VII

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La musique frappe dans le crâne d'Adélaïde bien qu'elle soit désormais éteinte. Les notes la suivent quel que soit son chemin, comme pour lui rappeler, si besoin était, qu'elle ne pourra jamais s'en défaire.
Tout ce qu'elle a elle le doit à ces notes de luth, à ces pas de danse et, même si nul ne le sait, à la grandeur d'âme de Sam.

Ce dernier est pourtant persuadé d'être la pire crapule de l'univers, mais la jeune danseuse sait qu'il n'en est rien.
Du moins, c'est ce dont elle est intimement convaincue.

Peut-être qu'elle se trompe, mais au fond, elle n'en a rien à faire.
Sam a été la seule personne à lui tendre la main quand elle se trouvait au fond du ravin avec la pluie pour seule compagnie.
Alors elle se fiche du visage qu'il montre aux autres, tout ce qui lui importe c'est qu'en ce bas monde, Sam est son seul bienfaiteur.

Le petit matin s'avance doucement sur la ville et ses canaux, laissant le monde de la nuit se retirer dans l'ombre, attendant avec ses griffes acérées que la jeune fille s'y replonge.

Elle passe devant de beaux immeubles qu'elle ne peut même pas admirer trop longtemps sans craindre que les gardiens ne viennent la tirer par le col pour lui rappeler, cruellement, quelle est sa place.

Adélaïde n'arrête son cheminement que lorsqu'elle se troupe dans un petit jardin laissé à l'abandon que Sam s'est accaparé lors de sa première année de vie dans les rues, et où la jeune fille a pu trouver refuge.

— C'est moi, souffle t-elle tout en se déchaussant, coutume qu'ils ont instauré dans ce lieu qui n'appartient qu'à eux.

— Ma cousine !

L'appellation n'est que fictive, Sam n'est nullement de la famille d'Adélaïde, du moins pas par le sang.
Parce que pour les deux jeunes gens, c'est tout comme.
Après avoir pris la danseuse sous son aile, même s'il ne semble pas avoir conscience de ce point, ils sont devenus inséparables.
Et si la nuit Adélaïde ne peut profiter de la compagnie de son seul ami, ils rattrapent tout ce temps perdu dès le soleil levé.

Pour le plus grand plaisir de leur cagnotte qui s'en trouve doublée. 

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Sam descend de son perchoir pour aller serrer Adélaïde contre son cœur. Même si l'appât du gain est omniprésent dans leur relation, il ressent pour son amie un réel lien affectif qu'il ne briserait pour rien au monde.

D'un geste fluide, il noue la longue chevelure ébène de sa comparse en un chignon qui dégage son visage d'ange puis lui jette une robe qui n'a rien de sa tenue de bohémienne, la rendant méconnaissable aux yeux de tous ceux qui passent se délecter de ses mouvements gracieux.

— Ce soir, je t'emmène dans les beaux quartiers, scande t'il, tout fier de sa trouvaille.

Et tandis qu'il étale du bout des doigts quelques touches carmin sur les joues puis les lèvres d'Adélaïde, cette dernière les arque en cette grimace moqueuse dont elle a le secret.

— Parce que t'y as tes entrées, maintenant ? argue t'elle, repoussant la main de son cher cousin lorsque cette dernière s'approche de ses oreilles pour y planter de faux diamants. 

— Loin de ça, darling. Mais ce jour reviendra.

La moue moqueuse de la danseuse est remplacé par un air inquisiteur, que Sam efface bien vite en entamant de brèves explications embrumées, comme il les aime tant.
Et une fois sa comparse convaincue et on ne peut plus séduite par le projet, son allure de princesse démultipliée par les habits que Sam a eut la chance de trouver, ils entament leur longue ascension pour les beaux quartiers.

Le jeune homme à l'allure de pirate songe qu'il est presque cruellement ironique qu'il y remette les pieds avec un tel enthousiasme, mais comme toujours, l'or miroite dans son esprit, éclipsant tout le reste de ses soucis.

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Adélaïde n'est pas à l'aise dans ces quartiers où vivent certaines des plus riches familles locales, familles désordonnées et brisées qu'elle n'envie nullement.
En dehors de leur monticule de monnaie, ces gens n'ont rien. Les grandes dames sont engoncées dans des robes qui ne leur permettent pas de se mouvoir au gré de leur volonté. Les enfants sont condamnés à observer le monde par leurs fenêtres quand ils désirent s'amuser un peu. Les maris infidèles jouent les hommes pieux tous les dimanche matins pour retourner reluquer des mineures dans les rues obscures à la nuit tombée. 

La jeune femme n'a peut-être rien, mais au moins elle ne possède pas un bonheur factice, fragile et prêt à éclater au moindre secret divulgué.

— Dis moi Sam, cela faisait longtemps que tu ne nous avais pas organisé de sorties, tu as travaillé seul, tout ce temps ? s'enquit elle soudainement.

— Oh dear god, no ! J'ai travaillé bien dur si tu savais. Tellement dur que cela m'a permis de m'accorder quelques jour de repos.

La voix éraillée de Sam éclate en un ricanement presque mauvais, laissant comprendre à Adélaïde, bien avant que les explications n'arrivent, que le jeune homme a eu l'occasion de réaliser le coup du siècle. 

— Je t'aurais bien emmenée auprès du charmant jeune homme qui m'a été très utile pour garnir mes poches. Mais je risque de nécessiter à nouveau son aide alors je préfère le garder encore un peu pour moi si tu n'y vois pas d'inconvénients.

Sam décoche à sa cousine un clin d'œil complice qui la fait glousser, sans qu'elle ne cherche à obtenir plus d'informations sur ce mystérieux jeune homme. Les affaires de Sam ne sont pas les siennes après tout. Tout comme il ne lui s'interpose pas entre ce qu'elle grapille sur les pavés et elle, elle n'a rien à faire dans l'échange qui lie le charmant inconnu et son ami. 

— La journée s'annonce belle, clame Sam en désignant les jolis portillons qui les entourent. Prépare toi à courir vite, cependant. 

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je voulais poster un autre projet lundi mais j'ai complètement oublié
du coup je ne sais pas si je le fais demain, aujourd'hui, samedi ???

LES AMANTS NE MEURENT JAMAISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant