PROJET 125

Chapitre 3: 1333

Julia

Coronado, San Diego: 21 juin 2021

Tout est immense. Et décoré à outrance. La personnalité d'Allia ressort avec tellement d'insistance que même quelqu'un qui ne la connaît pas pourrait directement comprendre qui elle est.

Ça me donne mal à la tête. Je n'ai pas l'habitude des grands espaces.

Au contraire, le cloisonnement et la restriction d'espace sont ce que j'ai toujours connu. Et aussi ce que je ne supporte plus.

Parce que je retourne en arrière. Et que je ne le veux pas.

Je ne supporte plus d'être enfermée dans un espace clos contre mon gré.

Je déteste tout ce qui peut me rappeler ce temps-là.

Il s'agit de ma plus grande vulnérabilité. Alors je me protège autant que possible.

La cabine de la douche ne peut être complètement fermée et la porte de ma chambre doit être sans cesse ouverte. Le collier qui ne quitte jamais mon cou ne doit pas être serré et les portes de l'ascenseur bloquées.

D'après la merveilleuse femme que j'ai été obligée de consulter je souffrirais d'un syndrome post-traumatique. C'est que l'on dit quand on traverse une épreuve compliquée.

Mais ce ne sont que des conneries.

Tout est encore présent. Et ça le sera à jamais.

Quoi que je puisse faire contre mon esprit ne pourra jamais oublier. La terminologie est fausse. Post insinuerait que cela fait partie du passé.

Je ne sortirai jamais du traumatisme. Il me hantera jusqu'à la fin.

Et je ne veux pas non plus oublier.

Parce que cela voudrait dire l'oublier elle et les oublier eux.

Ces connards finis qui nous ont exploités sans jamais s'arrêter.

Je ne veux jamais que ces événements partent de ma tête. Je veux me souvenir de ce qu'elle m'a fait quand je la détruirai.

On pourrait se dire que dans un espace aéré je pourrais me sentir davantage en sécurité. Mais cela n'est pas le cas pour autant. Tout est trop extravagant. Et ce n'est pas à ma portée.

J'ai pris pour habitude de me prévenir de toutes les situations dans lesquelles j'allais mettre un pied. Et ce pour n'importe quel entrainement ou n'importe quelle mission.

Ici je ne contrôle rien. Je ne connais rien.

Je me retrouve dans le scénario que j'angoissais d'imaginer quand j'étais plus jeune. Dans la gueule du grand méchant loup.

Alors même si Allia m'inspire une confiance inouïe je ne peux pas perdre de vue les précieux conseils selon laquelle j'ai été conditionnée.

Le problème n'est même plus lié à l'espace qui m'est destiné. Il est bien plus profond.

Je ne peux rien anticiper.