message à Lou. On avait échangé un bon moment sur le réseau, et c'est elle qui avait prévenu la police de toute cette histoire. Et par un coup de bol incroyable, ce taré de Julian avait choisi un ancien abattoir comme lieux de rencontre. La police se serait fait griller de suite en arrivant par l'extérieur, mais l'équipe était intervenue par la voie souterraine, le parfait effet de surprise. Julian croupissait actuellement en prison.  

Mais notre vie avait radicalement changée quand même. Nous avions dû déménager par mesure de sécurité. J'habitais désormais sous le même toit que Lou-Anne et nous étions sous protection policière pour l'instant, au cas où des amis de Julian voudraient le venger. Tous ces changements en si peu de temps n'aidaient pas Archie, donc sur les conseils du pédiatre, j'avais décidé d'enfin offrir un chien à Archie. Le médecin pensait qu'une présence animale pouvait grandement aider mon gamin, surtout lui qui avait toujours voulu avoir un chien. Depuis, il passait énormément de temps avec, il disait que c'était son nouveau meilleur ami. Il était aussi très content de vivre avec Lou, il la trouvait gentille et adorait quand on passait acheter une viennoiserie après la maternelle. Et puis, au vu de ses relations avec ses parents, Lou était très attentive à Archie, elle ne voulait pas risquer de reproduire les erreurs de ses darons.

Lou et sa mère s'appelaient régulièrement pour prendre des nouvelles, mais elles ne s'étaient pas encore revues depuis la dernière fois. Lou affirmait qu'elle avait besoin de prendre son temps, et c'était probablement aussi le cas de sa mère. J'avais bon espoir que la mère et la fille finissent par enterrer la hache de guerre, chacune faisait des efforts. En plus de cela, Lou avait reçu une bonne nouvelle de la part du maître verrier qu'elle connaissait. Il avait prévu de partir en retraite dans quelques années, et il avait décidé de léguer son savoir-faire à Lou avant de se retirer du métier. C'était un métier où avoir un nom était plus important qu'avoir le diplôme. Et ce monsieur offrait la possibilité à Lou de s'en faire un, grâce à la notoriété qu'il avait acquise au cours de sa carrière. C'était génial pour, d'autant plus qu'elle pourrait aussi expérimenter le travail à deux de manière plus approfondie, chose assez commune dans le métier quand on faisait des œuvres imposantes.

Pour ma part, j'avais trouvé du boulot dans une boîte de nuit, je m'occupais de faire les boissons. C'était pratique, je passais toute la nuit là-bas et je m'arrangeais pour dormir quand personne n'était là à la maison. C'était fatiguant, et temporaire, mais au moins j'avais la paye au bout du mois. Pour ce qui était des projets à plus long terme, une idée germait dans ma tête. C'était Jeanne qui l'avait suggérée. Prof de boxe. Je m'étais renseigné, je pouvais passer un diplôme en un an puis je pourrais enseigner le sport de combat. Avec ce qu'on faisait, Lou et moi, on n'allait pas vivre riches, mais on était sûrs de vivre heureux.

En plus de m'avoir suggéré une idée de carrière, Jeanne avait décidé de prendre Mathis sous son aile comme je l'espérais. Je n'avais probablement pas été aussi subtil que je le pensais, que ce soit auprès de l'un ou de l'autre, mais ça n'avait pas d'importance. J'étais content que Mathis aille vivre avec elle, et la vieille femme avait même décidé qu'elle paierait ce qu'il fallait pour qu'il puisse faire ses études. Notre petit génie des maths avait sans surprise décidé de s'inscrire en licence de maths l'année suivante, et il était très reconnaissant à Jeanne. Il rendait visite à sa sœur aussi souvent que possible et profitai de la vie, ce qu'il n'avait pas fait depuis longtemps. J'avais eu peur qu'il ait des ennuis à cause de son implications avec les Ombres Ecarlates, mais au final il n'avait rien eu de plus qu'un avertissement.

–Tu viens Gab? Tout le monde est sorti, tes proches t'attendent dehors.

Je me levai du banc et pris la main de Lou-Anne dans la mienne. Comme elle le disait, mes proches m'attendaient. J'avais mis du temps à réaliser que j'avais des gens autour de moi, et même si on n'avait pas forcément des relation conventionnelles, ces gens avaient tous le cœur sur la main. En sortant, je m'approchai de Nadine, Daniel et Jeanne pour les prendre dans mes bras à tours de rôle. Je remerciai chaleureusement l'animatrice d'Archie et donnai une tape affectueuse dans le dos de Mathis. Une fois que tout ce petit monde fût parti, je montai en voiture avec Lou, et nous repartîmes chez nous.

Je regardais le paysage défiler depuis la fenêtre. C'était un peu comme la vie, le décor changeait lentement au fur et à mesure, mais au fond de nous, on gardait une trace de chaque évènement passé, qu'il soit bon ou mauvais. Ça faisait de nous la personne qu'on était, c'était pour ça aussi qu'on était en constante évolution. J'acceptais peu à peu mes fautes passées, j'arrivais à repenser à Maël pour les bons moments aussi, et pas que à sa mort. Mais quand venait la tristesse, je m'autorisais à la ressentir, je n'essayais plus d'enfermer toute ma négativité dans une boîte, parce que je savais bien que ce n'était pas de cette manière qu'elle allait disparaître. En un sens, l'injonction thérapeutique n'était pas une mauvaise chose, je ne pourrais pas me confier sur tout auprès du psy, mais j'étais prêt à accepter son aide. 

Lou restait celle qui m'avait le plus aidée. Elle m'avait sorti de ma noirceur et j'arrivais de nouveau à me projeter dans l'avenir. Dans les moments de difficiles, j'aimais bien me répéter un proverbe chinois qu'elle avait partagé avec moi.

"Il faut apprendre à écrire les blessures dans le sable et à graver les joies dans la pierre."

Et c'était exactement ce que je comptais faire. 

Nos Blessures CachéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant