Les pleurs de la ville ont cessé il y a des semaines, bien longtemps avant ceux de Kiera qui ne se remettra sans doute jamais de la perte de celui qui aurait pu être véritablement son petit frère adoré.
Elle endosse pourtant son rôle d'une manière qu'elle se refusait jusqu'alors mais qui lui ouvre tous les horizons.
Si elle avait su qu'il lui suffisait de quelques lettres et quelques sons, aurait elle cédé à la volonté de ses géniteurs plus tôt, ou se serait-elle entêtée à trouver la clef de son bonheur ?Clef qui lui a malheureusement échappé, aussi sûrement que sa vie lui file entre les doigts.
Elle plante sa perruque sur son crâne, bien que ses cheveux aient bien repoussés et tendent à retrouver leur splendeur d'antan.
Elle enroule autour de son cou une série de perles qui ne manqueraient pas de faire jaser les plus riches et qui susciteraient l'envie et l'admiration chez la plèbe, du moins, c'était ce dont sa mère était persuadée. Kiera pense plutôt que le monde s'en fichera.
Elle sort ensuite, ses talons effleurant sans douceur le tapis hors de prix qui ornent les marches.----
Elle a droit à une heure dans les rues, une heure pour descendre jusqu'aux lieux les plus sombres, échapper aux mains des mendiants et se ruer contre celles d'Adélaïde.
Pour lui demander pardon d'avoir maintenu un long silence, pour l'admirer sous les lueurs factices de la ville mais également pour lui ouvrir son cœur et dévoiler tous ses sentiments.Alors elle échappe à ses gardes, comme Pablo des mois plus tôt.
Elle se fraie un chemin hasardeux, s'échouant parfois contre les murs, tachant sa belle robe.La place est bondée, comme toujours mais il y a pourtant quelque chose en plus, l'agitation qu'elle ressent n'est pas normale.
Alors elle presse le pas, maudissant ses talons qui glissent contre les pavés boueux.----
Adélaïde fixe son torse.
Au milieu des étoffes lourdes qui couvrent tant bien que mal sa peau, une fleur pourpre se déploie, de manière si lente et si gracile qu'elle parviendrait presque à oublier les mains glacées qui l'attendent.Elle fixe la paume tendue devant elle et l'arme qui en dépasse.
La lame est recouverte de cette même substance poisseuse qui s'écoule du corps de la jeune femme.
L'homme au bout de cette arme n'arbore ni un air contrit ni un grand sourire victorieux, mais cela n'est peut-être dû qu'à la vue brouillée de la jeune femme qui s'écrase brutalement sur les pavés qui l'ont tant vue danser.Elle ne sait plus à quoi penser.
Peut-être à Sam, qui a rendu son existence un peu moins médiocre qu'elle n'aurait pu l'être.
Ou peut-être à Kiera, qu'elle imagine se pencher sur sa future dépouille, si belle, si lointaine.
Peut-être à cette liberté pourtant si proche mais jamais atteignable. Sortir de la rue n'est pas si aisé, surtout lorsqu'on a nulle part où aller.
Peut-être à cet amour pour sa seule amie, amour jamais exprimé mais qu'elle a savouré.Elle part, tandis que les mains de Kiera, rendues écarlates par ce geste désespéré, se pressent sur sa poitrine pour contenir les flots qui s'en échappent.
Elle n'a jamais su d'où elle venait, mais elle part, dans le seul endroit qu'elle n'a jamais pu quitter.
------
sur une note plus joyeuse, pour ceux qui ne m'ont pas sur insta, j'ai terminé tous mes TD avec la moyenne !!
VOUS LISEZ
LES AMANTS NE MEURENT JAMAIS
General Fictionquelle douce tragédie que celle motivée par l'amour où quatre jeunes adultes poursuivent leurs idéaux de liberté et où cette liberté leur apparaît souvent comme la mort ORIGINAL STORY AND CHARACTERS