Chapitre 42

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Ça faisait des jours que je nageais dans un mal-être qui me collait tant à la peau qu'il allait finir par me faire couler sous la surface et me noyer. J'avais l'impression d'avoir des lames intérieures qui me déchiraient, me déchiquetaient, me broyaient le bide. Il fallait que cette souffrance cesse, il fallait qu'elle sorte de mon corps ou j'allais me faire bouffer de l'intérieur. Ça m'arrachait chaque petit morceau d'âme un à un. Je n'arrivais même plus à le cacher à Archie et mon pauvre bout de chou commençait à s'inquiéter. Je devais me reprendre en main, et vite. Daniel aussi avait remarqué le changement d'humeur brutal, mais comme à son habitude, il n'avait pas commenté. Je savais qu'il ne le ferait que si il jugeait cela absolument nécessaire, autant pour le travail que je fournissais que pour ma personne. Même si on faisait pas dans les effusions d'affection lui et moi, au fond on savait tous les deux qu'il était là pour veiller sur moi malgré sa carrure d'armoire à glace doublée d'une peau tatouée de partout et son air constant de dur à cuire. Je ne l'avouerais jamais à voix haute mais ça me rassurait de savoir qu'il allait pas me laisser tomber, que je pouvais compter sur lui. 

Alors que ces pensées tournaient en boucle dans ma tête depuis un bout de temps, je pris conscience que je venais d'astiquer le bar pour la troisième fois de suite. J'avais beau ne pas aimer que les choses soient sales ou mal rangées, je n'était pas un manique non plus. Encore moins l'une de ces personne qui devenaient obsédées par le ménage quand elles étaient au fond du trou. J'étais juste en pilote automatique, je pouvais me perdre dans mes pensées et nettoyer en même temps. 

–Je crois qu'il est assez propre ton comptoir maintenant.

Je sursautai en entendant la voix familière du gamin. Il me regardait d'un air blasé et lorgnait le chiffon que j'avais en main comme si il n'en n'avait jamais vu avant. Ce qui n'était pas impossible en soi. 

–T'aurais pas des trucs à grignoter par hasard? J'ai la dalle.

–Des cacahuètes?

–Vas-y balance.

Sortant un petit contenant, je lui versait une dose généreuse des fruits à coque.

–J'espère que t'es pas allergique, je voudrais pas te foutre six pieds sous terre par erreur.

–Ce serait pas une grande perte, marmonna-t-il.

Le regardant avec sérieux, je lui avouai:

–Ce serait dommage, je commence à bien t'aimer.

La surprise se placarda sur son visage comme une unique affiche en plein milieu d'un mur. Puis ses traits se durcirent et son ton se fit agressif:

–C'est quoi ton problème? Tu me balance des conneries comme ça alors que tu t'es pas pointé au dernier combat, c'est toi qui va finir six pieds sous terre.

Effectivement, c'était pas brillant de ma part d'avoir raté le dernier tournoi. En vérité, j'étais trop occupé à chialer toutes les larmes de mon corps pour me souvenir que je devais combattre.

–T'inquiète pas pour moi, il ne va rien se passer.

–C'est toi qui ne comprends rien, siffla-t-il, tu ne veux pas m'écouter. Je te dis que ça va mal finir. J'ai entendu des conversations...

Dans ses yeux, je pouvais lire l'avertissement et une étincelle de peur. C'était plus sérieux que ce que j'imaginais. Je hochai la tête pour lui montrer que le message était passé et posai une main sur son épaule pour tenter de l'apaiser. 

–J'irai voir Julian et on aura une petite conversation lui et moi. Je vais tout arranger. Ça fait des années, je connais ses points faibles.

Ce n'était pas tout à fait vrai, je connaissais surtout son mode de fonctionnement et arrivais plutôt bien à analyser ses émotions, ce qui me permettait d'avoir une marge de manœuvre pour négocier avec lui. Mais je n'avais toujours pas réussi à déceler un seul point faible chez ce mec. Pas étonnant, je n'avais aucun talent particulier pour le hacking, je n'avais aucune personne fiable dans l'organisation qui aurait pu laisser trainer ses oreilles et je ne connaissais même pas le vrai putain de nom du boss, ça compliquait quand même vachement les recherches.

Nos Blessures CachéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant