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Surpris, mais loin d'être déçu, de toujours se trouver dans le monde des mortels suite à cette rencontre fulgurante, Sam se passe rapidement les mains sur son torse, comme pour s'assurer une énième fois que sa présence n'est pas un songe.

Le bourgeois face à lui n'a esquissé un mouvement, son visage taillé à la serpe ne dévoilant aucune émotion, rappelant au jeune malfrat les statues en marbre des beaux jardins.

— Ahem, bien le bonsoir gentilhomme, ce fut un plaisir pour ma part mais je vais devoir vous abandonner !

Sam agite ses mains, indiquant tacitement à son interlocuteur qu'il souhaite se diriger vers le passage qu'il obstrue, sans que ce dernier ne semble bien interpréter le message.
L'autre reste en effet planté dans l'allée, au plus grand déplaisir de Sam qui voit son tendre moment d'euphorie s'éloigner à grandes enjambées.

— Please, je ne vous demande pas grand-chose, juste ma liberté, ricane le roturier, jouant avec le feu comme les membres du cirque ambulant le font si bien.

— Tu parles anglais. Étonnant pour une vermine, assène le riche jeune homme, se mouvant si peu que ce fut à peine perceptible dans l'obscurité des lieux.

Sam ne relève pas l'insulte et profite de l'opportunité pour courir en contrebas, dévalant les marches rendues glissantes par les pas quotidiens de la foule crasseuse qui s'y aglutine tant.

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Les mains de Pablo effleurent la faible zone de tissu brodé qui a été en contact avec la chemise élimée du vagabond, ses lèvres manquant de s'arquer en une grimace de dégoût.
Ce n'est que lorsqu'il prend conscience de la soudaine légèreté de sa poche que son expression change tout à fait pour arborer une colère sombre qu'il ne connaissait jusqu'alors que sur les traits de ses géniteurs.

Que ce va nu-pieds le touche, passe encore, même si cela lui demande un effort presque herculéen pour dissimuler, du moins quelque peu, son mépris.
Mais qu'il se permette de lui faire les poches, non cela en est trop, il est temps pour lui de lui donner une leçon qu'il n'est pas prêt d'oublier.

Il dévale alors à son tour les escaliers glissants, se rattrapant de justesse contre la rembarde en acier, sous les yeux rieurs de la foule.
Il sent ses joues prendre une teinte carmin, plus de colère que de honte, et cela alimente de plus belle, s'il le fallait, son désir de vengeance.

Il se félicite d'avoir semé ses gardes du corps, eux qui se croyaient si malins et si fort mais qui n'ont su résister à l'appel du bon vin.
Pablo sait que d'ici demain ces deux types seront à la rue, leurs précieux travail leur ayant été arraché d'un claquement de doigts par la maîtresse de maison mais cela lui ait égal.
Le sort des autres lui importe peu surtout s'il n'a nulle incidence sur le sien.

En contrebas il distingue la silhouette maigrelette de son futur opposant, gigotant si agilement qu'il lui semble pratiquement insaisissable.
Mais que ce feu follet profite de ses derniers instants de liberté insouciante.
Bientôt sa gorge sera appuyée contre le tranchant de la lame que Pablo gardait jusque là blottie dans son étui.

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Sam pousse la porte miteuse de son auberge favorite, dont les clients sont tous plus douteux les uns que les autres, armés jusqu'aux dents pour certains, et plus vraiment sobres pour la plupart.
Cependant il s'y sent bien, peut-être parce que c'est la seule chose qu'il n'a jamais connue de toute sa maigre et piteuse existence passée dans la rue.

Il se dirige vers la table qu'il se réserve depuis presque dix ans, souvent seul, parfois en compagnie d'Adélaïde lorsque cette dernière veut reposer ses pieds fatigués d'avoir tant frappé les pavés.

Mais ce soir la personne qui rejoint sa table n'est autre que son fournisseur habituel dont il ne sait rien, pas même son identité. Ce n'est pas par dédain, mais parce que ces informations lui ont été refusées dans un soucis de sécurité.
Comme si Sam avait qui que ce soit pour les répéter.

C'est avec une joie non dissimulée qu'il déverse le contenu des bourses dérobées durant cette journée lucrative.
L'échange achevé, le vendeur s'éclipse, aussi discret qu'une ombre, laissant à Sam le plaisir de s'en envoyer plein le nez, dans un soupir d'extase qu'il a attendu depuis le début de la journée.

— Eh connard, rends moi l'argent que tu m'as volé avant que je ne te vole ta vie.

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Pablo n'est pas bien faire de la phrase qu'il a maladroitement formulé, ses articulations blanchies autour de son arme qu'il a fait glisser sur l'encolure du roturier, qui n'ait aucune réaction.

Le bourgeois agrippe la tignasse châtain du voleur, faisant pivoter brusquement son crâne pour que leurs yeux se rencontrent et ainsi lui imposer son autorité.

Mais une fois de plus, ce n'est qu'un échec cuisant, qu'il ne met pas longtemps à comprendre à la vue de la poudre blanche qui enduit encore le bout du nez de celui qu'il peut considérer comme son ennemi.

— Sorry pretty boy, j'ai comme l'impression qu'on ait un problème, ricane l'inconnu, d'un anglais parfait agrémenté d'un français tranchant qui parait bien peu naturel aux oreilles de l'enfant qui a toujours baigné dans le luxe.

La main de Pablo s'enroule autour des mèches de son inconnu et d'un geste vif, envoie la figure enjouée de ce dernier rejoindre la surface en bois, se fichant bien du sort du reste de poudre.

— Je ne crois pas t'avoir demandé de parler. Seulement d'agir.

— C'est parce que tu veux que j'agisse que tu m'empoignes comme ça depuis tout à l'heure ?

Constatant le ton tendancieux qu'arbore désormais la voix de son rival, Pablo le relâche aussitôt, se retenant de le traiter de tous les noms, chose qui lui parait peu professionnelle.

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Sam relève la tête et remet de l'ordre dans son catogan, puisque son crâne est désormais débarrassé du poids que ce maudit nobliau faisait peser dessus.
Mais malgré la menace qui s'agite désormais silencieusement au-dessus de sa personne, Sam ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire moqueur, celui qui rend folles toutes les personnes qui tentent d'aligner ne serait-ce que deux lignes sérieuses en sa compagnie. 

— Bien, maintenant nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses. Je suis sûr que vous n'êtes pas stupide, vous avez bien dû comprendre que vous ne reverrez jamais la couleur de votre bourse d'écus.

L'autre ne semble pas se formaliser de ce soudain retour au vouvoiement, bien que ce dernier paraisse plus moqueur que sincère.
Sam a donc tout le loisir de poursuivre, sans se départir de son sourire, allant même jusqu'à l'étirer un peu plus.

— Cependant, je peux vous aider à obtenir son triple, et ce, en une seule nuit.

Il sent l'intérêt de son public et se retient de se frotter les mains face à tout le gain qui s'offre à lui.

— Mais pour cela, j'aurais besoin que vous soyez un minimum coopératif. Donc, s'il vous était possible d'écarter cette lame de ma jugulaire, je vous en serais très reconnaissant.

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so, here we are, comme dirait sam

j'ai pas grand chose à dire si ce n'est à samedi et que j'espère que cela vous plaît <3
j'irais rep aux commentaires dans le week-end promis

LES AMANTS NE MEURENT JAMAISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant