Chapitre 11

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Samedi 7 janvier

Morgan, Dax et Lola sont assis à la table de la terrasse tandis que tous les autres sont penchés au-dessus de leur épaule pour tenter de voir l'écran de leurs ordinateurs.
Les premiers mails d'universités sont arrivés ce matin, nous informant de nos admissions ou non.
Ils ont tous les trois postulé au VCA, Victorian College of the Arts. Dax souhaite y entrer pour les cours d'écriture, Morgan pour le cinéma et Lola pour le théâtre. Pour cette dernière, VCA est son troisième vœu, son rêve est d'intégrer le NIDA, une prestigieuse école de théâtre à Sydney.
Dax est le premier à sauter de joie. Sarah le serre dans ses bras et tout le monde le félicite. Morgan entre ses identifiants à une main, serrant la mienne de l'autre.
Lorsque les mots tant attendus apparaissent à l'écran, je sens tout son corps se détendre. Il est accepté. Mon cœur se comprime tant je suis contente pour lui, entrer dans cette école était très important pour lui. Je laisse nos amis le congratuler avant de l'embrasser quand il revient vers moi.

- Et toi Lola ? Lui demande Grey, voyant qu'elle ne dit rien.
- Je suis refusée. Dit-elle en se levant. Elle part ensuite à l'intérieur.

Elle ne fait pas ça pour qu'on lui apporte de l'attention ou une quelconque pitié. Simplement, Lola a beau être celle qui nous fait rire et nous fatigue avec ses trop-pleins d'énergie, elle a une batterie sociale avec très peu de capacité et quand quelque chose lui fait du mal, être trop entourée ne fait qu'aggraver la situation.

- J'y vais. Déclare Sarah, qui part immédiatement la retrouver.

Je rentre moi aussi pour lui préparer un chocolat chaud. Ce n'est certes pas la boisson la plus adaptée avec une telle chaleur, mais je ne cherche pas à comprendre avec Lola, c'est ce qu'elle préfère et je sais que ça lui remontra le moral.
Quand je toque, elles sont toutes les deux assises sur le lit de Lola en train de discuter.

- Merci, Willow. Mais t'embêtes pas pour moi, c'est juste un refus, il fallait s'y attendre, j'en aurais d'autres et sûrement vous aussi, mais ça fait un coup au moral.

Je n'ai même pas le temps de lui dire que je comprends que Sarah m'invite à m'asseoir avec elles.

- Alors avec Morgan ? Me demande-t-elle. Tu ne nous avais rien dit.
C'est vrai que nous avons passé les derniers mois à être toujours tous ensemble et contrairement à d'habitude, il est rare que nous ayons du temps pour discuter plus intimement les uns avec les autres.
Je leur raconte tout (ou presque) depuis cette soirée en boîte de nuit où je l'ai ramené. Elles n'en reviennent pas et je les comprends j'ai moi-même du mal à réaliser ce qui se passe. Ça me paraît tellement invraisemblable, comme si je regardais la vie de quelqu'un d'autre à travers mes yeux.

- J'aurais dû faire ce pari avec Dax, il y a deux ans. Je serai riche.

Elle s'explique face à notre étonnement.

- Je lui avais juré qu'il allait finir par se passer quelque chose entre vous. Il ne m'a pas cru et il voulait parier cinquante euros que non.
- Comment tu pouvais être aussi sure, on se détestai vraiment à cette époque.
- Votre haine était trop passionnée, c'était louche.
- C'est toi qui es louche.
- Ce que je veux dire, c'est que vous cherchiez toujours à avoir un contact, même si c'était pour vous embêter.

Même si je vois exactement ce qu'elle veut dire, je sais que je n'envisageais pas du tout Morgan de cette façon.

- Comment vous vous êtes rendu compte qu'il pourrait y avoir plus ? Finis par demander Sarah. Parce que c'est sacrément bizarre cette histoire, vous êtes arrivés ici en vous crachant dessus et en un mois, vous êtes best friends.
-Best friends avec beaucoup de bénéfices. Précise Lola.
- Je sais pas trop, je crois qu'il s'est surtout passé un truc de son côté. Il a dû arrêter de me voir comme une fouine capricieuse et superficielle. L'air doit être plus pur par ici, ça lui a aéré les idées. Il a fait en sorte que je le voie sous un meilleur jour aussi.
- Votre couple est à la fois évident et super improbable, c'est troublant.
- Je ne sais pas ça me fait un peu peur.
- Rappelle-toi de ta résolution, lâche prise et fait confiance à Morgan. Tu es tombée sur la meilleure personne possible. C'est quelqu'un de tellement sérieux et droit que tu n'as pas à t'en faire.

- Bon allez, on redescend, il faut qu'on décide où manger ce midi pour fêter la bonne nouvelle des garçons et de quoi remonter le moral à Lola. Déclare Sarah après quelques minutes supplémentaires à discuter.

Nous rejoignons donc le reste du groupe et je reprends ma place à côté de Morgan. Je suis presque soulagée. Avoir passé du temps à parler de lui sans être capable de le toucher pour lui montrer mon affection commençait presque à être oppressant.
Il me fallait régler ce problème au plus vite, il ne peut pas commencer à me manquer alors que seulement dix mètres nous séparent pendant dix minutes.
Je nous machinalement mes doigts aux siens et il caresse distraitement le dos de ma main avec son pouce.

Mardi 10 janvier


Morgan ne quitte plus sa caméra. Il filme tout, tout le temps. Son projet de cet été est celui qu'il présentera à la rentrée et il veut avoir le plus de rushs possibles pour pouvoir faire ce qu'il veut au moment du montage. Il prend aussi quelques photos avec l'appareil jetable, mais je vois que ça le frustre énormément, même s'il apprécie mon cadeau et que c'est intéressant pour lui de changer de technique, un appareil photo numérique lui permettrai beaucoup plus de choses.
Je me réveille en sursaut ce matin avec l'objectif braqué sur moi.

- Wiwi, t'abuses. Tu n'aurais pas pu te réveiller en douceur et me regarder avec un sourire tendre avant de te cacher sous les draps avec pudeur ?
- Tu tournes quoi ? Un porno ou un film d'adolescente ?

Il coupe la caméra et la pose sur la table de chevet avant de me rapprocher de lui et passe ses bras autour de moi.

- C'est presque la même chose quand on y pense.
- Morgan. Je peux plus respirer.
- Je m'en fiche, je veux te faire un câlin.
- Ce n'est pas mon problème si tu veux te retrouver avec un cadavre.
- Si tu peux parler, c'est que tu respires, arrête de m'emmerder.

J'abandonne et me serre un peu plus contre lui.

Le midi, nous mangeons rapidement des restes du soir précédent et je me prépare pour aller me balader dans la gold coast avec Sarah, Lola et Hope sauf que cette dernière nous informe juste avant de partir qu'elle ne se sent pas très bien et préfère rester à la maison.
Aucune de nous ne cache sa déception, c'était la première fois depuis le début des vacances que nous sortons toutes les quatre et c'était prévu depuis plus d'une semaine.

En ville, nous faisons quelques boutiques, mais le plaisir est gâché par l'absence de Hope et après s'être pris un café en terrasse nous ne tardons pas trop à rentrer.


PDV Morgan

Je suis parti en tout début d'après-midi avec Grey et Dax pou retourner faire une randonnée dans l'arrière-pays de la gold Coast (et voir enfin ce pont naturel), les filles en avaient profité pour faire une sortie entre elles puisque notre programme ne les intéressait pas.

- J'ai mal à la cheville... Se plaint Dax après à peine une demi-heure de marche.

Je ne réagis pas au début, pensant qu'il s'est déjà lassé de l'activité et cherche à faire demi-tour, mais après dix minutes et une vingtaine de protestations. Grey décide quand même de s'arrêter pour regarder.

- Morgan, c'est vraiment gonflé, on ferait mieux de rentrer maintenant.

Voyant l'état presque effrayant de sa cheville nous nous remettons en marche dans le sens inverse (je ne verrai jamais le pont naturel.).

En rentrant, Dax va faire une sieste dans sa chambre et Grey se pose dans le jardin de derrière pour lire. À cette heure-ci la terrasse et exposée en plein soleil et c'est le seul endroit avec un peu d'ombre. Pour ma part, je monte me changer avec l'objectif d'aller surfer.
Je n'ai même pas le temps de trouver mon maillot de bain que quelqu'un toque à la porte.

- Hope ? Tu n'es pas censée être en ville avec les filles ?
- Je me sentais pas bien.

Je ne suis pas médecin, mais elle à l'air en forme. Un peu trop.

- Je peux faire quelque chose pour toi ?
- Je voulais juste discuter, ça fait longtemps.
- Tu m'ignores depuis plus d'une semaine donc oui forcément.
- Tu sais très bien pourquoi. Me reproche-t-elle en s'asseyant sur mon lit.
- Non justement.
- Tu m'as remplacée avec Willow.
- Je ne t'ai pas remplacée, c'est une relation totalement différente. Tu m'as fait espérer des années pour ne jamais rien me donner. Ce que j'ai avec Willow, c'est tellement plus sain, et honnête. Et réciproque, ce qui est non négligeable.
- Si je te disais que j'ai envie de te donner quelque chose. J'ai envie de toi, Morgan, de nous.

Je déglutis. J'aurais aimé entendre ces paroles tellement de fois. Mais ce que je ressens pour Willow grandit de jour en jour et je ne veux pas perdre ça. Je ne veux pas la perdre elle.

- Hope...
- Morgan. Laisse-moi une chance.

Des éclats de voix en bas nous parviennent. Willow est rentrée. C'est à ce moment que je remarque que Hope s'est levée et passablement rapprochée de moi.

- S'il te plaît. Insiste-t-elle.

Je la contourne et sors de ma chambre sans un mot. Quand j'arrive en bas, Willow dépose un baiser timide sur mes lèvres en me voyant, mais je me sens coupable, je n'arrête pas de penser aux paroles de Hope.



PDV Willow

- Wiwi, je dois te parler. M'intime Morgan alors que je prépare le repas avec Grey.

C'est jamais bon signe ce genre de phrase. Jamais.
Je le suis, la boule au ventre, jusqu'à l'avant de la maison, sous le porche.
Il semble mal à l'aise et tiraillé.
C'est vraiment pas bon signe.

- Je pense qu'on devrait arrêter là. 

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