LES AMANTS NE MEURENT JAMAIS

VIII

Pablo entrevoit une silhouette qu'il n'avait connue durant ses précédentes années de vie, assise sur un banc dans l'obscurité naissante, semblant savourer le contact frais de la nuit contre sa peau diaphane.
Il s'avance pour la rejoindre sur son siège de pierre, la démarche aussi raide que s'il s'apprêtait à rejoindre un des plus grands dirigeants de ce monde.

Pourtant ce n'est que sa sœur, dont il a enfin pu récupérer la place.
Non pas au prix de monstrueux efforts de sa part, mais tout simplement suite à une terrible erreur de la part de Kiera.

Il contemple ses courts cheveux blonds, dressés tout autour de sa tête comme une couronne d'épines ornée d'or.
Drôle d'ironie pour celle qui s'est tantôt fait détrôner. 

— Bonsoir, Pablo, souffle Kiera, d'une voix si douce qu'il aurait pu la confondre avec la brise qui les enveloppe.

— Je ne savais pas que tu avais le droit de rester autant en extérieur désormais.

— J'ai une situation particulière. J'ai à la fois tous les droits et aucun, face au regard perdu de son frère elle reprend, serrant les pans de sa robe entre ses mains à la peau rougie. Je pourrais m'échapper si je le souhaitais véritablement, personne ne me pourchasserais, je pense même que cela les arrangerait si j'étais amenée à disparaitre. Mais si je fais le choix de rester, j'ai mille et une chose à faire, toutes plus éreintantes les unes que les autres. 

— Et quel est ton choix dans ce cas ?

— Un mois plus tôt, j'aurais pu te répondre. Mais désormais, mon doute est sans fin.

— Si tu souhaites m'évincer, fais le, après tout je ne suis qu'un inconnu pour toi, quel obstacle suis-je à tes yeux ?

— Aucun mais tu n'en seras jamais un, je ne veux pas de ta place Pablo. Si elle te convient, tant mieux pour toi et profite de la vie qui s'offrira à toi si c'est celle à laquelle tu aspires.

Pablo ne semble pas comprendre les sentiments de Kiera, lui qui a tant couru après l'attention de ses parents, sacrifiant tout ce qu'il avait et même ce qu'il n'avait pas encore.

— Pourquoi rester dans ce cas, si ce n'est pas pour rejoindre à nouveau ta somptueuse demeure sur les hauteurs ?

— Parce que je n'ai nulle part où aller. J'ai toujours vécu tel un oiseau en cage, mais ce n'est pas en faisant simplement disparaitre mes barreaux que j'apprendrais à voler.

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Kiera ne sait même pas pourquoi elle confie tout cela à celui qui partage son sang. Il l'a bien souligné lui-même, ils ne sont encore que deux inconnus et sont certainement condamnés à le rester.

Même depuis qu'il est devenu l'héritier officiel de leur prestigieuse famille, Kiera, reléguée au rang de médiocre domestique, n'a pas eu l'occasion de l'approcher ni même simplement de le voir.

La poussière qui encrasse les bottines cirées de son frère finit pourtant par lui tirer l'œil, elle qui a passé plusieurs heures accroupies, un maigre plumeau à la main, faisant la chasse aux nombreux moutons que les autres servantes laissaient avec un plaisir non dissimulé.

— Tu ne reviens pas de l'intérieur.

Ce n'est pas une question et pourtant le bourgeois hoche la tête, son regard se perdant dans les buis qui les entourent. 

— Il semblerait que les conditions de mon statut ne soit pas véritablement identiques à celles qu'on t'avait imposées.

— J'ai entendu dire que tu leur avait forcé la main pour te présenter au peuple, rétorque Kiera, son regard lui aussi planté dans la végétation environnante.

Vu comme ça, leur manque d'affection et de liens est flagrant, ils n'ont l'air que de deux statues sans âme et d'époques différentes, disposées ainsi parce que personne ne sait quoi en faire.

— Et j'ai bien fait. J'ai pu découvrir un tout nouveau monde et les délices dont il regorge.

Saisissant l'occasion au vol, comme les artistes de rue le font avec la monnaie qui leur est généreusement accordée, Kiera interroge son frère sur les mystères de l'extérieur, ce dernier restant terriblement vague, la frustrant presqu'autant que toutes ces années passées en captivité.

Très bien, si Pablo ne veut rien dire de plus sur ses expéditions nocturnes qui semblent pourtant le ravir, elle ira d'elle-même au cœur de la nuit, s'immiscer dans un monde qu'elle a toujours rêvé de parcourir. 

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avis aux marauders fans qui passent ici (coucou li), j'ai deux projets les concernant

bisous