XI

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Toute la ville s'agite, les grands descendent de leurs beaux boulevards, mouchoirs à portée de main pour y enfouir leurs nez si les effluves qui leur parviennent leur semblent tout à coup insupportables.
Et les bas fonds se vident, du moins pour les parties les plus superficielles.
Tout ce petit remue ménage n'est causé que par la grande fête de la ville, annoncée depuis des semaines par tous les fanions suspendus entre les bâtiments.

La famille de Kiera et Pablo ne fait pas exception. D'ailleurs, ils trônent en tête du cortège dans une voiture qui n'avait encore jamais été utilisée et dont tous seront jaloux.
La foule les salue comme s'ils étaient la famille royale du pays en personne, avec une émotion probablement factice mais qui semble ravir leurs parents.

Kiera a été drapée de sa plus belle robe, ses bijoux les plus lourds et une perruque ridicule qui lui enserre tant le crâne qu'elle a l'impression que sa tête va tomber avant la fin de la journée.
Puisque ses parents, si fiers de leurs apparences, ne souhaitent pas que tous leurs soucis s'échappent de leur demeure.

Mais Pablo, désormais connu de la foule, est également présent, cheveux gominés, chaussures à talonnettes qui le grandissent de cinq centimètres et nœud enserrant sa gorge, si fort qu'il s'imagine manquer d'oxygène avant la fin de la journée.
Puisque maintenant qu'il a été présenté, il est impossible pour ses parents, de le faire disparaitre d'un simple claquement de doigts. Du moins pas officiellement. 

C'est donc la toute première fois que les deux enfants se retrouvent en représentation, encadrés par leurs parents.
La fille qui n'avait jamais connu le monde hors de sa tour et le fils qui l'a découvert par sa propre volonté.
Drôle de duo, qui pourtant semble avoir une connexion non expliquée. 

Une fois la voiture arrêtée, ils descendent, devenus de véritables automates destinés à une seule tâche, celle de rendre une prestation parfaite, sans quoi les conséquences auxquelles ils devront faire face seront plus piquantes que jamais.
Piquantes si ce n'est mortelles.

Le regard de Pablo se perd dans la foule tandis que Kiera énonce, d'une voix monstrueusement plate le discours que leurs géniteurs lui avaient préparé.
Il ne met pas longtemps à repérer son faux pirate, accoudé à un poteau, qui le fixe d'une manière indécente, comme si cela ne pouvait avoir d'incidences.

Kiera salue, mollement, sans que personne ne semble s'offusquer de ce manque d'enthousiasme. Elle ne fixe que sa danseuse, assise sur une chaise bancale, mais aussi digne que la plus grande des reines. 

Peut-être que les liens qui les unissent ne sont que ceux d'un désir ardent d'obtenir une vie autre que celle qu'ils ont toujours mené et sont condamnés à toujours maintenir. 

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Adélaïde se lève de son siège de fortune, dirigeant ses pas vers son cher cousin qui n'a toujours pas modifié sa posture, au point qu'elle commence à le trouver un peu ridicule, même si elle ne le formulera jamais oralement.

— Get a grip, Sam.

La chemise de ce dernier s'agite autour de ses épaules lorsqu'il les hausse, semblant ne porter aucune importance aux paroles de la jeune femme, pas plus qu'à son propre comportement. 

— Tu peux parler ma chère, je t'ai vu dévorer les lèvres de cette petite princesse. Visuellement, du moins.

— Oh pitié tais toi.

Mais elle ne peut nier l'évidence, son attention est absorbée par Kiera, qu'elle rêve de serrer contre elle, caressant de ses doigts fins sa courte chevelure en épis actuellement dissimulée sous cette ridicule masse, le tout dans un baiser aussi tendre que sybarite.  

Elle ne veut que la voir sourire à nouveau, ses joues rougies par les compliments et l'alcool qui monte, envenimant petit à petit son fluide vital.
Et pas aussi fade que si elle était déjà morte, presque enterrée en réalité. 

— Tu l'aimes vraiment ou tu comptes juste le dépouiller jusqu'à ce qu'il se lasse de ta présence ou se rende compte de ton stratagème.

— Aussi étonnant que ça puisse paraitre, ma cousine, mes sentiments à son égard sont comme ceux que j'entretiens pour toi, purement sincères. Même si ce ne sont pas les mêmes.

Sur ces paroles pleines de sagesse, Sam se détache enfin de son poteau. Les grandes célébrations sont terminées, la fête va commencer, les grandes familles se retirent.

S'il veut avoir la chance d'approcher son Roméo, il doit faire vite.
Et il n'est même pas question d'échanger un baiser, simplement quelques caresses furtives, au nez et à la barbe de sa famille, les risques sont trop grand et la peine capitale. 

Il sait que sa situation avec Pablo ne pourra jamais être différente. Car l'un appartient à la lumière et l'autre aux ombres.
Mais il sait qu'il ne peut espérer mieux, après tout il l'a fuie, la lumière.
Pour mieux s'enfoncer dans les ombres.

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Les mains de la mère de Kiera l'enfoncent un peu plus sur le siège de la voiture, l'obligeant à rejoindre sa place, signifiant en même temps la fin de la brève liberté qui lui avait été accordée.

Elle refoule les larmes qui lui montent aux yeux, ne souhaitant laisser à personne le plaisir de voir sa tristesse éclater aussi sûrement que du verre sur un parquet.

Elle n'a même pas eu l'occasion d'approcher Adélaïde et de lui chuchoter une parole, un maigre mot, là où son frère lui, a pris tous les risques du monde pour toucher son amant.
Et c'est d'ailleurs ce qui leur a causé un retour si vif dans la cage dont seuls leurs parents ont la clef.

Un regard vers Pablo et elle comprend que ce dernier partage en réalité sa peine. Alors elle lève sa main gantée, presque imperceptiblement, et bouge ses iris en direction de la porte restée ouverte.
Son cadet semble la comprendre sans que leur communication n'ait besoin de quitter ce mutisme presque complice.
Et bientôt les voilà tous deux, courant sur les pavés comme des damnés, leurs chaussures luxueuses claquant fort, leurs coiffures parfaites se défaisant au gré de leur course effrénée.

Les cris de leurs géniteurs les accompagnent pendant quelques mètres encore, jusqu'à ce qu'ils débouchent sur une ruelle passante, laissant la foule les absorber.

Frère et sœur se prennent dans les bras, comblés par cette situation qu'ils n'auraient jamais imaginé quelques heures plus tôt et qui, pourtant, leur ouvre toutes les portes qu'ils ont jamais rêvé de pousser.

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je passe ici entre deux vagues de seum par rapport à mon TD, bisous

et comme je l'ai dit à cecile, j'ai très envie de faire une longue fic sur les marauders, un peu à la atyd, mais pas forcément centré sur le wolfstar
que je garde pour une autre fic hehe

LES AMANTS NE MEURENT JAMAISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant