Pâle à faire peur, Kiera tripote les gants qui ornent ses mains frêles, comme si cela allait les empêcher de trembler.
— Cesse donc tes simagrées, lui siffle sa mère, réajustant le voile sombre qui coupe Kiera du monde.
La jeune femme reste silencieuse, continuant sa lente procession jusqu'aux premiers rangs de l'église, sous les regards curieux des citoyens qui se sont tous rassemblés de bon matin.
Elle s'assoit, le dos droit, mains croisées élégamment sur ses genoux, dans une posture qui ne reflète en rien tout le malheur qui l'accable.Elle aimerait pouvoir se laisser aller et se plier en deux, mains gantées contre ses paupières, ses larmes ravageant ses joues, sa tristesse éclatant enfin au jour.
Au lieu de quoi, elle est condamnée à garder les yeux rivés contre le cercueil luxueux qui lui fait face et qui contient la dépouille érodée de son cadet.Lèvres bleues arborant un sourire sincère, Pablo a été retrouvé au port, les flots ramenant son corps meurtri jusqu'à la ville qu'il avait quittée.
La cérémonie peut commencer, dans des discours tous plus fallacieux, comme si leur but n'était nullement de rendre hommage au défunt mais plutôt de prouver qui pourra formuler les plus beaux mensonges et ainsi épater autrui.
Kiera ne peut même pas prononcer quelques mots, ce privilège lui ayant été refusé, comme punition pour toutes ses mauvaises actions.
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La mise en terre s'est éternisée, dans des chants et autres paroles qui auraient fait grincer les dents parfaites de Pablo s'il avait pu les entendre.
Kiera s'est tenue aux côtés de ses parents, telle la poupée de chiffon qu'elle est finalement devenue.Puis, une fois le cimetière vidé et leurs géniteurs occupés, elle s'est jeté sur la stèle, mains serrant la croix qu'ils ont fait déposer, si fort qu'elle la brise, projetant des éclats de verre contre ses paumes et sur le marbre.
Elle n'a plus l'air de rien, penchée ainsi, son visage touchant pratiquement la surface sombre dans laquelle le nom de son frère a été gravé, accompagné d'une courte épitaphe qui ne résume en rien la personne que Pablo a bien pu être.
Et que Kiera commençait à peine à connaître.Comment osent-ils prétendre que le jeune homme était aimé de tous lorsque même sa propre famille n'avait cure de son sort ?
Pourquoi clamer de telles choses alors que personne ne s'était jamais intéressé à lui et que personne n'aurait jamais pu le faire si Kiera n'avait pas tant désiré goûter à la liberté ?L'existence de Pablo n'avait été due qu'au hasard et aux envies de tous ceux qui l'entouraient, faisant de sa disparition, sa première décision libre.
Kiera n'a pas le luxe de s'interroger sur son propre avenir puisqu'elle est vivement arrachée à la dernière demeure de son cadet, par des bras qu'elle ne connait que trop bien.
Quelques mots crachés à son visage lui suffisent à prendre conscience que cette fois-ci, sa liberté est bel et bien consumée.
Après un tel fiasco ses parents ne savent plus où donner de la tête ni quelle carte jouer pour préserver les apparences. C'est du moins l'impression qu'ils lui donnent en la plaçant à nouveau sur ce trône qu'elle rêve de voir choir.
Peut-être qu'elle doit se résigner et tenter d'acheter sa liberté, miettes par miettes, descendant sa tour marches par marches pour rejoindre des appartements plus bas puis la ville et ses portes lourdes.
Et peut-être qu'ainsi, elle trouvera la lumière.------
joyeux n'est-ce pas ??
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LES AMANTS NE MEURENT JAMAIS
General Fictionquelle douce tragédie que celle motivée par l'amour où quatre jeunes adultes poursuivent leurs idéaux de liberté et où cette liberté leur apparaît souvent comme la mort ORIGINAL STORY AND CHARACTERS